Pas un jour sans que je ne reçoive un mail m’appelant à «donner pour aider nos frères dans le besoin». Aide alimentaire, soutien scolaire, insertion des handicapés, prise en charge des malades d’Alzheimer, y a pas que les prix qui augmentent, y aussi les associations qui veulent te taper le porte-monnaie. Attention, loin de moi l’idée de jeter la pierre sur la plupart d’entre-elles, qui font un boulot formidable. C’est juste que dans le lot y en a certains qui se sont paumés en chemin.
Le mec qui vient d’Israël : il a un grand chapeau, des habits noirs, le regard baissé, la main dans la barbe. Son interprète-chauffeur-assistant traduit chacune de ses paroles, en te rappelant toutes les trente secondes que c’est une chance pour TOI de faire un don. Demander des détails et des photos sur le projet, c’est remettre en cause la probité de l’illustre orateur. À la fin de l’exposé, tu ne sais toujours pas si le mec en question est rabbin ou grand rabbin. Une seule certitude, c’est pour une yeshiva. En récupérant le chèque – «pas la peine de le libeller, merci» – on te promet un reçu CERFA avec l’aplomb et le sourire d’Evelyne Dhéliat qui annonce un 5 novembre très ensoleillé avec des températures bien au-dessus des normales saisonnières à Quimper.
Le mec qui improvise : il est à l’affût de tous les drames. À chaque fois, la voisine de la cousine de sa femme lui confirme l’histoire. Tu as dû l’enlever de ta liste d’amis Facebook car il te taguait sur toutes les chaînes de téhilims de France. Ce mec, c’est comme Roger Gicquel, selon la définition de Coluche «quand un avion s’écrase, c’est sur les pompes à Roger Gicquel». Sa dernière mission en date : aider une veuve avec 7 enfants sans travail et sans logement. Elle a décidé de faire écrire un Sefer Thora au nom de son défunt mari. Sur les 30 000 euros à réunir, il a déjà récolté 17 000 euros. Quand tu oses émettre des doutes sur la nécessité imminente de ce projet, il te traite d’ennemi du Am Israel.
Le mec qui fait doublon : un jour, à la synagogue, il a rencontré une femme qui n’avait pas de quoi acheter de la viande à chabbat, et a décidé de créer une association. En 24 heures, il a loué un local pour distribuer des repas, écrit les statuts de son association dont il est Président-fondateur et trésorier. 48 heures plus tard, il a fait le tour des magasins casher pour récupérer des denrées non périssables et trouver une trentaine de bénévoles. Pour récolter des fonds, il est en train d’organiser un concert avec Amir en vedette. Quand tu lui dis «Ça n’aurait pas été plus simple d’envoyer cette personne auprès d’organisations juives qui font la même chose depuis très longtemps ?», il répond : «Moi je ne peux pas fermer les yeux sur la misère !».
Le mec qui t’as pris pour un américain : il travaille pour une institution juive. Comme il a très peu de temps, il préfère dénigrer les autres associations plutôt que de t’expliquer l’action de la structure caritative pour laquelle il est mandaté. Il parle déduction et niche fiscale à la vitesse de la lumière. Pendant qu’il développe son argumentaire avec l’enthousiasme de François Rebsamen annonçant les chiffres du chômage, tu te demandes s’il est commissionné. Au bout de 30 minutes, tu finis par avouer, contrit, que tu n’es pas soumis à l’ISF. En voyant son agacement et sa déception, tu comprends que la réponse à la question que tu te posais est «oui, bien sûr ducon».
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
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Article publié le 15 mai 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop