En cette nouvelle année, nous serons sans doute nombreux à avoir pris la bonne résolution de nous remettre au sport. Sans doute est-ce la culpabilité post-digestion des beignets de Hanouka qui nous pousse à courir et pédaler, jusqu’à haleter comme un husky dans le Negev en plein mois d’août. Vous avez dit Fitness ?
Nous ouvrons fièrement la porte de ce temple païen qu’est la salle de sport pour y prendre notre carte d’abonnement, aussi à l’aise dans ce milieu qu’un chat l’est chez le vétérinaire. Cependant, le nombre publications sur Facebook et les selfies sur les tapis roulants décroissent mystérieusement au bout de 3 semaines. Car oui, avouons-le, pour la plupart d’entre nous, se rendre à la salle de sport c’est comme aller prier à la synagogue, on y va une à deux fois par an, et encore, pour se donner bonne conscience.
On ne va pas se mentir, jusqu’à la création d’Israël en 1948, fitness et judaïsme ne rimaient pas beaucoup, et notre peuple n’était pas spécialement connu pour son culte du corps. De là vient sûrement notre tendance à couvrir toute parcelle de ce dernier par des bouts de tissus. Une mesure sûrement prise pour masquer le résultat de nos dîners pantagruélo-shabbatiques hebdomadaires aux conséquences hélas bien visibles.
This is Shawarma !
La première raison est probablement culturelle. En effet, ce n’est pas pour rien si l’on a mis les Grecs à la porte. « Quoi ? Avoir un corps de dieu, s’entraîner tous les jours, arrêter le gras et les desserts de Tata Simone ? Oy ! Tié fou Antiochos, ti vé ma mort ? »
En même temps, cette injonction venant d’un peuple qui a érigé le lancer d’assiettes au rang de sport et préfère s’enduire le corps d’huile alors que le nôtre en consomme à outrance, il fallait s’attendre au clash des civilisations. Dans la mesure où nous n’avions pas le droit à être représentés, à quoi bon exhiber nos abdos d’aciers durement gagnés par des mois d’efforts quand il n’y a aucun sculpteur pour nous immortaliser. De plus, vu le temps de pose que ces œuvres nécessitaient pour être achevées, on comprend pourquoi la bouche cul de poule n’était pas très en vogue à cette époque (sauf si vous vouliez finir avec une crampe à vie). Et puis qui va tenir la boutique de schmattes pendant tout ce temps, hein ?
Option sport et bible
Il faut dire que nous ne disposons pas des meilleurs trend setters dans notre livre sacré. Dès le début, Moïse a ruiné toutes nos chances de gagner une médaille olympique à la natation en nous faisant traverser la mer Rouge à pied et en échouant lamentablement à une course d’orientation organisée dans le désert du Sinaï, qui dura 40 ans. Jésus, un autre de nos coreligionnaires, n’a pas fait mieux non plus d’ailleurs côté plongée. De même Pinhas et son lancer de javelot n’ont clairement rien à envier à l’habileté du Comte de Montmirail aux épreuves de tir à l’arbalète.
Pire, nous trichons pendant les compétitions. On organise une épreuve de voile et seul Noé est informé du départ de la course. On propose gentiment une épreuve d’escrime à David et ce dernier met KO son adversaire en lui balançant un caillou dans la tronche (et le fairplay bordel !). Heureusement que l’arbitrage vidéo n’était pas encore inventé à l’époque. De forts soupçons de dopage planent toujours sur Samson, ce dernier n’ayant jamais été soumis aux tests de détection de substances illicites sur ses cheveux. Et je ne vous parle même pas de Jonas, qui a gagné son record d’apnée sous l’eau dans des conditions plus que douteuses.
Il faut dire que le climat et l’environnement n’aident pas beaucoup : se faire un marathon dans le Neguev revient à enfermer un diabétique dans une confiserie. Mais la vraie raison, de notre nullité atavique au sport : c’est la mère juive.
La mère juive, enfer de la diète, paradis du diabète
Pourtant niveau diététique, on partait bien avec Adam et Eve et leurs 5 fruits et légumes par jour. Mais ces début prometteurs furent vite emportés par des torrents d’huile d’olive, de tchoulent, de latkes et de « mange mon fils ».
Il faut dire que la mère juive prend très à cœur son rôle nourricier, un peu trop même. Elle nous gave consciencieusement toute l’année, comme des oies à la veille de Noël. Il s’agit là d’une pratique qu’elle a découvert durant notre passage en Égypte et sut perfectionner siècle après siècle, afin d’en faire subir les conséquences à sa propre descendance. Je la soupçonne de vouloir nous conserver auprès d’elle à vie, en nous enterrant sous nos kilos superflus.
De plus, le nombre pléthorique de fêtes que nous célébrons n’améliore nullement notre situation. Pire, certaines comme Pourim et Pessah nous encouragent carrément à boire du vin, comme des trous. On a bien tenté de le remplacer par de l’eau aux noces de Cana, mais là encore, Jésus s’en est mêlé, enterrant définitivement tout progrès côté nutrition.
La mère juive arrive à vous faire manger comme quatre à chaque shabbat, rendant tout effort impossible le lendemain, tant notre corps est occupé à digérer le repas de la veille. Ainsi, courir un 10km le samedi pour tenter de limiter les dégâts du couscous-boulou du vendredi relève du suicide. Non vraiment, si Usain Bolt avait dû se taper le combo pkeila-makroud tous les vendredis soirs, il n’aurait sans doute jamais remporté une seule médaille, quand bien même ce dernier s’imposerait-il un entraînement rigoureux.
Maccabées, fricassés, même combat
À défaut de finir avec des corps d’Apollon, nous pouvons toujours nous consoler. À l’heure où LE culte de l’égo a envahi nos écrans, projetant une vision distordue de la réalité, nous restons sourds aux sirènes de cette quête illusoire de perfection, tout comme nos ancêtres le firent avant nous, affirmant ainsi notre différence et notre acceptation de soi. Et puis, à quoi bon suer comme des bœufs pour avoir un corps de rêve, quand notre mère nous serine du matin au soir que nous sommes les plus beaux ?
Il subsiste cependant une lueur d’espoir quant à nos ambitions de podium : les concours de gros mangeurs gagnant en popularité ces dernières années, nous pouvons décemment espérer triompher à une épreuve… À condition de ne pas mourir d’indigestion d’ici là.
Jacob Skanderberg
© photos et visuels : DR
Article publié le 22 janvier 2019. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop