Non, je ne suis pas morte (Hazvé Rhalila, comme dirait la voisine de ma mère qui, bien que née en France, n’hésite pas à ponctuer toutes ces phrases de locutions de langue arabe), j’étais comme toi en vacances. Je reviens, va savoir si j’ai bien fait.
Lui : « Tu comptes publier ton papier de rentrée le 11 septembre ? »
Moi : « Ouais »
Lui : « C’est pas super comme date, je trouve»
Moi : « Le 5, c’était les 40 ans du massacre des athlètes israéliens à Munich. Rien qu’en septembre 1942, y a eu 14 convois de juifs qui ont quitté Drancy pour Auschwitz. Si je dois m’abstenir de publier à chaque date où il s’est produit un acte anti-juif, un attentat anti-juif, je publie plus rien »
Lui : « Mouais, pas con ».
Comme vous le voyez, avec David P., nous avons des discussions hautement philosophiques. Je ne sais pas si c’est la demande de nationalité belge de Bernard Arnault ou la barre des 3 millions de chômeurs franchie, mais en ce moment je fais moins la fière. Ma relation amoureuse est un peu à l’image de la côte de popularité de notre président normal : un léger moment de flottement.
Comme le président, je dois avoir suscité des espoirs déçus. Comme le président, j’ai eu une vie avant et « il fait avec … ». Pas toujours simple. Je suis en train de me dire qu’il est temps que Claire Chazal m’invite au 20h, que je tente de le rassurer quand je constate, un peu amère, que les vacances sont bel et bien terminées. Une période bizarre qui s’accompagne de comportements très étranges.
Par exemple, sur Facebook, il y a ceux qui se géolocalisent à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Quand je vois ce genre de statut, j’ai envie de commenter « Et ? Tu veux quoi, que je t’aide à récupérer tes bagages ? ». Aux mêmes qui, quelques jours plus tard, postent une photo de leur enfant le jour de la rentrée des classes en twittant « Bonne journée mon pioupiou – sniff sniff », j’ai envie de dire « tu devrais le dire direct à ton enfant, tu crois pas ? ».
Sinon, globalement ma rentrée s’est bien passée. Comme vous, chuis restée coincée 1h45 à la caisse de Monoprix avec un panier plein de crayons papier HB, de papier millimétré, de tubes colles UHU . Pendant les 25 minutes où mon fils a hésité entre un cahier de texte du PSG (« Mais oui vas-y mon fils, les qataris ont besoin de l’argent de maman pour boucler les fins de mois difficiles ») et un agenda Hello Kitty (« Non, chéri, maman à l’esprit hyper ouvert, mais là c’est no way »), j’ai eu le temps de :
– Calculer que la répartition des semaines de garde me permettrait d’échapper aux courses de la rentrée en septembre… 2021.
– De poster sur twitter la photo d’une mère qui faisait une tentative de suicide au rayon des compas.
– D’ouvrir la lettre des impôts m’informant que je dois régler avant le 17 Septembre la somme de… € et de regretter.
Sans compter la conversation surréaliste avec ma mère dont voici les principaux échanges :
Elle : « Allo, où tu es ? Je t’appelle depuis au moins 10 minutes »
Moi : « Je me suis faite enlever par Aqmi au Monoprix de la rue de Courcelles »
Elle : « Ce n’est pas une raison pour pas répondre, je m’inquiète moi. Bon. J’ai besoin que tu passes chez le boucher. Son fils m’a préparé du hazbane, tu sais les boyaux farcis de viande »
Moi : « Arrête, je vais vomir ! »
Elle : « Tu le payes en espèces. Il aura fermé la caisse, pas de chèque, pas de carte bleue. Il t’attend derrière la boutique à 19h, là où il sort les poubelles »
Moi : « Je vais vomir bis ! »
Elle : « Depuis la vache folle, c’est interdit de vendre ça, il me fait une faveur. Si tu rencontres Yvette tu lui dis rien. J’ai juré de rien dire à personne »
Moi : « Wahou de la viande de contrebande. Et si je me fais gauler par les flics, j’avale une capsule de boukha avant qu’ils me torturent pour remonter la filière. Tu t’occuperas quand même de faire transférer mes cendres au Panthéon ? »
Elle : « Je comprends rien à ce que tu racontes. Le boucher doit un service à ton père, et tes frères ils adorent ça »
Moi : « Et c’est moi qui doit aller le chercher. Oui c’est logique »
Un passage à la caisse, 82 € plus tard, je me retrouve coincée en plein XXe arrondissement. Ça me rappelle quand j’étais élève dans un lycée de filles. On mettait des pantalons sous la jupe réglementaire. Pendant les intercours, on allait crapoter sur la tombe de Jim Morrison en rêvant d’une autre vie. Une vie où il n’y aurait pas cours de michna tous les matins, une vie où on partirait autre part qu’en Israël pour les vacances, une vie où on pourrait manger des vrais hamburgers au Mc Do et pas des Filets-O-Fish dégueulasses.
10 minutes plus tard, le boucher pose sur le siège avant de ma voiture le précieux paquet.
Solal : « Ça pue ! Mes affaires d’école elles vont sentir le moisi »
Moi : « C’est pas moisi, c’est frais. Imagine comme ça doit sentir quand c’est pourri »
Solal : « C’est quoi ? Du rat crevé ? »
Moi : « Non, le rat crevé ce n’est pas casher. Ça, c’est pire, mais c’est casher ».
Pour faire diversion, j’ai ouvert la fenêtre et tenté de changer de conversation.
Moi : « Tu as pris quoi comme bonnes résolutions pour cette nouvelle année scolaire ? »
Solal : « Rien. Pourquoi j’aurais dû ? »
Moi : « Ben je sais pas. Essayer de ne pas oublier ton livre de maths chez ton père, ranger ta chambre sans qu’on te le demande vingt fois. Je continue ? »
Solal : « Ah ah ah ! Et toi ? »
Moi : « Moi, j’ai encore 3 mois pour les préparer, je ferai ça le 31 décembre au soir »
Solal : « En haut de ta liste, tu peux mettre ‘Essayer de dire NON à ma mère’ ».
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
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