Stephanie Martinot recherche ADN JewPop
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Une histoire “Cohn” : comment j'ai résolu un mystère familial de 100 ans

14 minutes de lecture

Je m’appelle Stéphanie, j’ai 44 ans et suis fan de houmous. Mais pas que ! Je suis aussi passionnée par mes origines juives (et Barbra Streisand…). Je suis donc partie à la recherche de mon arrière grand-père, Bernard Collin (enfin ça, c’est sa fausse identité) : ce que je voulais c’était résoudre un mystère familial en utilisant mon ADN.

Depuis quelques années, on peut, sans se ruiner, faire analyser son ADN pour faire des recherches généalogiques. Mais voilà, en France, ce n’est pas (encore) autorisé. Plusieurs sociétés américaines envoient leurs kits dans l’Hexagone : FTDNA et 23&Me. J’ai choisi FTDNA car elle a la plus grosse base de clients d’origine juive. 89€ (+20€ de frais de port) et me voilà lancée sur la piste de grand-papy !

Test ADN juif JewPop

Juillet 2017 : je reçois enfin mon kit de prélèvement envoyé par FTDNA ( Family Tree DNA) : une petite enveloppe marron contenant deux petits tubes remplis d’un liquide (et d’un petit coton tige chacun). Fébrile, je lis la notice d’utilisation avec une légère angoisse (elle est toute en anglais)… Hmmm ok, faire ça la bouche propre, au réveil… Bon, j’attendrai le lendemain pour me frotter l’intérieur des joues pendant 2mn. L’enveloppe retournée chez FTDNA, je consulte régulièrement leur site pour voir si mon petit paquet est bien arrivé au Texas ( localisation des laboratoires de FTDNA).

“Vos résultats sont disponibles »

30 jours plus tard, je suis à Berlin et sirote une bière en compagnie d’amis quand je reçois le mail tant attendu “vos résultats sont disponibles, connectez vous sur FTDNA”. Ni une ni deux, je me précipite pour ENFIN savoir si j’ai bien hérité des gènes juifs de mon arrière grand-père et découvrir si des cousins ont eu la même idée que moi.

Retour 100 ans en arrière : (110 pour être précis) mon arrière grand-père, Bernard Collin, arrive à Paris. Il est originaire de Ploiești (ce que m’a raconté ma grand-mère), émigré juif qui, on ne sait pourquoi, a décidé de changer d’identité d’où le nom de Bernard Collin. Il n’a jamais révélé sa véritable identité, ni parlé de sa famille. Seuls quelques maigres indices : avant de venir à Paris, il était à Londres avec son frère et sa belle sœur, qui seraient partis en Nouvelle Zélande. Il abandonne aussi la pratique de la religion, allume seulement une petite bougie le vendredi soir sur un rebord de fenêtre, seul rappel de ses origines… Depuis toute petite, ma grand-mère me parlait de son père, si secret et si triste de n’avoir eu plus aucun contact avec sa famille. Résolue à résoudre ce mystère, en 2016, je fais des recherches auprès des archives nationales de Paris afin d’obtenir une copie du dossier de naturalisation de Bernard.

Pour accéder à ce dossier (et payer 18€ pour avoir une copie papier de celui-ci), il faut trouver le numéro du décret de naturalisation paru dans le Journal Officiel… Un petit mois de recherche et j’obtiens enfin cette copie : allais-je y découvrir la vraie identité de Bernard, des indices sur ses parents ? Tadaaaaaaa ! Mais bof, pas grand chose… Enfin si, l’administration française refusera plusieurs fois de lui octroyer la nationalité française car il ne pouvait prouver qu’il était bien Bernard Collin. J’apprends qu’en 1914, au déclenchement du conflit mondial, il s’engage dans la Légion étrangère sous sa fausse identité, et que ses parents s’appelaient David et Sophie Grimberg (oh, un indice !).

Bernard Collin Légion étrangère JewPop

Armée de ces quelques pistes, je pars à la recherche de mes arrières-arrières-grands-parents : le site jewishgen.org regroupe des milliers de données sur nos ancêtres juifs en Europe, mais je n’y trouverai aucun David ou Sophie qui pourraient correspondre à mes arrières-arrières-grands-parents (snif).

Me vient donc l’idée d’utiliser mon ADN, à la suite de la lecture d’un article (en anglais) sur la recherche généalogique par l’ADN. Pour 90€, vous pouvez avoir une cartographie génétique de vos origines ethniques, mais surtout, le résultat de votre analyse ADN est comparé avec ceux des autres personne ayant fait le même test que vous ! Cela permet donc de voir si l’on “matche” avec quelqu’un, combien de % d’ADN nous partageons et quels ancêtres nous avons en commun ! Je regarde quelles sont donc mes origines ethniques : à prendre avec du recul, car celles-ci peuvent remonter sur des centaines d’années… Ahhh ! J’ai bien des origines juives ashkénazes, ibériques, italiennes, françaises, scandinaves… Bon, j’ai déjà confirmation que mon arrière grand-père était juif (sûre et certaine, car il n’y en a pas du côté de ma mère).

“20 minutes plus tard, une réponse !”

Je regarde la liste de mes matchs… Une cousine au 2eme-3eme degré ! Je découvre que ses ancêtres sont pour la plupart localisés en Roumanie, à Bucarest ! (Tiens, Ploiești est juste à côté…). J’écris donc à cette dame pour lui demander des informations. “Dear Sylvia blablabla…”. 20 minutes plus tard, une réponse ! Mince, c’est sa nièce qui m’écrit et m’informe que c’est un match avec sa tante Sylvia, décédée en 2016 à l’âge de 99 ans… Mais qu’effectivement, nous avons un ancêtre proche en commun. Elle me communique donc un lien vers son arbre généalogique. Oh my… ! Je vois que la mère de Sylvia s’appelait Rebecca Cohen, et ses grands parents… David et Sarah ! Je n’aurai que peu d’échanges avec la nièce. Bon, une piste très sérieuse, mais qui ne me fait pas beaucoup avancer… J’échange aussi avec Andy Meyers, le neveu de Sylvia, mais qui ne semble pas vraiment intéressé par une correspondance sur le sujet.

Sylvia Grossberg DNA JewPop

Je continuerai plusieurs semaines à chercher des pistes, à contacter des matchs, à fréquenter les nombreux groupes Facebook consacrés à la généalogie par l’ADN (qui sont d’ailleurs de vraies mines d’or pour apprendre à interpréter ses résultats ADN), on me conseillera d’envoyer mon fichier ADN (un fichier CSV de quelques mégas contenant tous mes gênes !) sur des sites comme Gedmatch (qui permet d’envoyer gratuitement son fichier et de le comparer à ceux déjà présents dans leur base, d’utiliser les outils de comparaisons ADN…).

En décembre 2017, je vois que le site myheritage (concurrent de FTDNA) propose gratuitement de comparer votre résultat ADN avec ceux de sa base. Les fonctions et outils ADN n’étant pas autorisés en France, je dois passer par un vpn, un réseau privé virtuel (je suis informaticienne, donc facile !) : je me crée un compte sur le site, envoie mon fichier et attends… plusieurs jours… Pas grand chose côté résultats des matchs avec des cousins trop éloignés : l’endogamie chez le peuple juif fausse aussi les résultats… Et le grand jour arriva ! Mi-janvier 2018, je me connecte un soir sur le site… Tiens, un nouveau match, tiens il habite en Nouvelle-Zélande, tiens c’est loin comme pays… Mais c’est peut être un descendant du frère de mon arrière grand-père !

“Susan nous partage toute l’histoire familiale, et des photos de notre grande famille

Je prends donc contact avec Geoff (Geoffrey) et mazel tov ! C’est le descendant d’Harry (Herschel) Corn (Cohn, Cohen) qui a émigré en 1907 avec sa femme depuis Londres, mais originaire de Ploiești ! La larme à l’œil (enfin, les deux), nous échangeons nos informations. Nos arrières grands-pères étaient frères : Bernard s’appelait bien Bernard mais pas Collin, Cohen-Cohn. Geoff a des contacts avec Susan, une cousine américaine, descendante d’une sœur de Bernard et Harry, Anna !

Explosion de joie dans les 4 coins du monde ! Susan nous partage toute l’histoire familiale, et des photos de notre grande famille ! Photo de mon arrière-arrière-grand-mère Sophie, de mon arrière grand-père Bernard (le petit garçon à gauche), Harry son frère, et une dame inconnue, peut être Anna leur sœur.

Bernard Cohn JewPop

J’apprends donc que mon arrière-arrière-grand-père s’appelait David Cohn, juif d’origine sépharade installé depuis plusieurs générations à Izmir, Turquie, époux de Sophie Schwartz. Ils ont fui la Turquie dans les années 1870 pour s’installer à Ploiești et ont eu 6 enfants. Début 1900, ils sont tous allés à Londres avec pour projet d’émigrer aux USA. Mais David partit en premier avec ses filles (Anna, Caroline, Rebecca) et son plus jeune fils, Charles. Harry et Bernard restèrent à Londres, attendant le feu vert de David (et l’argent) pour les rejoindre a New York. Las, au bout de 3 ans, ils en eurent assez d’attendre et mon arrière grand-père décida de partir à Paris tandis que Harry prenait la direction de la Nouvelle -Zélande.

Bernard était le frère que tout le monde cherchait depuis des années, personne ne savait ce qu’il était devenu et s’il avait des descendants. Harry a également changé son nom à l’époque, de Cohn en Corn. Mes cousin(e)s néo-zélandais n’ont pas continué, comme Bernard, la pratique de la religion, ils se sont “mélangés” à la population locale. Mes cousin(e)s américains, par contre, sont tous juifs et sont restés attachés à la communauté.

Et voici David Cohn, mon arrière-arrière-grand-père !

David Cohn JewPop

Cette histoire Cohn-Collin-Corn-Cohen est enfin résolue après 110 ans ! Et j’ai gagné une flopée de cousins à travers le monde et de nouveaux endroits à visiter !

Stéphanie Martinot

© photos et documents : Stéphanie Martinot / DR
Article publié le 5 février 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop
 

14 Comments

  1. Stéphanie,
    Merci pour ce fabuleux témoignage.
    Je vous conseille le site Geni.com qui est très riche sur la généalogie des familles juives.

  2. Bonjour
    Belle histoire. J’ai aussi fit cette recherche DNA mais en temps que femme on ne peut avoir accès qu’à son lignage maternel. Donc les origines ashke ne sont pas votre arrière-grand-père mais une femme de vos ancêtres.
    Bonne chance pour vos recherches

  3. Bonjour Stéphanie, merci pour ce témoignage qui me donne l’envie de suivre votre voie…
    j’ai vu aussi avec plaisir votre ailleuil Sophie Schwartz… alors qui sait?
    merci

  4. Nous venons du même endroit Izmir
    J ai moi aussi fait des recherches grisantes et apaisantes
    Merci de les avoir partagé

  5. Hyper sympa!! Depuis qqs mois jhesite a faire mes tests adns pour enfin comprendre dou ou on vient portugal ou espagne? Et avant? Et pourquoi tt le monde a les yeux ds ma famille alors quon est marocain? Tu mas decide stephanie 🙂

  6. Stéphanie, j’aimerais avoir autant de chance que vous…Je recherche mon grand-père maternel depuis des années. Ma grand-mère maternelle n’ayant jamais révélé l’identité du géniteur de ma mère. J’ai fait les tests ADN avec Myheritage qui m’indiquent des origines juives ashkénazes qui ne peuvent venir du côté paternel. J’ai écrit à plusieurs de mes correspondances ADN dont les plus proches appartiennent à la famille MEYER, elles restent très évasives quant à notre lien de parenté et ne semblent pas intéresser à poursuivre les recherches. Ça me rend très triste…
    Comment pourrais-je mieux orienter mes investigations à votre avis ?
    Hélène

    • Bonsoir Helene, il va falloir faire des recoupements avec d’autres sites en transferant votre fichier adn depuis myheritage vers des sites comme family tree dna, gedmatch etc… si vous avez besoins de conseils je suis sur facebook 😉

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