Symbole du franco-judaïsme, la synagogue de la Victoire fête cette année ses 150 ans.
À cette occasion, un ouvrage monumental de près de 500 pages, La synagogue de la Victoire, 150 ans du judaïsme français (éditions Porte-plume), retrace l’histoire de ce lieu emblématique de l’israélitisme, qui verra en son sein toutes les évolutions du judaïsme hexagonal, et les engagements de personnalités exceptionelles.
Le 28 mai 1916, Le Président de la république Raymond Poincaré est le premier chef de l’État qui pénètre dans une synagogue pour une cérémonie liturgique. C’est évidemment à la Victoire qu’il se rend. Érigée peu après la Commune et inaugurée en 1875, elle permet d’accueillir 2000 fidèles et symbolise par son architecture imposante les ambitions de grandeur du judaïsme français de la fin du XIXème siècle, ancré dans la République.
Cet ouvrage collectif sous la codirection de Jacques Canet, président de la Victoire, et de Claude Nataf, historien, réalisé avec la contribution de 19 auteurs, rabbins, historiens, philosophes, musicologues, sociologues… constitue une mine d’informations pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des juifs de France et de leurs institutions.
Lieu de prière, de mariages religieux prestigieux (Alfred Dreyfus, Léon Blum… la synagogue est un must pour toute la grande bourgeoisie juive), la Victoire vivra des heures dramatiques durant l’Occupation, accueillera les plus importantes commémorations et personnalités politiques, et sera aussi le théâtre dans lequel se joueront les luttes intestines entre institutionnels tenants d’une ligne orthodoxe et d’autres plus ouverts aux évolutions libérales. En mai 68, des étudiants juifs y manifesteront aussi, non pour briser les carcans de la société des Trente glorieuses, mais pour que soient supprimés l’orgue et les chœurs mixtes lors des prières !
Ce passionnant livre est aussi un très bel hommage aux grandes figures rabbiniques qui y ont officié, d’où émerge naturellement celle du Grand rabbin de France Jacob Kaplan, dont l’histoire se confond avec celle du siècle dernier et qui, selon les mots de l’écrivain Angelo Rinaldi, fut « la dernière autorité spirituelle de notre pays ».
On y retrouve aussi bien sûr les portraits des « grandes familles » qui contribuèrent à son rayonnement, des Rothschild aux Wormser, et des visages qui seront familiers à tous ceux qui ont fréquenté la Victoire dans les années 70 et 80, du chef huissier Joseph Ruttner au hazan* Adolphe Attia, dont la voix porta brillamment la liturgie juive, après celle de Shalom Berlinski, sous la superbe nef.
Dernière synagogue à faire vivre le rite alsacien, la Victoire accueille aussi des oratoires égyptien et tunisien, ainsi qu’un « office des jeunes » où femmes et hommes prient ensemble, sorte de petit village gauloishkénaze rebelle au sein même de l’institution consistoriale.
D’une superbe facture graphique, présentant une iconographie exceptionnelle et souvent rare, ce livre spectaculaire reflète à merveille un lieu et des personnages cultes.
Alain Granat
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*hazan : chantre en hébreu
© photos : une : Adrien Levinger, éditions Porte-plume / photo du Grand rabbin Jacob Kaplan, collection privée famille Kaplan / Coffret « Quand Israel prie », Shalom Berlinski accompagné par l’orchestre des Concerts Colonne et choeurs, dir. Jean-Paul Kreder, orgue Jean Bonfils, enregistrement André Charlin, collection privée Jewpop / DR
Article publié le 28 juillet 2017. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2017 Jewpop