À peine remis de Roch Hashana et Kippour, voilà la fête de Souccot qui arrive. Nos fidèles lecteurs, qui ont du mal avec le rythme infernal imposé par le calendrier hébraïque, nous ont posé de nombreuses questions. En exclusivité, nous avons interrogé le grand Rav Hagé, directeur de la prestigieuse (et méconnue) yeshiva Zarma School of Frishman Beach de Tel-Aviv. Il nous éclaire de ses précieux et approximatifs enseignements…
Jewpop : Rav Hagé, merci de nous recevoir…
Rav Hagé : D’habitude je ne réponds pas aux médias français, surtout lorsqu’ils sont ashkénazes, gauchistes, laïcs et qu’ils comportent une rubrique « charme » bien plus fournie que la rubrique religion et spiritualité. Enfin, bon, je partage moi aussi un grand intérêt pour les Saints, alors allons-y…
Jewpop : Tout d’abord, présentez-nous la fête de Souccot.
Rav Hagé : T’as la flemme de taper « souccot » sur Google ? Tu connais pas Wikipédia ? T’as pas un Loubavitch près de chez toi qui t’a remis le Guide de Tichri 5778 (1) ? Pfff…
Jewpop : Juste quelques mots…
Rav Hagé : Bon… Souccot c’est la fête des Cabanes (ou la fête des Tabernacles). On célèbre ici la protection divine dont les Bené Israel (2) ont bénéficié après la sortie d’Égypte pendant les 40 ans d’errance dans le désert. Pour se souvenir, nous avons l’obligation de prendre chacun de nos repas dans une soucca – une cabane – pendant les 8 jours de fête. Certains ont aussi l’habitude de dormir dans la soucca. Ils sont fous ces juifs !
Jewpop : N’importe quelle cabane dans le jardin peut faire l’affaire ?
Rav Hagé : Oh non ! La soucca doit répondre à de nombreux critères pour pouvoir être déclarée cachère (3). C’est encore pire que le cahier des charges d’un marché public ! Outre les matériaux et la manière de construire la soucca, l’emplacement doit être à découvert. Et c’est le toit qui est l’élément fondamental : il doit être fabriqué à partir d’un matériau qui pousse de la terre (branches ou feuillage). Il doit laisser passer la pluie et permettre de voir les étoiles. Pas simple à réaliser, même pour un entrepreneur aguerri ; mais pour un barbu expert en loi juive, c’est un jeu d’enfant ! Bref, mieux vaut consulter Rav Shmouel que José Da Silva pour monter ta soucca !
Jewpop : La soucca, c’est vraiment ce qui caractérise cette fête!
Rav Hagé : Il y a aussi les 4 espèces.
Jewpop : Espèce de connasse, espèce de malotru, espèce de pervers polymorphe, espèce d’enflure. Mais nous en connaissons davantage…
Rav Hagé : Espèce de ‘hmar (4)! Je parle des 4 espèces qu’on doit agiter sous la soucca : l’etrog (cédrat), le loulav (palme de dattier), le hadass (branche de myrte) et l’arava (branche de saule). On doit tenir ce bouquet de plantes accroché ensemble, comme un symbole de l’unité du peuple juif. Chaque plante représente un type de juif : le cédrat a un parfum, ce qui symbolise les juifs qui étudient la Torah, et un goût, pour caractériser ceux qui pratiquent les commandements de la Torah. Une autre plante n’a que du goût, la branche de palmier-dattier. La myrte n’a qu’une bonne odeur. Et enfin la branche de saule n’a ni parfum ni goût et symbolise donc les juifs qui n’étudient ni ne mettent en œuvre la Torah. Et pourtant tous sont réunis et la prière ne peut être dite que si les 4 espèces sont réunies.
Jewpop : On a compris ! Hachem aime tous les juifs. [pause] Même les juifs tunisiens ?
Rav Hagé : Même les mangeurs de mlokhia, oui ! A mon avis (mais je m’avance peut-être…) même ceux qui transgressent le shabbat. Même les femmes adultères. Même ceux qui travaillent dans le Forex et la fausse pub. Même les juifs libéraux. Et même les homosexuels…
Jewpop : Vous, vous allez avoir des problèmes !
Rav Hagé : Pour fabriquer l’encens que l’on utilisait dans le Temple, à l’époque du Beth Hamikdash, il fallait 11 ingrédients. Dont un qui, pris isolément, sentait très mauvais. Mais dès qu’il était ajouté aux 10 autres substances, il améliorait considérablement l’ensemble. Je rappelle que le grand Prêtre était puni de mort si jamais il voulait retirer un ingrédient ou modifier la composition de l’encens. Bref, c’est tous ensemble, bons ou mauvais –bien que ces notions soient très subjectives- que l’on doit se rassembler pour trouver grâce aux yeux d’Hachem.
Jewpop : Certains acheteurs peuvent dépenser des centaines de dollars pour acheter un etrog sans défaut. Qu’en pensez-vous ?
Rav Hagé : S’ils veulent «embellir» la mitsva en dépensant 400 dollars pour un cédrat venu de Calabre, pourquoi pas ? Qui suis-je pour blâmer quelqu’un qui montre du zèle à accomplir une mitsva ? En plus, lorsqu’un riche se déleste de quelques euros pour enrichir un moins riche, je trouve ça très bien. Ce n’est pas pour rien qu’on m’appelle « Rabbin des bois » (5) à Tel-Aviv… Personnellement je préfère donner davantage à la Tsédaka (6), pour les nécessiteux, et je me contente d’un etrog à 6 dollars.
Jewpop : Nos lecteurs ont encore des centaines de questions pour vous… Est-ce qu’une soucca abritée sous un arbre est autorisée ? Peut-on utiliser le loulav pendant le chabbat ? Que faire si au milieu du repas il se met à pleuvoir sous la soucca ?
Rav Hagé : Mais vous m’avez pris pour cheela.org ou techouvot.com ? Allez sur ces sites, il y a des milliers de questions (parfois débiles) et des milliers de réponses (souvent intelligentes). Plein de questions autour de la sexualité aussi, ça devrait vous intéresser ! Et laissez-moi tranquille, j’ai ma soucca à monter et à décorer. Si possible avec des fruits, des dessins et des posters de rabbins. C’est sûr, ça change des photos de la rubrique « charme » de Jewpop !
Propos recueillis par Pierre Acher
- Tichri 5778 : En calendrier hébraïque, correspond à la période septembre / octobre 2017. Pour faire court.
- Bené Israel : Rien à voir avec Bene oui-oui, la sœur du héros avec un bonnet à clochette sur la tête. Les Bené Israel, ce sont les descendants de Jacob, donc les Hébreux. Les Juifs quoi.
- Une soucca casher, c’est une soucca conforme à la loi juive. Mais je précise : ça ne se mange pas. « Casher » est un terme qui peut s’appliquer à autre chose qu’à la nourriture. Exemple : « Est-ce que tu es certain que ton business dans le CO2 est vraiment casher ? »
- Un ‘hmar est un bourricot, un âne, en arabe. Je ne suis pas un spécialiste, mais disons que c’est probablement le cousin du « shmock » en version yiddish.
- J’avais pourtant promis avant Kippour d’arrêter les jeux de mots pourris…
- La caisse de communauté, comme on dit au Monopoly. En gros, les œuvres de charité. Pour faire court, bis repetita (comme ça je pratique un peu mon latin).
- Oui, je sais, il n’y a pas de point (7) dans mon texte. Mais, à propos de soucca, j’avais envie de citer ce verset du Cantique des Cantiques (2,3) : « À son ombre, je me suis délectée et je m’y suis assise, et le fruit de sa Torah était doux à mon palais ! »
© visuel : carte postale collection privée Jewpop / DR
Article publié le 4 octobre 2017. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
Il aurait fallu demander son avis au Rav Hitaï également.
Le Rav Hitaï, le directeur du SC4W2BO (Summer Camp for Women with Big Boobs Only)? C’est une sommité… Jamais il ne se serait compromis en parlant avec un web magazine comme Jewpop.