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La culture queer chez les juifs

8 minutes de lecture

En écrivant ce titre « La culture queer chez les juifs », je me rends déjà compte que quelque chose cloche, ou en tout cas que la boulette de gefilte fish1 ne passe pas.

Né aux États-Unis dans les années 1980, le terme queer insulte plus qu’il ne valorise, il désigne une communauté homosexuelle et hors des normes. Puis comme toujours, le stigmate devient appropriation et enfin revendication. La comparaison a par ailleurs souvent été faite avec le terme « négritude », qui aujourd’hui est à nouveau utilisé par la communauté noire, parfois par allégeance et comme symbole de fierté. Ou quand je dis « vive les PD » uniquement parce que je le suis et que donc j’ai le droit.

En anglais, forcément il sonne bien mieux qu’en français, où on le traduit par altersexuel ou allosexuel – l’américanisation n’a plus de limite. La culture queer comprend toutes formes de sexualités, mais aussi de genres sans pour autant barrer la route aux féministes ou à qui que ce soit. Elle englobe toute la communauté LGBT (Lesbienne, Gay, Bi, Trans) et bien plus ! On trouve par ailleurs des hétérosexuels qui se considèrent comme membres de la communauté queer, tout comme il existe des hommes féministes.

Comme je ne suis pas venu vous faire un cours d’Histoire et que mon savoir queer se limite à Lady Gaga et aux paillettes, je préfère ne pas m’aventurer sur les terrains glissants de la connaissance afin de ne pas contrarier les dieux et déesses de l’arc-en-ciel. Plutôt que de prendre le risque de mal informer le lecteur, l’intéressé se tournera plutôt vers Google, les sites dédiés au sujet et les auteurs spécialistes de la question.

Mais là où mes doigts se crispent sur mon clavier, c’est lorsque le queer rencontre le judaïsme. Si un jour j’avais su que cela existerait, mon éducation judéo-chrétienne aurait sans doute été plus facile à vivre. Il en faut du temps à l’homosexuel pour sortir du carcan parental, laisser tomber sa kippa pour enfiler une paire d’escarpins assez haute pour faire tourner de l’œil la caissière du Cashbi de Neuilly.

Il faut dire que l’homosexualité ne rencontre que très rarement le judaïsme. C’est en tapant « juif et gay » sur Google que j’étais par hasard tombé sur Jewpop et un article hilarant de The SefWoman. Depuis, je suis amoureux du webmagazine et en suis devenu un lecteur régulier. Faut bien se soutenir entre juifs qui sortent du modèle bar/bat-mitzva – école privée religieuse puis fac de médecine – mariage avec Rachel Aboucaya – 3 enfants – maison à Deauville – vacances à TLV.

Mike Nichols The Birdcage JewPop

Dans la Torah, deux passages de Vayikra (Lévitique – troisième des cinq livres) condamnent l’homosexualité masculine. Il y est écrit que l’homme ne couchera pas avec un autre homme, comme il couche avec une femme. On peut difficilement faire plus clair. Le lesbianisme est moins clairement pointé du doigt dans les écrits religieux, bien que récemment plusieurs rabbins l’aient également défini comme une pratique « intrinsèquement répugnante »2.

La construction mentale de l’homme homosexuel dans une famille religieuse, ou du moins traditionnelle est quelque peu délicate. Gloire aux familles qui soutiennent leur progéniture à la seconde où elle fait son coming-out « parce mon chéri, je l’ai su depuis que je t’ai vu enfiler ta première paire de boucle d’oreille dans la salle de bains à 6 ans ». Pour d’autres, le parcours a été ou est toujours un peu plus complexe, et ce quelle que soit ta religion, ta classe sociale ou la couleur de tes cheveux.

Comment peux-tu passer ta soirée du jeudi soir sur Grindr à tenter de pêcher un joli garçon à inviter pour un verre puis une soirée câlins, et enchaîner avec Kippour le samedi suivant, sans te poser certaines questions existentielles qui remettent en jeu les fondements de ton éducation et de ce en quoi/qui tu crois. Le dédoublement de personnalité atteint une fois par an, ou plus selon que tu célèbres également Pessach, Roch Hachana et Pourim, des sommets inégalés.

Je ne pointerai pas ici le nombre de suicides chez les jeunes homosexuels, bien plus important que chez les hétérosexuels, mais je peux te garantir que l’adolescent juif et homosexuel de province s’est interrogé sur la parole de Dieu face à la problématique du suicide, lui aussi interdit, ou assour comme disaient mes compagnons de classe en 4ème B au lycée Yabné.

Si cet article ne répond pas à beaucoup de questions, il semblerait que l’écriture soit un exutoire bienvenu. Cette chronique est la première d’une série. Prochainement, je vous présenterai Abby Stein, la première femme transsexuelle de la communauté hassidique, devenue rabbin. Nous jouerons aussi à « connais-tu toutes les drag juives du monde ? » un nouveau format où tu ne gagnes que le droit de me lire davantage, mais où tu apprendras à porter ta kippa sous ta wig.

Catherine Pine O’Noir

1 Le gefilte fish est appelé « carpe farcie » en français, bien qu’il soit parfois préparé avec d’autres poissons plus nobles, du brochet ou du colin par exemple. C’est un plat emblématique de la cuisine ashkénaze. Il se présente sous la forme de grosses boulettes de poisson.
2Michael Kaufman, the woman in Jewish Law and Tradition. Northvale N.J. Jason Aaronson, 1993, p. 127-128

 
© photos : une : Zak Krevitt – The Passover Party / Mike Nichols – The Birdcage / DR

Article publié le 20 février 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop

 

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