Il y a quelques jours, j’ai demandé mon chemin à un passant de Jérusalem ; il m’a à peine regardé et a grogné vaguement la direction. Il faut dire que la politesse et les Israéliens, ce n’est pas vraiment ça. Disons qu’ils font chambre à part depuis déjà quelques décennies et, même si ça s’améliore, on est encore loin des standards européens…
En comparaison, j’effectue aujourd’hui un bref séjour à Paris et je recherche un bureau de poste ouvert. Je m’adresse à un homme assis à une terrasse de café : « Bonjour Monsieur. Excusez-moi de vous déranger. Est-ce que vous savez où il y a une poste dans le quartier? ». L’homme m’indique avec amabilité le chemin et je le remercie poliment. Quelle joie de se retrouver ici, dans un univers civilisé.
Cette remarque m’amuse mais, en même temps, m’attriste un peu. Alors, voilà que ça me reprend… Je me mets à rêver… Et je me mets à décortiquer le processus de politesse à la française au ralenti. En slow motion si vous préférez.
« Bonjour Monsieur » : oui, puisque j’ai l’effronterie – que dis-je, l’outrecuidance – de m’adresser à lui, il faut que je le traite avec le plus grand respect. Je dois commencer par lui souhaiter une bonne journée puis le gratifier d’un respectueux ‘Monsieur’ pour tout de suite lui préciser mes intentions et ma soumission.
« Excusez-moi de vous déranger » : bien sûr, c’est évident que je le dérange ! Heureusement, pour me rattraper de mon culot, je lui présente immédiatement mes excuses.
Et en Israël ? Pas la peine de dire « bonjour » ou « monsieur ». Ici on ne s’embarrasse pas avec des formules inutiles. Le vouvoiement n’existe pas et on est tous à égalité. Chacun sait bien que celui qui est en face de lui a un arrière-grand-père qui marchait pieds nus au mellah ou était vendeur de harengs dans son shtetl, donc ça va, on ne s’adresse pas à la reine d’Angleterre non plus…
Inutile aussi de s’excuser du dérangement, ici on ne dérange personne. C’est normal de parler à son prochain et de l’aider, c’est dans l’ADN des gens de ce pays. Pas besoin de s’excuser de demander à quelqu’un de laisser parler sa nature. Celui qui est en face de toi te renseigne, il le fait avec simplicité et n’en attend aucune gratitude en retour.
Les Israéliens sont comme ça, c’est-à-dire naturels, bruts, francs aussi. Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle les « sabra » (la ‘figue de barbarie’ en hébreu) : ils sont piquants à l’extérieur mais doux et sucrés à l’intérieur.
Est-ce que c’est mieux ou moins bien ? Je ne sais pas le dire. En tous cas, je m’habitue en Israël à cette absence de fioritures et de superficialité qu’on appelle en France « la politesse ». Et ça fait bien longtemps que ça ne me dérange plus.
Pierre Acher
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© visuels : Le tour d’Israël en 80 minutes de Marc Hillel et Faik Moutlou (Éditions Elgad, 1960) / Jewpop / DR
Article publié le 10 mai 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2018 Jewpop
Si je resume, la politesse serait de l’hypocrisie, la rudesse ou l’indifférence de l’honnêteté. Mouais. On est dans le registre du vivre ensemble et de l’éducation, du code culturel. Ce qui est vrai en deçà est une erreur au delà comme dit l’autre.