Petit rappel des faits : le 31 mars 1492 est promulgué le décret de l’Alhambra sur volonté d’Isabelle la Catholique de christianiser l’Espagne. Cet édit entraîne quatre mois plus tard l’expulsion des juifs. Commence alors une errance nouvelle pour la Diaspora juive espagnole qui se disperse autour du bassin méditerranéen.
Voilà un fait qui peut sembler bien lointain pour la mémoire collective sépharade. Pourtant, la culture judéo-espagnole ne s’est pas complètement éteinte. Si on estime aujourd’hui à 250 000 le nombre de personnes qui parlent le ladino, dialecte judéo-espagnol. L’Andalousie elle même garde encore les traces de l’ancienne communauté florissante.
On pourrait toutefois penser que pour l’Espagne moderne et sa petite communauté juive de 12000 âmes, avec ses vieilles synagogues médiévales en ruines, c’est de l’histoire ancienne. Il semblerait que non. En annonçant le 22 novembre sa volonté de créer une « procédure sur l’attribution de la nationalité espagnole aux étrangers séfarades par lettre de naturalisation », le gouvernement espagnol a créé la surprise. Qu’est-ce donc que cette « procédure pour des retrouvailles » d’après les mots d’Alberto Ruiz-Gallardon, ministre de la justice? Le ministre des affaires étrangères Manuel Garcia Margallo, en visite au Centro Sefarad-Israel qu’il préside en temps que chef de la diplomatie, a évoqué une volonté de « recouvrer la mémoire de l’Espagne qu’on a fait taire ».
Après cinq siècles de silence, l’Espagne retrouve ses racines et revient sur un passage officiellement oublié de son roman national. Dans les faits, il est difficile de savoir combien de juifs sépharades sont prêts à passer le pas de la naturalisation. Pour autant, le symbole ne peut être négligé. En ces temps de débâcle économique, l’Espagne nous montre qu’elle n’a pas la mémoire courte. Elle est bien plutôt de ces nations qui, malgré un agenda chargé, savent aussi mener une réflexion historique. Alors que la tentation du repli menace tant de nations européennes en quête d’identité nationale, l’Espagne a choisi d’assumer sa vieille diversité.
Offrir la nationalité espagnole aux descendants des juifs expulsés au Moyen Âge dans un pays en pleine Inquisition est un geste qui peut paraître désuet. Pourtant, le symbole est d’une grande force. Alors que le peuple juif en diaspora se définit comme héritier des persécutions, voilà qu’une nation moderne, jadis persécutrice lui ouvre les bras et réintègre les juifs à son tissu identitaire.
Jewpop
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Article publié le 4 décembre 2012. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop
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