Au risque de faire ma minette girly, j’avoue avoir un léger problème avec la mode israélienne par temps froid. Et le baromètre est tombé bien bas ces dernières semaines. N’en déplaise à tous les observateurs qui veulent décrypter dans notre paysage urbain la naissance d’un incubateur de la mode et les fondations d’un futur temple de la branchitude. Tel-Aviv, ville branchée, soit, mais pas sur Fashion TV. Tu peux sortir de Betsalel, exceller dans le vidéo art, exposer dans les galeries les plus underground de Florentine, et t’habiller comme Hugues Aufray. Certaines vérités se doivent d’être rétablies.
Ron Huldai, maire de Tel-Aviv, avec des amies
Une mode aux relents sovkhoziens
Les seuls autochtones vraiment apprêtés et lookés à Tel-Aviv, ce sont les transsexuels. Au passage, rappelons que la ville a d’ailleurs été distinguée « Best Gay City » en 2011. Si elle avait reçu l’Award de la mode, on l’aurait su et Anna Wintour serait venue parmi nous. Oui, la Fashion Week a été organisée à Tel-Aviv. Mais est-ce que, rivés sur les podiums des défilés, les journalistes ont vu ce que je vois tous les jours
Une mode aux relents sovkhoziens avec le grand retour de la chapka, qui peut faire concurrence au Sthreimel très en vogue dans la capitale, et du blouson en renard à fermeture éclair avec pattes de renard intégrées au niveau du col – non amovible -, qui ondulent dans le vent. Grand frisson sibérien garanti, surtout si vous croisez l’accoutrement sur la place Rabin devant la mairie, construite probablement par erreur à la gloire du camarade Staline.
La mairie de Tel-Aviv, kikar Rabin
Le Tel-Avivien n’a honte de rien, c’est un principe
Dans certaines cités, les gens s’habillent le soir quand ils sont de sortie. Pas à Tel-Aviv l’hiver, surtout s’il s’agit de faire faire une balade à Rambo et de grignoter un falafel. Un bon vieux polaire enfilé sur son pyjama pour aller promener son toutou sous les réverbères de la rue Dizengoff, c’est tendance. Le telavivien n’a honte de rien, c’est un principe. Surtout pas de ces chaussons fourrés qui, après tout, pourraient très bien devenir le clou de la collection UGG hiver.
Des fois, tu ouvres les yeux sur les gens dans la rue et tu t’attends à tout moment à les voir passer le seuil d’un igloo. Le Tel-Avivien aime décidément la mode inuit. Il s’invente une culture cosy de sports d’hiver, boit des cider ham – ersatz de vin chaud sans alcool ultra « cannelisé » – au café du coin, un petit bonnet en laine enfoncé sur les oreilles avec des lunettes de ski. Puis, revigoré, il s’en va planter son bâton. En fait, il vit une grande frustration à cause du climat. Il ne fera jamais aussi froid à Tel-Aviv qu’à Jérusalem. Il sait qu’il ne verra probablement jamais tomber la neige sur la plage et que le seul iceberg qu’il peut espérer croiser, c’est le glacier de Ben Yehuda. À sa décharge, il est de notoriété publique que dans les apparts, c’est ambiance Picard Surgelés. On ne fait pas de strip-tease dans les chaumières. On fait l’oignon. C’est-à-dire l’art de la superposition des couches de survie.
Tel-Aviv sous la neige dans les années 50
La mode à Tel-Aviv va chercher très loin son inspiration hivernale. Dans certains cercles branchés, on porte comme un étendard le poncho mexicain en grosse laine, qui rend la silhouette des filles aussi gracieuse que celle d’une statuette féminine d’art précolombien.
D’aucuns diront que je suis médisante parce qu’à Tel-Aviv, les gens ont tout compris au vintage. Dans ce cas, je pose juste la question : Le bonnet à pompon est-ce que c’est vintage ? Allez, vivement l’été !
Chatsland
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Article publié le 7 février 2012. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop