Le classement des longueurs de pénis dans la population mondiale, c’est un peu comme celui des meilleurs lycées de France ou des arrondissements les plus chers de Paris. Un « marronnier » qui fait le bonheur des médias et plonge dans l’angoisse le lecteur, qui va rechercher frénétiquement le double-décimètre de sa progéniture pour vérifier s’il est plutôt dans la norme congolaise ou nippone. Mais quid de l’auteur de cette récente étude présentant le « nouveau » palmarès international du braquemard ? Une grosse arnaque, ou pas ?
Que nous apprend d’abord cette « enquête », si l’on se réfère à la majorité des médias ? La revue britannique Personality and Individual Differences a publié une étude menée par le professeur Richard Lynn, docteur en psychologie de l’Université de l’Ulster, qui aurait comparé la longueur moyenne du pénis en érection chez les hommes de 113 pays. Un travail titanesque, qui a du exiger, comme disait feu le général Bigeard, d’y aller « à la bite et au couteau ! ».
Ainsi, en queue de liste, on trouverait les pays d’Asie : en Chine, la longueur moyenne du pénis serait de 11 cm, en Inde et en Thaïlande de 10 cm, et en Corée du Sud de 9,7 cm. Les boules. En milieu de tableau, la France se placerait à 13,5 cm, Israël à 14,38 cm (notez la précision !), et grands vainqueurs, la République Du Congo, qui grimperait allègrement à 18,03 centimètres, suivie d’un gland par l’Équateur (17,8 cm) et le Ghana (17,3 cm). Passé ce décompte assez fastidieux façon Mondial du chibre, la plupart des membres de la corporation journalistique ont visiblement pompé les uns sur les autres, omettant à quelques rares exceptions de creuser du côté de l’auteur de cette étude, qui nous fait avaler n’importe quoi.
Quentin Girard, journaliste à Libé, a décrypté cette « enquête » relayée par quasiment tous les médias comme scientifiquement sérieuse, notant que « Richard Lynn a en effet récolté des données provenant d’une carte sans les vérifier. Ce planisphère des sexes en érection a été mis en ligne l’année dernière par un utilisateur du site everyoneweb. Il avait alors beaucoup tourné sur les réseaux sociaux, mais peu de gens l’avaient pris au sérieux. En effet, s’il est amusant, il repose juste sur une compilation de recherches non reliées entre elles et souvent déclaratives« .
Plus inquiétante, reste la publicité faite par les médias aux « travaux » de Richard Lynn, connu pour ses théories racialistes et eugénistes. Dans sa récente « étude » reprise un peu partout, Lynn classe les pays par « race », Quentin Girard notant que « tout son papier cherche de fait à démontrer que ces résultats confirment la théorie sur la différence des races de John Philippe Rushton. Ce professeur de l’Université de Western Ontario au Canada, lui aussi connu pour ses théories racialistes et eugénistes, défend l’idée que les Asiatiques sont les plus intelligents et les Africains ont une sexualité débridée« .
Ajoutons, pour la bonne bouche, que Richard Lynn n’en est pas à son premier coup, ayant déjà émis la thèse nauséabonde selon laquelle les Africains auraient un QI inférieur de 30 à la moyenne européenne. Il est également l’auteur d’un ouvrage intitulé « The Chosen People: A Study of Jewish Intelligence and Achievement » publié en 2011, « étude » sur la « réussite » intellectuelle et financière des juifs d’origine ashkénaze à partir des années 1850, basée sur la thèse, jamais démontrée, selon laquelle l’intelligence est un caractère principalement héréditaire.
Mais la question qui me turlupine vraiment, après avoir lu cette « étude » sur la longueur du pénis, est la suivante : est-ce que(ue) vous vous en branlez, ou pas ?
Sharon Boutboul
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Article publié le 10 octobre 2012. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2016