Cher Roger Cukierman,
J’écris « Cher » parce que oui, en ce moment, ça me coûte pas mal de te voir à la présidence du Crif.
Roger, Roger, Roger… Mon Roger, je ne sais pas par où commencer mais je vais faire comme toi, je vais y aller au feeling. Bon, l’avantage, c’est que moi je ne suis pas en direct sur Europe 1. Je ne sais pas si je suis la seule dans ce cas-là, mais franchement, je pense que tu devrais arrêter.
Charles Aznavour devrait faire ses adieux parce qu’on ne l’entend plus sur scène, toi tu devrais l’imiter mais parce qu’on t’entends trop. Ce me fait le même effet que quand Tata Renée arrache le micro du DJ de la bar-mistva de mon neveu pour faire les youyous, je mets les mains sur les yeux en soupirant « misère, j’espère que le cadreur ne m’a pas dans son champ quand le hasard et les coups de coudes de ma mère me poussent près de cette nonagénaire en robe mousseline rose ».
Déjà, tu es à la tête d’une organisation qui, et ce n’est pas uniquement ta faute je te l’accorde, ne représente que très peu de ce qu’on appelle la communauté, je ne dis rien …
Déjà, tu organises des dîners hors de prix avec tout le gratin de la politique pour dénoncer les actes antisémites, alors que dans le même temps, ta sauterie de luxe confirme dans leurs convictions nauséabondes tous les antisémites maladifs qui pensent qu’on dirige la France, je ne dis rien …
Déjà, qu’après deux mandats et une pause, tu as cru bon de te représenter, te posant comme l’homme de la situation à un âge où le bon sens et le certificat du médecin auraient dû t’inviter à te contenter de la présidence d’honneur d’une fondation, je ne dis rien…
Mais là, j’avoue que j’ai du mal à la fermer. Ta dernière sortie sur Marine Le Pen m’est restée sur l’estomac, un peu comme si je m’enfilais au petit dej des bricks à l’œuf, thon et harissa après une nuit de gastro. Bref, tu l’as compris, j’ai la gerbe.
J’ai la gerbe parce que dire que Marine Le Pen est « irréprochable personnellement », c’est aussi con et contre-productif politiquement que de :
Louer les tenues toujours soignées de Cristina Kirchner, alors que la moitié de l’Argentine se demande si elle est impliquée dans le «suicide» du procureur Nisman.
Affirmer à ton futur proprio : « Ne vous inquiétez pas. J’ai demandé à Christophe Rocancourt de se porter caution ».
Répondre à l’employé de ton centre des impôts : « Vous n’avez rien reçu ? Ben c’est bizarre, j’ai chargé Thomas Thévenoud de remplir et envoyer ma déclaration d’impôt. Ça m’étonne ».
En t’entendant déclarer que Marine Le Pen est « personnellement irréprochable », je me demande : « T’attends quoi pour trouver quelque chose à redire à Marine Le Pen ? Qu’elle aille taguer des sépultures juives dans l’Est de la France ? ». Tu seras gentil de noter au passage que les dernières et répétées profanations de cimetières sont l’œuvre de petits Français non-issus de l’immigration arabo-musulmane.
Marine Le Pen aux côtés de l’ancien Waffen SS, Franz Schönhuber
Moi, bêtement, je pensais que quand une fille allait valser avec des néo-nazis hongrois, toi l’ancien enfant caché, tu n’allais pas lui faire une déclaration d’amour radiophonique.
Tu crois vraiment que ça valait le coup de nous fâcher avec Dalil Boubakeur, le chef de file des musulmans modérés – on les cherche déjà à la loupe – pour mieux te rapprocher de la présidente du Front national ?
Si déjà aujourd’hui, tu trouves que Marine Le Pen est « personnellement irréprochable », tu vas faire quoi si un jour elle se désolidarise vraiment des déclarations de son père en le virant de la vice-présidence du FN, tu vas la demander en mariage ou quoi ?
Roger, je te vois bien depuis lundi matin essayer de rétropédaler, aussi gêné que le président de Chasse Nature Pêche et Tradition qui doit ouvrir un banquet végétalien dans une communauté hippie d’Ibiza.
Si tu veux que la communauté sorte la tête haute de ce malheureux épisode, baisse la tienne et excuse-toi vraiment. Fais-le sans équivoque et sans attendre, avant que certains d’entre-nous exigent ta démission et organisent des élections anticipées pour imposer Meyer Habib. Si Meyer Habib prend ta place, ma mère ne va plus crier à mon père, le mercredi devant « les questions au gouvernement » diffusé sur France 3, « il ressemble quand même de plus en plus à Enrico Macias ».
Ma mère, toujours, pense que l’on devrait t’obliger à remplacer toutes les personnalités politiques invitées au dîner du Crif par les bénéficiaires de la campagne de la Tsédaka. Je t’imagine coller les timbres toi-même sur ces belles invitations à envoyer à tous nos coreligionnaires qui ont du mal à joindre les deux bouts. Elle a dit qu’elle se chargerait de la préparation du repas. Tu verras, ça va te changer de Potel et Chabot. Pendant que tu révises ton discours, elle sortira de la cuisine, tablier sale autour de la taille, « je te préviens, tu fais court. Je ne me suis pas faite suer toute la journée pour que tu leur coupe l’appétit avec l’antisémitisme. Tu dis bonsoir, bon appétit, et c’est tout !»
Bon, il paraît qu’hier, tu étais convoqué à l’Élysée avec Dalil. C’est aussi merdeux qu’une convocation chez le proviseur après une insulte entre collégiens. J’espère qu’au moins tu n’a pas osé, en montrant du doigt le recteur de la Mosquée de Paris, « c’est lui qui a commencé !»
Sur le perron de l’Élysée, Dalil et toi avez déclaré : « Nous sommes sur le même bateau ». Ça tombe bien, quelque chose me dit qu’avec toi, on n’a pas fini de ramer.
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
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Article publié le 25 février 2015. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2015 Jewpop