Cet été, une fois n’est pas coutume, je ne partirai pas en Israël. Et comme à chaque fois que je sors des sentiers battus de mon judéo-centrisme reptilien, je me dis que j’ai fait une connerie. C’est comme tenter un nouveau resto alors que tu pourrais manger chez ta mère, t’hésites. Quand je suis à deux doigts de flancher, d’annuler mes vacances à NYC pour me jeter sur le net à la recherche de vols pour Tel-Aviv (même avec escale à Moscou), je repense aux 5 personnes que je ne croiserai pas.
LA MEUF DE LA DOUANE À L’ARRIVÉE
À chaque fois c’est la même histoire. Tu as beau avoir 12 tampons « Ben Gourion Airport » sur ton passeport, elle est aussi méfiante que si on sonnait à sa porte à 4h du matin pour lui refourguer une encyclopédie. Pendant que ton fils exténué par le voyage pleure par terre, elle te regarde. Tu te retiens mais tu le sais, un jour, tu oseras lui répondre. Votre dialogue imaginaire pourrait ressembler à ça.
Elle : Pourquoi tu viens en Israël ?
Moi : Ah on se tutoie direct ? Ben en fait, j’ai fait un pari : claquer un max de blé dans un pays que je connais déjà par coeur.
Elle : Tu viens pour quoi ?
Moi : J’ai un entretien d’embauche dans une boite à strip-tease à Mea Shearim, souhaite-moi bonne chance.
Elle : Tu as de la famille en Israël ? Qui et où ?
Moi : Journo à Netanya. Ce ne sont pas tes voisins par hasard ? Si c’est le cas, j’attends que t’ai fini ton service, tu me ramènes en voiture. Ça me fera économiser le taxi.
LE PLAGISTE DE FRISHMAN
Il est bronzé comme un Carambar, les cheveux jaunis par le soleil. Il a une vitesse d’exécution à peu près égale aux négociateurs palestiniens. Quand tu lui demandes de replanter le parasol dans le sable, il soupire l’air impuissant, comme si tu lui avais demandé fixant du doigt la mer : « Tu me fais une autoroute 4 voies, je repasse en fin d’après-midi, je te filerai un coup de main pour les finitions ».
LE PRÉPOSÉ EL AL AU RETOUR
T’étonnes pas qu’il ne t’aide pas à poser tes valises sur le tapis roulant, il n’avancera pas d’un demi-centimètre quand tu lui tends ton billet et ton passeport. Vissé sur son siège, il esquisse un sourire pour t’annoncer « 26 kilos ». Pendant qu’il calcule le prix de ton excédent de bagages, tu tentes de l’amadouer en lui expliquant que les 3 kilos en plus, ce sont des couvres pains, des verres de kiddouch et des bougeoirs pour des gens qui ne font pas shabbat, et que peut-être tes présents pourront ranimer la flamme juive en eux. Pendant que la famille juste derrière toi dans la file t’applaudit et entonne la Hatikva la main sur le cœur, le type du guichet lève les yeux vers toi en lâchant : « Le shabbat, je me saoule dans les bars gays de Tel-Aviv », mettant un terme définitif à la discussion.
LE JOUEUR DE MATKOT
Tac tac tac. Qu’importe où tu te trouves. Sur ton transat, sous les douches, au bar. Tac tac tac. À la plage, le bruit incessant des matkot rythmera ton séjour comme un décompte morbide. Tac tac tac. Et même quand les mecs auront rangé leurs raquettes, ce véritable supplice chinois, tac tac tac, te poursuivra partout comme un tube de l’été. Seul avantage, tu seras devenu sourd en 4 jours. Tu feras répéter 4 fois au chauffeur de taxi le prix de la course Jérusalem – Tel-Aviv et il se dira « putain je suis tombé sur un os », baissant le prix de 30%.
TON EX
Le premier. Celui qui t’a promis la lune et t’as laissée désemparée dans le caniveau. T’es au Dizengoff Center en train d’expliquer à ton fils qui veut un tee-shirt Tsahal qu’il ne pourra pas le porter à l’école sous peine de ne récolter que des ennuis : une bagarre, un tête-à-tête avec le président du CRIF et une séquence floutée au JT de 20H, quand tu le vois se planter devant toi, lui, sa femme et ses cinq enfants. Face à ce bonheur familial qui te raconte avec force détails son super plan location, tu ne trouveras rien d’autre à dire, plantant tes yeux dans ceux de madame : « t’as du courage, moi les vacances avec option faire à manger et le ménage, je ne comprends pas. Nous, on est au David Intercontinental, vous connaissez ? ».
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
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Article publié le 3 août 2013. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop
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