« N’allez pas raconter ça, ça va causer un incident diplomatique ! », se marre un cadre. Des salariés de l’entreprise Arjowiggins à Jouy-sur-Morin (Seine-et-Marne) ont mis le feu à une palette de 225 000 billets de 100 shekels ce vendredi (près de 5,5 millions d’euros). L’entreprise est en liquidation judiciaire depuis la mi-janvier. Les 240 salariés sont au chômage. Et ne savent plus comment faire pour attirer l’attention de l’État (français).
Parmi les clients d’Arjowiddings, Israël
Vieille de quatre cents ans, l’usine érigée sur les bords d’une jolie rivière encaissée était spécialisée dans la fabrication de papier sécurisé, lui-même destiné à la confection de documents officiels (cartes grises, passeports) ou pour des devises étrangères. Parmi ses clients, on trouvait donc Israël. Et dans l’usine, des tonnes et des tonnes de papier sécurisé tout prêt à être expédié dorment encore.
Le groupe Sequana, qui en était jusqu’ici propriétaire, a revendu l’usine au cours du premier semestre 2018 à un fonds d’investissements suisse. Car, c’est le paradoxe de ce secteur d’activité, le papier monnaie ne coûte plus rien et n’est donc plus rentable. « Il est vendu désormais 4 euros le kilo » se lamente un salarié. « Autrefois, il y avait trois gros producteurs de papier-monnaie dans le monde. Maintenant, il y a une quinzaine d’entreprises qui se partagent le gâteau. On les trouvent en Chine, en Russie, en Corée, en Bulgarie… Elles pratiquent le dumping. »
“C’était la première palette venue. Mais c’est vrai qu’on aimerait que les ambassades fassent bouger Bercy”
Les salariés n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils avaient brûlé du papier à cartes grises, créant une mini-panique en France. Courait-on vers une pénurie de cartes grises ? D’autant qu’Arjowiggins est la seule entreprise à fabriquer ce fameux papier en France. Il n’empêche. La question qui brûle toutes les lèvres, à défaut de brûler les doigts. Y avait-il une portée symbolique à cet autodafé de devises israéliennes ? Non, répond un premier salarié. « Les collègues sont tombés sur cette rame de papier dans l’usine comme ça. Mais ils ne sont pas cinglés, ils ont tout brûlé, ils n’ont sorti aucune feuille. »
Oui et non répond un délégué du personnel. « Il n’y a pas de portée tendancieuse à cette action. C’était la première palette venue. Mais c’est vrai qu’on aimerait que les ambassades fassent bouger Bercy. » Et un cadre témoin de la scène de relativiser. « Israël, à mon avis, s’en fiche. Du moment qu’aucune feuille n’est sortie de l’usine… »
Serge Brzyski
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Article publié le 5 février 2019, tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop