C’est en lisant la page 146 du livre « Comment savoir si vous êtes juif » d’Alain Granat et Jonathan Demayo, en rigolant grâce au post Instagram de Joann Sfar avec des juifs déguisés en indiens dans la synagogue et en écoutant la chronique radio sur Arte radio « L’accent de ma mère », que j’ai eu envie de faire le tour des mots que mes parents – que vos parents aussi probablement, si vous êtes juifs séfarades – disent à la maison et que je m’empêche de dire dehors, même si parfois ils disent mieux les choses que leur version française.
Autrement dit, concrètement, le mot « smata » est aux originaires de Constantine ce que le mot « aware » est à Jean-Claude Van Damme : sans équivalent exact en français tant dans le sens que dans la sonorité qui renforce le sens.
Dire ces mots à l’extérieur serait comme se promener en pyjama, comme révéler une intimité un peu honteuse qu’on assume que chez soi, qu’entre soi. Et les entendre alors qu’on ne s’y attend pas, hors de chez soi, c’est retrouver instantanément une complicité, une chaleur, une connexion immédiate.
Ce serait dommage de laisser ces mots si précis pour exprimer une pensée, si chargés émotionnellement, enfouis, au risque de les perdre. Voici le top 3 de ces mots familiers classés par thématiques.
1 – Les mots pour dire l’affection
Nahbek bezef = je t’aime beaucoup
Kebde tcharé = mon cœur
Nhememe alek = je pense à toi
Shbeb = beau gosse (Exemple : Benedict Cumberbatch est shbeb.)
Larmiol = mon amour
Intié hakel = tu es gentil
Kbalalek = en sacrifice à ta place
Royèh = mon frère
Ci-dessous une bande-son avec une prononciation irréprochable.
2 – Les mots pour dire la non-affection
Smata = maniéré
Ma yé khala fé = comme il est lourd
Soued = sournois
Rolkowed = va te faire encadrer (Exemple : Léonard de Vinci dit à La Joconde : « Rolkowed. »)
Ma yé rol = comme il est turbulent
Imotche = qu’il crève
Até gzéla tekzoralé = qu’il lui arrive un malheur
Tlékha = la rouste
Meskine = quel simplet
Sem = il est mauvais (Exemple : Alain Soral est sem.)
Tchimnik = il se fout de notre gueule
Ci-dessous une bande-son avec une prononciation irréprochable.
3 – Les mots du quotidien
Ma ye bolt = comme il fait froid
Ma yé sem = comme il fait très froid
Tigdel = bazar
Hezreb = dépêche-toi
Taïèche = bon à jeter (Exemple : dans n’importe quelle phrase pendant le nettoyage de Pessah, surtout vers la fin quand on est sur les rotules)
Zbel = ordures (Exemple : « Les jouets Kinder, c’est zbel. »)
Assenèh = attends
Hechameltié meklè ? = qu’as-tu fait à manger ?
Hamètch kefta ouftièl = j’ai fait des boulettes avec du couscous
Ci-dessous une bande-son avec une prononciation irréprochable.
Voilà, amis séfarades, j’espère que vous vous serez reconnus dans cet article sous forme de méthode Assimil. Quant à vous, amis ashkénazes, j’espère que vous vous sentirez maintenant moins dépaysés la prochaine fois que vous vous égarerez en terrain séfarade. Et qui sait si la prochaine réforme de l’orthographe n’autorisera pas ces quelques mots de vocabulaire en milieu professionnel ? (et bientôt aussi des makrouds casher beth-din à la place des Kinder Bueno au distributeur).
Ingrid Zerbib
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Article publié le 9 février 2016. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop