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Coupe du monde de football et loi juive : les grandes questions

13 minutes de lecture

 
Comme tous les 4 ans, c’est parti pour un mois de folie footballistique ! Oui mais ce n’est pas pour autant qu’il faut en oublier la halakha, la loi juive. Pendant toute la compétition, de nombreuses questions halakhiques se posent. Notre reporter Pierre Acher a compilé les principaux commentaires du décisionnaire de la génération sur ces questions, le Rav Ikash Dhorasoo.
 

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La première question qui se pose : peut-on prier pour la réussite de l’équipe de France ?

 
Non seulement on peut mais, sachant que Lloris est dans les cages, on doit absolument prier pour qu’il y ait le moins de tirs cadrés adverses dans les buts français. Il existe une ségoula (1) qui consiste à invoquer plusieurs fois de suite les grands saints du football français. On répètera 3 fois, sans s’interrompre, Zidane-Platini-Tigana-Papin-Kopa-Bernard Diomède. Pourquoi Bernard Diomède ? Personne ne le sait vraiment, mais disons que c’est davantage une incantation kabbalistique qui produit des effets dont on ne soupçonne pas la puissance.
 

Comment se comporter dans le cas où l’équipe de France est sur le point de perdre ?

 
Sur ce sujet, il y a makhloket (2). Pour les Ashkénazim (3), on continuera de faire la gueule et de dire « c’est foutu ». Pour les Séfaradim, on pourra garder un peu d’optimisme et prier pour que Deschamps fasse sortir Giroud ou que Griezmann délivre une passe décisive à MBappé.
 

Si la situation est désespérée à 10 minutes du coup de sifflet final, comment procéder ?

 
Si l’équipe de France affronte l’Allemagne ou l’Espagne, c’est mort de chez mort. Vous devez au plus tôt rassembler 10 hommes et prononcer le kaddish (4).
Si l’équipe de France affronte le Brésil, le Portugal ou une autre nation majeure hormis celles citées précédemment, tout reste possible pourvu que le sélectionneur sorte Olivier Giroud.
Si l’équipe de France affronte une nation mineure (type Islande ou Australie) et qu’Olivier Giroud est sur le terrain, un exploit individuel reste possible. On gardera confiance même s’il est préférable de prier pour hâter l’entrée en jeu de Dembelé.
Pour les Ashkénazim, on pourra aussi écouter « A yiddishe mame » (5) en signe de tristesse.
 

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Dans le cas où l’équipe de France met une grosse branlée à son adversaire, peut-on réciter le Hallel  (6) ?

 
La plupart des Poskim (7) pensent qu’il n’y a pas lieu de le faire avant les 8èmes de finale. Lorsque, dans les phases de poules, l’adversaire est l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Italie ou l’Angleterre, alors certains Poskim autorisent la récitation du Hallel. Mais sans bénédiction (8). En revanche, à partir des demi-finales, tous les décisionnaires sont d’accord pour autoriser, avec bénédiction. À part, bien entendu, si vous chantez faux.
Pour les ashkénazim, on pourra aussi écouter « A yiddishe mame » en signe de joie.
 

Si Olivier Giroud réussit à marquer, doit-on réciter le Hallel ?

 
La question a été posée aux grands de la génération en 1998 par rapport à Stéphane Guivarc’h. Mais ce dernier n’ayant pas marqué, la question n’a jamais été tranchée. Mieux vaut dans ce cas s’adresser à une autorité compétente. Vous pourrez poser la question à votre rabbin s’il y a lieu.
 

Peut-on lire des téhilim (9), les psaumes du Roi David, et si oui, lesquels ?

 
En toutes circonstances, on pourra lire le psaume 150 ; il est très court et donc on ne loupera aucune action (y-manquerait-plus-que-ça !).
En cas de pénalty contre la France, on lira le psaume 121 (« Il ne dort ni ne sommeille le gardien d’Israël »).
En cas de blessure d’un joueur de l’équipe de France, on lira le psaume 20 (« Que l’Éternel t’exauce au jour de détresse »). Évidemment, si c’est Mendy ou Sidibé qui se blesse, on pourra accepter le jugement divin sans protester. « Gam zou lé tova », tout est pour le bien.
 

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Et les femmes, dans tout ça ?

 
Pendant cette période, les femmes seront à considérer comme « inexistantes, sans valeur et comme la poussière de la terre » (10) –elles seront invisibles à vos yeux. Il faudra éviter tout contact rapproché (excepté bien entendu la mitsva de l’intimité physique, essentielle pendant cette période de grand stress). Il conviendra de bannir toute discussion au sujet des enfants, du travail, des finances, de la box Internet ou de la belle-mère.
Si votre femme pose des questions au sujet de la règle du hors-jeu, c’est une grande perte de temps que d’expliquer. Certains décisionnaires permettent de répondre n’importe quoi, sachant que de toutes façons elle vous posera de nouveau la question au prochain match.
Si votre femme vous demande si le Real Madrid, le PSG ou l’équipe d’Italie vont jouer contre l’équipe de France, la plupart des décisionnaires autorisent son renvoi temporaire chez une copine ou chez ses parents.
 

Dernière question : comment se comporter si l’équipe de France parvient à se qualifier pour la finale ?

 
Celui qui veut être particulièrement « mah’mir » (11) pourra allumer une bougie pour demander à l’Éternel de favoriser les poumons de N’Golo Kanté ; les plus observants pourront prendre sur eux de s’abstenir de manger des pizzas ou boire de la bière afin de réclamer la clémence divine à chaque fois que Giroud va toucher un ballon.
Dans tous les cas, le jour de la finale sera considéré comme un jour béni et, à ce titre, deviendra immédiatement un Yom Tov (12). Les lois des jours de fête s’appliqueront alors, ce qui signifie que vous devrez vous abstenir d’allumer votre télé en ce jour sacré. Avouez que ce serait pas de chance quand même !
 
Pierre Acher
 
(1) Une ségoula est le fait d’accomplir un geste qui procure une certitude – ou un espoir – d’avoir une réponse favorable en retour. C’est le contraire du « mauvais œil ».
(2) La makhloket est une controverse talmudique. Pour faire simple (« sur un pied », comme on dit sur les terrains de foot), on confronte des avis en apparence contradictoire. Ensuite, un ou des décisionnaires tranchent et on en déduit la halakha, la loi juive, que chacun doit appliquer.
(3) La halakha s’est affinée au cours des siècles et peut parfois être légèrement différente pour les Ashkénazes, originaires d’Europe de l’Est, et les Sépharades, originaires des pays où on mange du couscous et des pois chiches.
(4) Le kaddish est une prière que l’on récite suite au décès d’une personne. Pour faire simple (mais comme souvent chez les Juifs, c’est quand même beaucoup plus compliqué que ça).
(5) « A yiddishe mame » est « La » chanson des juifs d’Europe de l’Est. Le « I will survive » des champions du monde 98, mais pour les Ashkénazes.
(6) Le Hallel est une prière de joie récitée à voix haute par toute la communauté lors des jours de fêtes en particulier. Un peu l’équivalent des chants des supporters du PSG quand l’OM est menée 2 à 0 au Parc des Princes.
(7) Les Poskim sont les grands décisionnaires qui « tranchent » et décident de l’application concrète de la loi juive.
(8) Le Hallel est parfois lu sans bénédiction, c’est-à-dire sans prononcer le nom de l’Éternel. Bon, c’est compliqué, je vais quand même pas vous expliquer tout en détail non plus. Vous avez Internet, vous avez Wikipedia, vous avez Torah-Box, alors démerdez-vous, je ne suis pas votre rabbin non plus.
(9) Les téhilim sont les psaumes du Roi David. Traditionnellement, on lit certains psaumes spécifiques dans des circonstances particulières (lorsqu’on prie pour un malade, pour une réussite, avant un jugement, pour prendre une bonne décision, etc…).
(10) Allusion au h’ametz (pain, gâteaux, pâtes, etc) que l’on détruit pendant la fête de Pessah ; si toutefois il reste des petits morceaux dans la maison, on les considère comme « de la poussière de la terre ».
(11) Un mah’mir est particulièrement strict, observant, sur un sujet précis.
(12) Un « Yom tov » est un jour de fête. Les lois qui s’appliquent pour ces jours sont assez proches des lois du shabbat, notamment l’interdiction d’utiliser l’électricité. Et donc, par extension, d’allumer la télé !
 
 
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© photo : Chabad.org / DR

Article publié le 17 juin 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2018 Jewpop
 
 

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