Tzimel, jeune homme issu du monde orthodoxe, est l’animateur de tzimelblog, dédié à l’actualité de l’univers juif orthodoxe, à ses turpitudes et tartufferies, présentées sur son blog avec un regard décalé et volontairement moqueur. A l’occasion de son court séjour en Israël, pays souvent évoqué dans ses billets, Tzimel raconte son voyage et les personnes qu’il y rencontre. Toutes les anecdotes et personnages sont réels, bien que vus avec un œil absolument subjectif ; seuls les noms de certains protagonistes ont été modifiés.
Je suis saisi d’une grande bouffée d’angoisse, je suis dans un pays où je vois des juifs partout et mes chroniques sont publiées sur un site qui voit des juifs partout. Les commentaires, notamment sur Facebook, sont encourageants. A part un esprit grincheux qui souhaiterait que je diffuse l’image de ma pomme au profil ghetthoïque, les lecteurs de Jewpop semblent s’amuser. C’est bien, ça flatte l’ego, mais quelle déprime ! Contrairement à ce que pensent la triplette Tzuckerweiss, Yakubowsky et Gluckstein, les juifs ont un sacré sens de l’humour ; c’est bien ça qui m’inquiète. Seigneur, accordez-nous notre dose d’antisémitisme quotidien ou je vais défaillir. Si déjà je suis en train de surfer sur le site de Zuckerberg, j’en profite pour avaler ma ration quotidienne dispensée par schtroumpf noir et schtroumpf bleu-marine. Merde ! Encore un coup des talmudos-schtroumpfs, d’Israël je n’arrive pas à trouver leurs pages Facebook*.
Je repense donc à la conversation de la veille avec un sioniste-religieux, « La plus grande menace pour l’économie israélienne, c’est les arabes et les orthodoxes ». Parfait, direction Har Nof – un quartier orthodoxe de Jérusalem – où les enfants seront ravis d’aller manger une glace. En entrant, une pancarte indique que le rez-de-chaussée est réservé aux femmes et aux enfants, l’étage est pour les hommes. Je commence à comprendre le parallèle établi entre les orthodoxes et les arabes. Au mur, deux affichettes nous ordonnent de ne pas zoner autour de la boutique, que les femmes soient correctement vêtues, etc… Pendant que les gosses se régalent, mon épouse et moi sortons nous en griller une. A peine sa clope allumée, tous les passants se mettent à la dévisager, l’air mi-surpris mi-réprobateur, « Eh Shmoulik ! Ne te sens pas obligé de reluquer ma femme de bas en haut ! ». Ça y est, c’est bon, des regards hostiles dans les deux sens, je me sens déjà mieux.
Pour finir la journée en beauté, direction le festival des vins de Jérusalem. Disons le tout de suite, à l’exception de deux-trois producteurs, les vins n’étaient pas fameux, une mention spéciale quand même aux vins Yatir, les meilleurs pinards du festival. Le principal de l’attraction résidait dans le fait de pouvoir picoler tout un tas de cépages différents, si bien qu’au bout d’un moment toutes les saveurs se mélangeaient en un condensé de la production moyenne et surévaluée du vin casher d’Israël. Mais surtout, de voir une foule composée à 80% de religieux, dont une large part d’américains, et surtout d’élèves de yeshiva de moins de 20 ans, qui ont confondu festival et biture express digne d’un springbreak. Au bout de deux heures, ils déambulaient dans les allées complètement bourrés. Ces fils de petits-bourgeois de Brooklyn révèlent là un peu de leurs vérités : puérils, vulgaires et mauvais dragueurs – leurs tentatives minables de discussions avec des israéliennes échouant lamentablement. Je ne m’inquiète pas outre-mesure pour eux, dans dix ans nous les retrouverons, la calvitie naissante, confits en dévotions, donneurs de leçons et nous parlant de leurs rabbins (chez eux on dit rabonnim) avec l’émotion qui sied à Tartuffe.
Le lendemain, petite note positive malgré une rhino-pharyngite carabinée : une braderie de livres organisée par le libraire Stein dans une petite localité près de Beth Shemesh. 20000 livres à 10 shekels (environ 2€) et plusieurs milliers d’autres à un prix hasardeux et à débattre. Pour les amateurs de livres d’intérêt juif en français, hébreu, anglais, russe, allemand et yiddish, Israël est un petit paradis du livre ancien et d’occasion à peu de frais. Bien entendu, négocier est un passage obligé, quand bien même vous vous sentez peu à l’aise en marchand de pantalons-à-une-jambe version Jacques Attali. Pour ce livre en hébreu sur les juifs de Bessarabie, à ma seul moue de surprise, le prix chute, que dis-je dégringole, de 500 à 100 shekels (d’environ 100€ à 20€). À Sainte-Anne on peut toujours s’arranger avec le personnel.
Tzimel
*Rassure-toi cher lecteur, tout est rentré dans l’ordre au bout de quelques jours, et j’ai pu me repaître à satiété.
Retrouvez les chroniques de Tzimel dans tzimelblog
Lire la chronique Tzimel en Israël (1)
Lire la chronique Tzimel en Israël (2)
© photos : Tzimel
Article publié le 25 février 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop