Yvan Attal, avec son nouveau film Ils sont partout, s’attaque caméra au poing aux clichés antisémites. Parmi lesquels « les juifs s’entraident ». Au sein de la rédaction de Jewpop, le débat a été vif. Entre ceux qui, comme beaucoup, n’avaient pas vu le film et se fiaient à la bande-annonce en éructant « nan mais franchement, Dany Boon qui joue un Bensoussan, on titre comment ? Les gens du Nord sont partout ? » et les autres sur le mode « Si Attal se fait défoncer par Taddeï, on fonce, on sort les Uzi ! », il fallait bien trancher (je n’ai pas dit circoncire).
Mais quand j’ai vu arriver le chèque à l’ordre de Jewpop signé Thomas Langmann, producteur du film, j’ai évacué fissa la question (juive) Dany Boon. L’appât du gain, un truc bien juif. Et puis j’avoue, j’ai un faible pour Yvan Attal depuis Les Patriotes. Je suis très très fan de Sandrine Kiberlain.
Yvan Attal a eu l’audacieuse idée de réaliser un film totalement consensuel. En démontant les clichés antisémites dans une France où désormais, on assassine à « bout touchant » (entendez à bout portant) des enfants parce que juifs, sous prétexte de « venger » des enfants palestiniens. Des méthodes de nazis, pratiquées par des enfants de (s territoires perdus de) la République. Où l’on enlève, torture et brûle vif un jeune homme, Ilan Halimi, parce que juif et donc forcément riche, susceptible d’être secouru par sa « communauté », forcément riche et solidaire.
En France, rappelons-le, unique pays au monde (avec… l’Ukraine, qui comme chacun sait a amplement démontré son philosémitisme lors de la « Shoah par balles ») où le mot « juif » est massivement associé aux requêtes nominales de personnalités sur Google (« François Hollande juif », « David Pujadas juif », « Cyril Hanouna juif »… Un intrus s’est glissé parmi ces 3 noms, sauras-tu le retrouver ?).
Voilà pour le contexte. Avant de rentrer dans le vif du sujet, le film, une précision s’impose. Je viens de rencontrer Yvan Attal à RFI, où nous étions tous deux invités à l’émission « Vous m’en direz des nouvelles ». Il s’est marré en lisant quelques pages du livre «Comment savoir si vous êtes juif». Ce qui me l’a rendu fort sympathique. Il se marrera moins quand il recevra l’assignation de mon avocate pour plagiat. Avec mon coauteur Jonathan Demayo, on avait écrit un chapitre intitulé « Ils sont partout » dans le bouquin. Emilie Frèche, talentueuse écrivain et coauteur du scénario et des dialogues du film, qui suit Jewpop sur Twitter, était forcément au courant. Ils nous ont tout pompé. Entre juifs, ça se fait pas ! Solidarité mon cul ! Alors avec Jonathan, on s’est concertés. Il est scénariste et comédien, et m’a dit « putain déconne pas Alain, je rêve de tourner avec Attal, file-lui mon number quand tu le vois à RFI ! ». En même temps, en bon juif, je lui ai répondu « Attends Jon, imagine qu’il fasse carton plein avec son film, y a moyen de le lessiver ! Il va comprendre sa douleur ! La déferlante de messages antisémites qu’il reçoit depuis qu’il est en promo, c’est des blagues Carambar à côté du Scud qu’on va lui balancer ! ».
Bref, revenons au film. Contrairement à la plupart des journalistes qui écrivent sur Ils sont partout, on l’a vu. Et on a aimé. Parce qu’on est juifs #IlsSontPartout
Yvan Attal a aussi pris des risques en s’attaquant au genre du film à sketches, dominé par un écrasant chef-d’oeuvre, Les Monstres de Dino Risi, et où la mécanique tient souvent au juste dosage entre humour noir et tragédie. L’écriture d’Ils sont partout pratique ce registre avec intelligence, jouant sur cet équilibre fragile qui plonge le spectateur dans la perplexité, provoquant son rire devant les pires bassesses humaines. Mais c’est dans le grotesque et le burlesque survolté qu’Attal surprend totalement, porté par un casting impressionnant.
Gilles Lellouche, irrésistible dans un registre comique qui lui sied à merveille, en agent du Mossad transporté dans le passé pour éliminer Jésus nouveau-né, maux de tous les juifs, rappelant les meilleurs moments des Monty Python. Patrick Braoudé, grandiose en clone de Hollande (devenu son rôle culte) dans un sketch dénonçant subtilement un antisionisme devenu paravent de l’antisémitisme. Valérie Bonneton, ébouriffante comme à son habitude, Charlotte Gainsbourg jubilatoire dans un contre-emploi d’une rare vulgarité, et la dream team belge Poelvoorde / Damiens, parfaitement dirigée dans des scènes où plane l’esprit de Jean Yanne. L’émotion gagne aussi en contemplant Popeck, bouclant la boucle grâce à Yvan Attal, d’Ils sont partout à son apparition dans Les Aventures de Rabbi Jacob. Un film que Gérard Oury, comme Attal aujourd’hui, aurait sans doute eu du mal à monter en France en 2016.
Allez voir Ils sont partout, parce que ce film a été réalisé par un Mensch, parce qu’il met le doigt, profondément, là où ça fait mal, parce qu’il est utile et salvateur. Même si Dany Boon en Bensoussan, franchement, faut pas déconner.
Alain Granat
Voir la bande annonce de Ils sont partout de Yvan Attal, sortie en salle le 1er juin
© photos : RFI / DR
Article publié le 1er juin 2016. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2016 Jewpop