Imaginez la scène : une bande de punks juifs parés au combat, débarquant dans les rues pour semer la terreur chez les goyim.
C’est la parodie imaginée par le groupe NOFX, bien connu des amateurs de punk rigolo et engagé. Dans ce texte, truffé de références communautaires et parsemé de termes yiddish, le quatuor californien ne fait pas que se moquer de certains leitmotivs crétins de skinheads bas de plafond. Il revendique aussi, dans un milieu pas forcément bienveillant, les origines juives de deux de ses membres. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que NOFX fait son coming out : l’album White trash, two heeb and a bean (1992) annonçait la couleur dans le titre : les « heeb » en question étant bien sûr nos deux rockers juifs.
« The Brews » joue sur plusieurs tableaux : une satire – comme souvent chez NOFX – des textes de confrères peu subtils, mais aussi une observation goguenarde de la petite communauté ultra-orthodoxe de Fairfax, un quartier de Los Angeles.
Plutôt rare dans le monde du rock, surtout dans les mouvances musclées, ces revendications clownesques se retrouvent également dans le groupe australien Yidcore (dont on reparlera ici bientôt). Dans le milieu du heavy metal, les new-yorkais d’Anthrax nous avaient servi dans « I’m the man », une citation de Hava Nagilah : un riff massif calé entre les couplets rap, eux-mêmes dopés aux guitares saturées. Les Beastie Boys, eux aussi, dans un de leurs clips, avaient trouvé moyen de glisser dans le public un hassidim ondulant du bassin au même rythme que la horde de chevelus massés devant la scène.
On pourrait croire tout cela assez récent (les années 80/90) et pourtant : dès 1968, sur son deuxième album, le groupe Spirit incluait un morceau intitulé « Jewish », chanté en hébreu et reprenant des psaumes du Roi David. Et un an plus tard, en 1969, le claviériste Barry Goldberg osait appeler son album en duo avec Mike Bloomfield Two Jews blues (par ailleurs bien plus soul-rock que blues…).
David Taugis
Voir le titre « The Bews » de NOFX en live :
Les paroles de la chanson :
Les Breux[1]
Friday night we’ll be drinkin Manishevitz
Vendredi soir on va boire du Manischewitz[2]
Goin out to terrorize goyim
et on ira terroriser les goyim/des chrétiens[3]
Stompin shagitz, screwin shicksas
Flanquer une déculottée/raclée à ces shayguetz[4] et se taper des shé
ksés[5],
As long as we’re home by saturday mornin
Du moment qu’on est à la syna[6] le samedi matin
Cause hey we’re the brews
Car y a pas à dire on est Les Breux
Sportin anti swastika tattoos
(littéralement « arborant) on étale nos tatouages anti-svastikas
Oi oi we’re the boys
Oy oy nous sommes les boys
Orthodox, hesidic, o. g. ois
Orthodoxe, hassidique, Ex-gansters, oys[7]
Orthopedic dr. martins good for
Les Doc Martens orthopédiques, c’est idéal pour
Waffle making, kickin through the shin
Faire des gaufres, donner un coup de pied dans le tibia,
Reputation, gained through intimidation
(se faire une) réputation, acquise grâce à/fondée sur l’intimidation,
Pacifism no longer tradition
Le pacifisme n’est plus la tradition
Cause hey we’re the brews
Car, y a pas à dire, on est les Breux
Sportin anti swatstika tattoos
On étale nos tatouages anti-svastika
Oi oi we’re the brews
Oy oy on est les Breux
The fairfax ghetto boys skinhead Hebrews
Les Feujs-Skinheads, les gars/mecs du ghetto de Fairfax[8]
We got the might,
On est les plus forts
psycho mashuganas,
des cinglés-meshougener[9]
We can’t lose a fight,
On est imbattables
as we are the Chosen ones
comme on est le peuple élu
Chutspah driven, we battle then we feast
Mus/motivés par la H’outzpa[10]/on y va au culot/, on se bat puis on festoie/ripaille
We celebrate, we’ll separate our milkplates
On célèbre, on sépare le lait
From our meat
de la viande[11]
Cause hey we’re the brews
Car, y a pas à dire, on est les Breux
Sportin anti swatstika tatoos
On étale nos tatouages anti-svastika
Oi oi we’re the boys
Oy oy on est les boys
Orthodox, hesidic, o. g ois
Orthodoxe, hassidique, ex-ganster, oys
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