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Les “rêveurs d'élite“ de la 1ère guerre du Liban

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C’est une histoire méconnue et improbable que narre l’écrivain Didier van Cauwelaert dans son nouvel essai La bienveillance est une arme absolue (Éditions de l’Observatoire). Celle de «rêveurs d’élite envoyés par l’ONU dans les années 80 en plein conflit entre Israël et le Liban», qui tentèrent d’enrayer l’escalade de la guerre et y parvinrent avec des résultats spectaculaires.

Les “rêveurs d’élite”

Cette histoire semble tout droit sortie d’un scénario délirant élaboré par des scientifiques babas cools, et pourtant elle a été rapportée et analysée par la très sérieuse et académique revue internationale Journal de résolution des conflits¹, comme l’a expliqué à l’antenne de France Info l’écrivain Didier van Cauwelaert, enthousiasmé par ces “rêveurs d’élite” qui «priaient pour se réjouir que la paix soit déjà revenue. Ils arrivent avec une autre information mentale et partout la guerre s’arrête», précise l’auteur. Jewpop a voulu en savoir plus sur l’histoire de ces “Casques roses”, ainsi surnommés par l’écrivain, philosophe et journaliste Jean-François Revel.

Couverture du livre de Didier van Cauwelaert bienveillance Jewpop

Dans La bienveillance est une arme absolue, Didier van Cauwelaert conte l’histoire (précédemment évoquée dans son livre Le nouveau dictionnaire de l’impossible) d’universitaires américains, qui en pleine guerre entre Israël et le Liban dans les années 80, lancèrent sous le nom de “Projet international pour la paix au Moyen-Orient”, en accord avec l’ONU, cette incroyable expérience. «Il s’agissait d’envoyer sur les lieux ravagés par le conflit un commando de penseurs entraînés à la méditation optimiste, avec pour mission de se réjouir en éprouvant un sentiment de paix, comme si la guerre était déjà finie» explique l’auteur. «L’idée paraît loufoque, pour ne pas dire puérile. Mais cette application à grande échelle de la méthode Coué produisit des résultats si spectaculaires qu’ils furent relatés, analysés, modélisés dans une très sérieuse revue académique internationale, le Journal de résolution des conflits» poursuit-il.

De Jérusalem au Liban, le pouvoir de la méditation pour réduire les conflits

Une première expérience de ce type avait déjà été menée en 1981 par un psychiatre libanais, Tony Abou Nader, diplômé de Harvard et du MIT, et adepte assidu de la méditation transcendantale. Il décida d’enseigner cette méthode de méditation à un groupe de villageois résidant dans les montagnes du Chouf, au sud-est de Beyrouth, région au cœur de la guerre civile et du conflit israélo-palestino-libanais. Le psychiatre nota que lorsque le nombre de participants à ces groupes de méditation atteignait une masse critique de 1% de la population locale, les bombardements qui s’abattaient habituellement sur le village cessaient… La même expérience sera réalisée 7 fois dans la région entre 1981 et 1985, en collaboration avec la Maharishi University of Management, aboutissant à l’étude publiée par le Journal of Conflict Resolution.

Photo du psychiatre libanais Tony Nader Jewpop

Tony Abou Nader

C’est ensuite à Jérusalem que fut menée une expérience similaire, avec des groupes de méditation formés d’adeptes israéliens de la méditation transcendantale. Durant les mois de juillet et août 1983, les initiateurs de l’expérience testèrent les effets de cette méditation de groupe (entre 65 et 271 personnes selon les groupes) sur le taux de criminalité, les accidents de la route, le conflit en cours au Liban… Des scientifiques américains et israéliens travaillèrent conjointement pour élaborer des unités de mesures permettant d’analyser les éventuels résultats. Durant cette période, le taux de criminalité à Jérusalem chuta de 7.4% et de 4.1% en Israël. Au moment des séances de méditation comportant le plus grand nombre de personnes, l’impact sur les effets de la guerre étaient notables, avec une baisse du nombre de morts et une baisse d’intensité des combats.

Les chercheurs américains et israéliens en arrivèrent alors à la conclusion, après avoir vérifié de nombreuses variables possibles telles que la météo, le shabbat ou les fêtes religieuses, l’activité de la police, celle des forces armées sur le terrain, le nombre de personnes méditant… d’une diminution de 40 à 80% de la violence, tant à Jérusalem que sur les terrains du conflit au Liban, durant ces périodes de méditation collective.

“Casques roses”

«Quel était le comportement demandé à ces observateurs d’une réalité contraire à celle qui se déroulait autour d’eux ? Ils ne devaient pas juger les belligérants, donner raison ou tort aux Palestiniens, aux Israéliens, aux Libanais ; ils ne devaient pas se demander qui étaient les bons ou les méchants, les assaillants ou les agressés ni déplorer la violence ambiante. Tout cela n’était plus d’actualité, tout cela n’avait plus de sens puisque le conflit, se répétaient ils, était derrière eux. », explique Didier van Cauwelaert dans Le nouveau dictionnaire de l’impossible, soulignant que «Aussi incroyable que cela paraisse, sur tous les lieux de combats traversés par cet escadron de “Casques roses”, la paix dont ils se félicitaient devenait une réalité. Arrêt des actions terroristes, baisse significative des offensives et des ripostes, respect spontané de trêves inattendues, fraternisations des fractions rivales… Mais, dès que les combattants de la réconciliation préventive relâchaient leur pression joyeuse et leur délectation inspiratrice de cessez-le-feu, dès qu’ils arrêtaient de ressentir la paix, la guerre reprenait le terrain.», concluant par ce constat terrible : «Un comportement héroïque qui allait provoquer chez certains de véritables traumatismes. Putain, c’est plus facile de faire la guerre que la paix !, s’était exclamé, à bout de forces, l’un de ces valeureux soldats de joie.»

Comment expliquer ce phénomène ? Didier van Cauwelaert note que l’on «parla de coïncidences. On chercha des explications rationnelles à la diminution indéniable des affrontements : la pleine lune, les configurations astrologiques, la pénurie de munitions, les vacances… Mais dès que les “ravis de la crèche”, comme les surnommait avec une ironie narquoise le philosophe Jean-François Revel, cessaient de ressentir la paix, les statistiques s’inversaient et reprenaient comme avant. C’était la seule constante. On refit le test plusieurs fois. Le résultat était toujours le même : le rêve de paix anticipée l’emportait toujours sur la guerre.»

“L’effet Maharishi”

Photo des Beatles avec le yogi Mahirishi Jewpop

Les Beatles et Maharishi (1968)

«La technique de méditation transcendantale conduit l’esprit, de façon systématique, vers la source de la pensée, vers le pur domaine de l’intelligence créatrice.» C’est ainsi que l’un des plus célèbres yogi contemporain, Maharishi Mahesh Yogi (1917-2008) présentait la technique de méditation qu’il a largement diffusée en Occident à partir de la fin des années 1950. Connu du grand public comme “gourou” des Beatles et d’autres stars, des Doors à Stevie Wonder, Jane Fonda, Clint Eastwood, Martin Scorsese, George Lucas, Hugh Jackman, Gwyneth Paltrow… Maharishi a élaboré cette théorie de «réduction des conflits» à travers la méditation transcendantale, une «reprogrammation du réel», «procédé déjà employé par les guérisseurs chinois pour éliminer une tumeur en anticipant sa disparition – ou du moins en se projetant mentalement dans un espace-temps où elle n’existait plus.», comme l’explique Didier van Cauwelaert dans La bienveillance est une arme absolue. Un phénomène que les scientifiques qui l’ont étudié nomment le Maharishi Effect, qui fut mis en application lors de cette expérience dans le conflit israélo-palestino-libanais.

Dans le Journal of Conflict Resolution, la publication datée de 1988 relate l’expérience qui eut lieu durant deux mois en 1983, pendant la guerre du Liban. Concluant sur une baisse, à la suite des actions de ces «rêveurs d’élite», de 71% des blessures de guerre, tandis que la coopération entre combattants du conflit augmentait de 66%.

7746 permanents pour assurer la paix mondiale

Didier van Cauwelaert rapporte que l’on «alla plus loin dans l’expérience. Des psychologues et des statisticiens de l’université de Princeton réussirent à définir le nombre de personnes nécessaires pour stopper mentalement une guerre. D’après leur étude, il suffit que la racine carrée de 1% de la population concernée ressente la paix, alors celle-ci deviendra réalité. Sur un million d’habitants, il faut donc que cent personnes projettent le bonheur de l’armistice pour qu’elle finisse par être signée. À l’échelon de la planète, d’après le calcul du physicien Greg Braden, nous avons besoin en conséquence de 7746 permanents afin d’assurer la paix mondiale.» Une belle utopie, jamais réactivée dans les conflits qui ont suivi.

Alain Granat

¹. David W. Orme-Johnson, Charles N. Alexander, John L. Davies, Howard M. Chandler et Wallace E. Larimore, «International Peace Project in the Middle East : The Effects of the Maharishi Technology of the United Field», Journal of Conflict Resolution, vol.32, n°4, 1988, p. 776-812.

Commander La bienveillance est une arme absolue de Didier van Cauwelaert sur le site Leslibraires.fr

© photos et illustration :  DR

Article publié le 24 novembre 2019, tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop

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