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Pour le Shabaddan : des juifs, des musulmans et la fête comme dénominateur commun

8 minutes de lecture

 
Le vendredi 8 juin, une dizaine de personnes s’est réunie dans un appartement de Vincennes pour fêter le Shabaddan. Dans un contexte de tension identitaire, le naturel avec lequel se déroule la soirée fait oublier le caractère impertinent de l’initiative.
 
« On lance la bataille sous la forme d’un rendez-vous improbable que chacun pourrait organiser chez soi » ont écrit le rabbin Delphine Horvilleur et le comédien et metteur en scène Ismaël Saïdi, dans une tribune commune publiée cette année au début du Ramadan. Ainsi, les deux auteurs du texte proposaient que juifs et musulmans fêtent ensemble le début du shabbat, et l’iftar – la rupture du jeûne – au cours du mois de Ramadan. Avec beaucoup de légèreté, ils ont donné à cette initiative le nom de « Shabaddan », contraction des mots Shabbat et Ramadan.
 

Shabaddan

 
Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’idée fasse des émules. Une semaine après qu’un grand Shabaddan se soit déroulé dans la synagogue du Mouvement juif libéral de France (MJLF), Sophie Bigot-Goldblum organisait un événement plus intime dans un appartement de Vincennes. Cette jeune enseignante d’études juives a réuni, le temps d’une soirée, un groupe d’une dizaine de personnes constitué plutôt d’étudiants et de jeunes professionnels. Celle qui nous explique « avoir pris conscience de la nécessité de sortir de sa bulle » semble avoir réussi son pari.
 

“La communauté juive a beaucoup à gagner à ne pas vivre dans la crainte”

 
La plupart des participants ne se connaissaient pas au départ et c’est grâce à l’annonce de l’événement sur Facebook que le lien s’est fait. « L’idée a séduit beaucoup de monde autour de moi, et j’ai été obligée de faire le tri étant donné le grand nombre de personnes intéressées » nous explique Sophie pendant la soirée. Pour elle, les nombreux retours positifs sont encourageants : « ce qui me rassure c’est que les seules plaintes que j’ai reçues venaient de la part de personnes qui regrettaient de ne pas pouvoir participer au Shabaddan. » En revanche, « les institutions se sont montrées très silencieuses concernant mon initiative. » Selon Sophie, « la communauté juive a beaucoup à gagner à ne pas vivre dans la crainte. Elle a un rôle actif à jouer en France, notamment dans l’ouverture envers les musulmans. » La jeune enseignante souligne que « l’objectif est de réunir juifs et musulmans dans un contexte festif, car trop souvent nous nous retrouvons dans des situations de commémoration d’attentats. »
 

“Pour moi, c’est l’occasion de passer un bon moment”

 
Alors que les dattes n’ont pas été oubliées sur le buffet, en vue de la rupture du jeûne, toutes les personnes présentes sont invitées à participer à l’allumage des bougies et à l’ouverture du shabbat. Certains assistent pour la première fois à la prière du kiddouch, faite avec du jus de raisin pour l’occasion. C’est le cas d’Aicha par exemple. Cette consultante en finances de 35 ans a décidé de participer à l’événement alors qu’elle n’y connaissait personne. Au détour d’une discussion avec Étienne, un étudiant rabbin au Leo Baeck College à Londres, elle nous explique être venue avant tout pour partager un moment convivial et rencontrer des jeunes : « Je n’y vois pas particulièrement un acte politique, même si l’inter-religieux me plait… Il m’est arrivé d’avoir des contacts avec des associations comme Coexister par exemple. Pour moi, c’est surtout l’occasion de passer un bon moment. En revanche, c’est vrai que même si j’ai quelques connaissances, je n’ai pas encore eu l’occasion de me lier véritablement d’amitié avec des juifs. »
 

allumage bougies shabbat shabaddan

Allumage des bougies de shabbat avant d’entamer les chants. Ceux-ci sont imprimés en hébreu, français et phonétique afin que tout le monde puisse participer

 

“La coexistence c’est un peu refuser de se voir, et de voir les autres, uniquement sous le prisme identitaire et religieux”

 
Pour d’autres, la démarche prend une signification différente. C’est par exemple le cas d’Aurélia qui nous explique qu’elle y voit un moyen différent de vivre son judaïsme : « Je voulais avoir des expériences qui soit liées au judaïsme de manière moins conventionnelle. » Elle nous explique aussi que sa participation n’a pas toujours été bien comprise dans son entourage : « pour ma mère, ça n’apparaissait pas comme quelque chose de forcément très naturel de fêter un shabbat avec des musulmans. »
 
Après une soirée enjouée, où les sujets politiques et religieux ont rapidement fait place à des discussions plus légères, beaucoup ont échangé leur numéro de téléphone. Le mot de la fin sera laissé à Julie, qui nous dit, avant de sortir du métro : « Je crois que la coexistence, c’est un peu refuser de se voir et de voir les autres uniquement sous le prisme identitaire et religieux. C’est peut-être aussi être capable de trouver un joli prétexte pour passer une bonne soirée ».
 

Shabaddan juifs musulmans

Les plus réticents à quitter la soirée immortalisent leur rencontre avec une photo dans le métro parisien

 
Joseph Melville

 
Lire l’article de Joseph Melville J’ai rencontré l’homme qui veut rendre sa pureté au klezmer
 
© photos : Joseph Melville / DR

 
Article publié le 11 juin 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2018  Jewpop

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