Photo représentant un membre de la secte Netourei Karta sur l'esplanade du Trocadéro à Paris Jewpop

La tribune des 400 antisionistes pour les nuls

23 minutes de lecture

400 antisionistes (artistes, écrivains mais aussi bibliothécaires, philosophes, infirmières ou retraités…) ont publié une tribune pour demander au Président Macron de ne pas criminaliser l’antisionisme. Parue dans Libération, le média détenu par l’homme d’affaires franco-israélien Patrick Drahi (ben oui, les juifs contrôlent les médias en France, tout le monde le sait !), cette tribune nous a semblé mériter une petite explication de texte. Pour bien comprendre ce qui se dit à travers ces quelques lignes (NDLR : le texte de la tribune publiée dans Libération est reproduit ici en italiques et entre guillemets).

“CONTRE LA CRIMINALISATION DE L’ANTISIONISME”

 

Comme souvent chez les ennemis des juifs, il est bon d’avancer masqué… On ne dit pas : « je suis antisioniste », mais plutôt « je suis contre la criminalisation de l’antisionisme », car moi je suis pour la liberté d’expression.

“Monsieur le Président, Vous avez récemment déclaré votre intention de criminaliser l’antisionisme. Vous avez fait cette déclaration après en avoir discuté au téléphone avec Benyamin Netanyahu, juste avant de vous rendre au diner du CRIF.”

Première phrase et, déjà, tout est dit : Le président Macron, président des riches, ex-salarié de la banque Rothschild, prend ses ordres auprès de Bibi Netanyahou et du Crif, son représentant en France. C’est pas un peu complotiste comme première phrase d’accroche ? En tous cas, c’est bien dans la mouvance actuelle dieudonnisto-soralienne.

 

“Monsieur le Président,”

 

Oui, on répète « Monsieur le Président ». Sous-entendu : vous êtes le président des Français, pas la marionnette d’une puissance étrangère (en l’occurrence Israël). Toujours les mêmes fantasmes sur la puissance supposée des juifs qui contrôlent jusqu’au président français…

“vous n’êtes pas sans savoir que la constitution de la République énonce en son article 4 que «La loi garantit les expressions pluralistes des opinions.”

Bien entendu, si nous défendons l’antisionisme, c’est au nom de la liberté d’expression. Nous ne sommes pas des antisémites des années 30, quelle horreur, non, nous sommes des démocrates, des amoureux de la liberté, des humanistes. « Au nom de l’autre », l’ouvrage de référence d’Alain Finkielkraut, nous a appris à décoder ce beau langage antisémite caché à travers de belles paroles humanistes.

 

“Or, l’antisionisme est une opinion, un courant de pensée né parmi les juifs européens au moment où le nationalisme juif prenait son essor”

 

Ah ben voilà qu’on ré-interprète l’histoire. Évidemment pour dire « vous voyez bien, on n’est pas antisémite puisque même les juifs pensent comme nous ! ». Et c’est vrai que parmi les retraités, infirmières et bibliothécaires qui ont signé cet appel, il y a beaucoup de noms juifs. Ça claque, un nom bien juif, c’est chouette pour se dédouaner des accusations d’antisémitisme.

Alors si on refait l’histoire, allons-y… Avant l’indépendance d’Israël, les anti-sionistes étaient principalement des «ultra-orthodoxes» (pour des raisons essentiellement religieuses, et non politiques) ou des juifs d’extrême-gauche. Mais le gros des troupes antisionistes a toujours été (et il l’est probablement pour encore longtemps) parmi les populations du monde arabo-musulman.

Il s’oppose à l’idéologie sioniste qui préconisait (et préconise toujours) l’installation des juifs du monde en Palestine, aujourd’hui Israël.

La construction de la phrase elle-même est une absurdité. L’idéologie sioniste préconiserait de s’installer sur une terre appelée Palestine ? Cela suppose, dans le langage des signataires, que cette terre est une terre arabe, la Palestine, et donc que l’idéologie sioniste consiste à coloniser une terre arabe. Il faudrait leur donner quelques cours élémentaires de «sionisme pour les nuls» pour leur rappeler qu’il s’agit de l’aspiration des Juifs du monde entier à retourner sur leur terre, pas à coloniser une terre étrangère.

La fin de la phrase est énigmatique… « s’installer en Palestine, aujourd’hui Israël », ça veut dire quoi ? Qu’Israël occupe une terre arabe appelée Palestine ? Donc cela revient à remettre en cause l’existence même d’Israël ? Même les Saoudiens et les Qataris sont plus progressistes que les 400 signataires sur ce sujet, il me semble…

L’argument essentiel de l’antisionisme était (et est toujours) que la Palestine n’a jamais été une terre vide d’habitants, qu’un «peuple sans terre» serait libre de coloniser du fait de la promesse divine qui lui en aurait été donnée, mais un pays peuplé par des habitants bien réels pour lesquels le sionisme allait bientôt être synonyme d’exode, de spoliation et de négation de tous leurs droits. Chez les antisionistes, on trouve un ramassis d’arguments en tous genres. Le fait que la Palestine ait été une terre habitée n’est pas l’argument essentiel.

Il faut rappeler que le « peuple sans terre » n’a pas été accueilli à bras ouverts sur cette terre. Il a fallu un vote de l’ONU puis de nombreuses guerres contre tous les pays arabes de la région (avec son cortège de morts de chaque côté) pour pouvoir s’installer sur cette terre. À l’époque de Josué (Yehoshoua Bin Noun), il y a plus de 3300 ans, il a fallu aussi mener de longues guerres avant de conquérir cette terre.

Évoquer « la promesse divine », voilà autre chose… Toujours cette idée des juifs barbus, l’équivalent des fous d’Allah, qui sont prêts à égorger leurs voisins au nom de leur divinité. Faut-il rappeler que ni Herzl, ni Ben Gourion, ni même Netanyahou, ne sont de grands adeptes de la religion ? Mais c’est tellement plus simple d’imaginer Israël comme une théocratie dirigée par des Mollahs messianiques…

 

Le sionisme allait bientôt être synonyme d’exode, de spoliation et de négation de tous leurs droits.”

 

Voilà, doucement, doucement, on y arrive : donc Israël a chassé les Palestiniens de chez eux (ce qui historiquement est en grande majorité faux, il suffit de relire les témoignages de l’époque), leur a volé leurs biens (spoliation, tiens le même terme qu’on utilise pour évoquer la spoliation des juifs par les nazis, comme c’est curieux cette obsession de toujours faire le rapprochement entre ce qu’ont subi les juifs et ce qu’ils feraient subir aux Palestiniens, désormais victimes des nazis modernes d’aujourd’hui, les Israéliens) et enfin leur dénie leurs droits (Israël pays d’apartheid, mythe véhiculé par tous les ignorants qui n’ont jamais mis les pieds dans un centre commercial de Jérusalem ou sur une plage de Tel-Aviv, qui ignorent que le numéro 2 d’Apple dans le monde est un arabe israélien ayant fait ses études au Technion de Haïfa, qui n’ont aucune idée de ce qu’est la discrimination positive permettant aux étudiants arabes israéliens d’entrer à l’université avec moins de points que les juifs…).

 

“Les antisionistes étaient, et sont toujours, des anticolonialistes.”

 

Ah bon ? Les Iraniens qui occupent le Liban et la Syrie n’ont aucune vocation colonialiste ? Le sultan Erdogan n’a aucune volonté expansionniste ? Les légions arabes qui occupent le Kurdistan sont anti-colonialistes ? Il me semble plutôt que les antisionistes sont anti-colonialistes à deux vitesses. Quand il s’agit des européens, des américains ou des israéliens, ils sont farouchement anti-colonialistes. Pour les autres… ça dépend !

“Leur interdire de s’exprimer en prenant prétexte du fait que des racistes se servent de cette appellation pour camoufler leur antisémitisme, est absurde.”

Bon, au moins ils reconnaissent que l’antisionisme permet à certains de camoufler leur antisémitisme, c’est bien, c’est un début d’aveu.

“Monsieur le Président, nous tenons à ce que les Français juifs puissent rester en France,”

Merci de cette précision, importante. Non parce que, si on est contre le sionisme (donc le fait que les juifs puissent s’établir en Israël), il faut bien les mettre quelque part, les juifs ! Là, c’est rassurant, les signataires ne veulent pas tuer tous les juifs (ouf, j’ai eu peur), ni les faire retourner dans le pays de leurs grands-parents – Algérie, Tunisie, Maroc, Pologne, Russie, etc – (re-ouf !) mais on veut bien les garder. (Salomon, vous êtes juif ? Bon, ben je vous garde quand même…)

“qu’ils s’y sentent en sécurité,”

Vous préconisez par exemple qu’on mette des militaires devant les écoles juives et les synagogues pour qu’on se sente en sécurité ? Ou bien c’est juste du blabla ?

“et que leur liberté d’expression et de pensée y soit respectée dans sa pluralité.”

Pourquoi c’est pas le cas ? Encore un fantasme… Il y a des juifs de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, avec des opinions très diverses sur à peu près tous les sujets.

“L’ignominie des actes antisémites qui se multiplient ravive le traumatisme et l’effroi de la violence inouïe dont leurs parents ont eu à souffrir de la part d’un État français et d’une société française qui ont largement collaboré avec leurs bourreaux.”

Pourquoi parler de ce sujet maintenant ? Pour se dédouaner d’une culpabilité d’il y a plus de 70 ans ? Plutôt pour dire « nous on est des humanistes ! ». Au cas où on aurait toujours pas compris. Sinon, pour info, il est bon de rappeler qu’une grande proportion de nos parents et grands-parents vivaient hors de France à l’époque de Vichy. S’ils sont venus en France, c’est parce qu’ils ont été chassés des pays arabes. Juste pour mémoire, hein, je dis ça je dis rien.

“Nous attendons donc de vous que vous déployiez d’importants moyens d’éducation et que les auteurs de ces actes soient sévèrement punis.”

Prévention et répression en même temps. Si même des gens classés à l’extrême-gauche signent cette tribune où on demande une justice plus sévère… C’est bien, la société française évolue petit à petit…

 

“Mais nous ne voulons certainement pas que vous livriez les juifs de France et leur mémoire à l’extrême droite israélienne, comme vous le faites en affichant ostensiblement votre proximité avec le sinistre «Bibi» et ses amis français.”

 

C’est pas un peu violent et excessif comme expression « livrer les juifs de France et leur mémoire à l’extrême-droite israélienne » ? Ainsi donc le Président Macron livre les juifs de France et leur mémoire à l’extrême droite israélienne ? En dehors de la formule qui claque, c’est un peu abscons… J’ai comme l’impression qu’on veut juste dire que Macron est complice de l’extrême-droite israélienne. Ou à sa solde, comme vous préférez. Le « sinistre Bibi », comme ils l’appellent, est donc à l’extrême-droite en Israël ? On leur parle, ou pas de Bennet, Libermann, Feiglin et de tous les (nombreux) partis à droite de Bibi ? On leur dit que Bibi est démocratiquement élu depuis 20 ans dans la seule démocratie de la région ? J’aime bien aussi l’expression « et ses amis français » pour suggérer comme ça, l’air de rien, la supposée double allégeance des citoyens juifs.

“C’est pourquoi nous tenons à vous faire savoir que nous sommes antisionistes, ou que certains de nos meilleurs amis se déclarent comme tels.”

Moi je suis pas antisioniste mais j’ai un bon ami qui l’est. Ah OK…

“Nous éprouvons du respect et de l’admiration pour ces militants des droits humains et du droit international qui, en France, en Israël et partout dans le monde, luttent courageusement et dénoncent les exactions intolérables que les sionistes les plus acharnés font subir aux Palestiniens.”

Toujours le couplet sur l’humanisme, on a compris. Les exactions intolérables, bon c’est assez vague, mais on a compris l’idée. Les sionistes les plus acharnés, ça veut dire quoi ? Par exemple moi, qui habite en Israël, je suis un sioniste acharné ou modéré ou en dilettante ? Et on repart sur la rhétorique habituelle des ennemis d’Israël. Vous voyez ma bonne dame tout ce qu’ils font subir aux Palestiniens…

 

“Beaucoup de ces militants se disent antisionistes car le sionisme a prouvé que lorsque sa logique colonisatrice est poussée à l’extrême comme c’est le cas aujourd’hui, il n’est bon ni pour les juifs du monde, ni pour les Israéliens, ni pour les Palestiniens.”

 

Qu’est-ce qui est suggéré ici ? Que le sionisme apporte l’antisémitisme et la haine du juif ? Mais alors cela signifie que l’antisionisme et l’antisémitisme sont liés ? Aïe, c’est pas bon pour leur démonstration ça… Ou alors ça veut dire que si les juifs subissent l’antisémitisme, c’est à cause de leur sionisme acharné. Donc finalement, ils en sont un peu responsables. Donc c’est un peu de leur faute quoi ! Un classique de la phraséologie antisémite…

“Monsieur le président, nous sommes des citoyens français respectueux des lois de la République, mais si vous faites adopter une loi contre l’antisionisme, ou si vous adoptez officiellement une définition erronée de l’antisionisme qui permettrait de légiférer contre lui, sachez que nous enfreindrons cette loi inique par nos propos, par nos écrits, par nos œuvres artistiques et par nos actes de solidarité.”

On est respectueux des lois mais bon, si elles vont à l’encontre de nos idées, alors on ne les respecte pas. Mmmm… Si on respecte les lois, alors on n’appelle pas au boycott d’un pays par exemple, puisque c’est interdit par la législation française. C’est bien, je note.

“Et si vous tenez à nous poursuivre, à nous faire taire, ou même à nous embastiller pour cela, eh bien, vous pourrez venir nous chercher.”

Pour la liberté, non je ne me tairai point. C’est beau. J’ai envie de verser une larmichette. L’emploi du terme « embastiller » est intéressant car il suggère l’idée de résistants pour une noble cause, pour des idées, pour défendre le peuple, contre un roi despotique et tout puissant. « Vous pourrez venir nous chercher », oui enfin tout cela est quand même très exagéré. Qui aurait encore envie d’aller chercher Jean-Luc Godard, Elli Medeiros et Rony Brauman ?

 

Pierre Acher

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La tribune et la liste des 400 signataires :

https://www.dropbox.com/s/i9xyx5mfzpm3g9b/TribuneAntisionisme.pdf?dl=0
© photo de une : membres de la secte Netourei Karta manifestant sur l’esplanade du Trocadéro à Paris / DR
Article publié le 7 mars 2019. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop
 

2 Comments

  1. Le nombre de patronymes juifs parmi les 400 est effarant. La haine de soi théorisée par Lesing a encore de beaux jours devant elle.

  2. Le texte a tout de même le mérite de ne pas tourner autour du pot en arguant du « droit à critiquer la politique israelienne »
    Est antisioniste, dans ce texte, celui qui autrefois s’opposait à la création de l’Etat Juif et donc par effet de continuité celui qui aujourd’hui remet en cause son existence même.
    PS: Par contre mentionner la conquête de Canaan par Josuée pour réfuter juste après l’argument biblique du sionisme, voilà qui est un peu osé.

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