Qui n’a pas un jour rêvé d’intégrer les prestigieux services secrets israéliens en regardant évoluer Yvan Attal dans Les Patriotes ou en faisant tout simplement son alyah ?
Dans la vie, il y a deux genres de filles : celles capables de faire sauter un ingénieur dans une voiture et celles capables de se faire sauter par un ingénieur dans une voiture. Trêve de plaisanterie. Les mystérieux virus informatiques, les éliminations de scientifiques en Iran, alimentent les spéculations les plus folles sur le Mossad. Téhéran, qui voit des « agents sionistes » infiltrés partout, accuse directement Israël d’être à l’origine de cette série d’attaques. La paranoïa de l’Iran et des pays arabes est telle que bientôt, ils vont croire que c’est Jewpop qui a fait le coup !
Haaretz reprenait une info du blog de Georges Malbrunot, correspondant du Figaro, selon laquelle le Mossad renforcerait sa présence dans les provinces kurdes limitrophes de l’Iran, citant « des sources françaises bien informées ». Jewpop ? Chut… Le décalage entre la règle du silence observée en Israël, propre à la guerre de l’ombre des services secrets, tandis que les médias du monde entier n’ont que le mot sad à la bouche, a toujours quelque chose d’amusant. Quoique. Le chef d’état-major israélien Benny Gantz y a fait une petite entorse, déclarant que la République islamique pouvait s’attendre en 2012 à connaître davantage d’événements « inhabituels ». Suspense, quand tu nous tiens…
Ah, les fantasmes nourris par le Mossad ! Un tabou a été levé lors de la première campagne de recrutement de l’agence d’espionnage via Internet il y a une dizaine d’années. Un précédent historique, mais beaucoup ont cru au départ à un canular. Le département des ressources humaines a dû crouler sous un déluge de candidatures en provenance des quatre coins du monde, notamment des pays arabes. Je suis sûre que les statistiques seraient surprenantes. Je sais de quoi je parle, j’en fais partie ! Le nombre de filles qui, comme moi, ont envoyé leur CV l’espoir chevillé au corps. Tu te dis que sur un malentendu, ça peut marcher… Alors tu tentes. Entrer en contact avec le Mossad, même virtuellement, c’est un peu comme rejoindre le paranormal. L’agent Chatsland, ça sonnait bien pourtant.
Comme, bien entendu, tu n’as pas de nouvelles, ni de lettre officielle de rejet de candidature, tu imagines que c’est parce qu’Ils t’observent. Normal. Et là tu repenses à certaines situations embarrassantes. Tu t’interroges en permanence : est-ce qu’Ils m’ont vu la dernière fois quand j’ai claqué la porte de la maison en laissant les clés à l’intérieur, que j’ai escaladé pour entrer par le balcon et que la fenêtre était fermée et que des passants ont appelé la police ? C’est là que tu repenses au parcours sans faute d’Ariel (Yvan Attal) dans Les Patriotes et que tu te dis qu’au lieu de postuler au Mossad, t’aurais mieux fait de jouer dans la suite des aventures du Grand blond avec une chaussure noire.
On n’a pas tous le profil d’un James Bond, ça semble évident. Tu sais pertinemment que tu as peur dans l’avion, quand tu marches toute seule dans la rue la nuit, que tu tressautes chez toi à cause de ton ombre, que tu n’auras jamais le courage d’appuyer sur la détente face à n’importe quel Abu Nidal en pyjama dans son lit, mais c’est plus fort que toi, tu attends leur coup de fil. Mine de rien, c’est un peu vexant ce silence radio. Tu voudrais juste pouvoir leur expliquer, pour garder bonne figure, que tu visais plutôt un poste administratif ou un plan à la Tzipi Livni, qui, paraît-il, avait comme mission d’habiter un appartement à Paris et d’y faire du bruit. À la rigueur… J’aurais pu leur téléguider un requin dans la Mer Rouge !
Après tu en rigoles ouvertement avec tes potes. T’as mis quelques années bien comptées quand même à l’avouer. Parce que, primo, si tu commences à le raconter à tout le monde, c’est que tu n’as rien à faire dans les services secrets et que même si tu meurs d’envie d’en parler, tu te dis que ça craint au cas où… Ils t’appelleraient. Puis, tu fais ton deuil. Tu te consoles comme tu peux. Au moins, tu ne finiras pas comme Jonathan Pollard… La blessure d’ego resurgit parfois au détour d’une conversation, quand un copain te raconte qu’Ils l’ont contacté. Le fameux « j’ai été contacté » du copain, dit en baissant les yeux modestement, suivi du petit clin d’œil entendu. En général, le copain est toujours contacté très vite après son arrivée en Israël.
Mais le problème c’est qu’Ils ne sont pas assez rapides et le contactent malheureusement après qu’il ait déjà eu le temps de goûter aux substances illicites locales. Le récit de l’entretien se termine donc toujours par un fatal « j’ai été recalé à l’interrogatoire à cause des pétards ». Le copain ne voit objectivement jamais d’autre raison. Tu sais que lui aussi aurait pu faire une doublure parfaite de Pierre Richard dans Le Grand blond… mais tu te tais parce que tu partages sa peine et tu évites gentiment de lui rappeler qu’il y a Munich de Spielberg qui passe à la télé le soir.
Chatsland
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