Entretien avec Vieux Farka Touré

8 minutes de lecture

 
 
Un an après son dernier album, The Secret (Six Degrees), le guitariste malien Vieux Farka Touré est de retour en duo avec le pianiste israélien Idan Raichel (et quelques invités) pour un disque époustouflant et entièrement conçu en une seule session improvisée à Tel Aviv (The Touré-Raichel Collective, ‘The Tel Aviv Sessions’, Cumbancha).
C’est dans un aéroport espagnol, où les deux musiciens (se portant une mutuelle admiration) se rencontrent par hasard, que naît l’idée de faire de la musique ensemble, un jour. En tournée en Israël, Vieux Farka Touré rejoint Idan Raichel en studio après un concert, et la magie naît instantanément. C’est une alchimie comparable à celle qui unit son père, Ali Farka Touré, à Ry Cooder sur ‘Talking Timbuktu’ (1994) ou à Toumani Diabaté sur ‘In The Heart Of The Moon’ (2006). Vieux Farka Touré délaisse la guitare électrique pour des variations acoustiques d’une grande virtuosité. Il évoque ici cette rencontre unique avant le concert parisien du Touré-Raichel Collective au New Morning le 12 novembre.
 

 
 
Entretien de Nicolas Ragonneau, réalisé pour Paris DJs – Octobre 2012
Je t’ai vu sur scène à la Maison des Arts de Créteil le printemps dernier. J’ai été très impressionné par ta technique, non spectaculaire, très sobre, avec beaucoup de souplesse dans les doigts. Une sorte d’anti-guitar-hero, en quelque sorte. Comment décrirais-tu ta technique ?
Eh bien, je n’ai pas vraiment de nom à mettre sur mon style. Il est basé sur le style de guitare traditionnel du nord du Mali. J’utilise juste mon pouce et mon index. L’index fait absolument tout, sauf la note basse. La note basse est faite avec mon pouce. C’est comme cela qu’on joue traditionnellement de la guitare au nord du Mali, qui vient de la façon dont on joue du ngoni. Je pense que j’utilise davantage ma main gauche que la plupart des guitaristes afin de jouer des notes très rapidement, et parfois sans même jouer d’une corde de la main droite. J’aime jouer de la guitare comme d’un instrument à percussion. J’ai commencé la musique comme batteur et percussioniste, alors tout ça m’a aidé à développer mon propre son à la guitare.
Une seule session de 3 heures à Tel Aviv avec Idan Raichel, et un album parfait à la sortie. Comment expliques-tu le succès de votre association ?
Je pense que nous formons une bonne équipe parce qu’il y a entre nous une amitié et un respect profond entre nous. Avec Idan tout est simple, il n’y a pas de problème d’ego ou de choses comme ça. c’est très simple. il joue ce qu’il a envie de jouer, je joue ce que j’ai envie de jouer et nous écoutons très précisément ce que l’autre fait. Dans cette formation, tout dépend de l’écoute des autres musiciens et de la confiance mutuelle qu’on se porte.
 

 
Peut-on attendre une suite à ce premier album ?
Oui, je pense que c’est possible. Nous n’en n’avons pas encore parlé. Mais comme tout le monde aime ce projet, pourquoi pas ?
Tu as appris à jouer de la guitare avec Toumani Diabaté. Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?
Toumani m’a tout d’abord enseigné les styles musicaux du sud du Mali. C’est la tradition à laquelle il appartient. C’est très important de pouvoir bâtir sur le style du nord du pays, mais également de puiser dans d’autres genres en dehors du Mali comme le reggae ou le jazz. Il m’a aidé à développer une oreille pour le jazz. Et cela a été très important pour le Touré-Raichel Collective.
‘The Secret’ a été produit par Eric Krasno. À première vue, vos univers semblent assez éloignés. Pourquoi avoir choisi de travailler avec lui ?
C’est mon manager qui m’a suggéré son nom. Je connaissais un peu sa musique et je l’avais déjà rencontré, donc je savais qu’il était cool. Mon manager m’a expliqué qu’il appartenait à la scène idéale pour me mettre en relation avec les guitaristes que je souhaitais associer à mon disque. Donc j’ai dit banco, voyons comment tout ça va se passer. Krasno est un excellent producteur, avec une oreille très sûre. Il comprend la musique du Mali jusque dans ses racines. Je ne m’attendais pas à cela, mais ce fut une très belle surprise.
 

 
Parle-nous de ton prochain disque solo. Comment tu vois les choses ?
Je viens juste d’en finir l’enregistrement. Je pense que c’est mon album le plus abouti. Je joue seulement de la guitare acoustique cette fois. Je suis vraiment tombé amoureux de la guitare acoustique récemment, surtout depuis que je tourne avec le Touré-Raichel collective. C’est un album très respectueux de mon héritage. Je pense que pas mal de gens vont confondre cette musique avec celle de mon père, Ali. Mais il y a toujours une touche moderne sur le disque. Et il y aura mon ami Sidiki Diabaté, le fils de Toumani, qui enregistre pour la première sur un album qui connaîtra une diffusion mondiale. Ce sera vraiment cool, imagine… Ali et Toumani junior ensemble !
Pour finir, un mot sur les événements récents au Mali ?
Je n’ai pas vraiment envie de parler de la situation au Mali. Ce n’est pas prudent que j’en parle. Je prie juste pour la paix et pour que le pays puisse sortir de cette situation fâcheuse.
 
Nicolas Ragonneau
 

Links :
Vieux Farka Touré : official | facebook | myspace | sixdegreesrecords | twitter | wikipedia
Article publié sur le site Paris DJs, reproduit avec l’aimable autorisation de son auteur.
Photo © Trevor Traynor

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

S'abonner à la jewsletter

Jewpop a besoin de vous !

Les mendiants de l'humour

#FaisPasTonJuif