C’était l’oncle Gilou, c'était l’oncle Fanfan

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« C’était l’oncle Martin, c’était l’oncle Gaston. L’un aimait les Tommies, l’autre aimait les Teutons. Chacun pour ses amis, tous les deux ils sont morts. Moi qui n’aimait personne, eh bien je vis encore » Voilà un petit couplet de Brassens, extrait de Les Deux oncles, dont devraient bien s’inspirer nos joyeux mousquetaires du barreau que sont Maîtres Goldnadel et Szpiner.
 
Finalement, à eux deux et si on résume bien la situation, ils sont la preuve vivante qu’il existe un complot juif mondial, sinon comment expliquer différemment qu’un litige entre les héritiers de l’extrême droite fascisante profondément antisémite et les souteneurs de la barbarie islamiste, soit arbitré par deux avocats juifs. Enfin nos tontons à nous ne se sentent pas totalement à l’aise avec leur situation, puisqu’ils ressentent sans cesse le besoin d’expliquer à leurs fans, d’ordinaire bouche bée, l’ubuesque de la situation.
 
Tonton Fanfan d’abord. Ce petit bonhomme à la voix de stentor s’est fait une réputation d’acier dans les prétoires, il brille aussi autant qu’il peut dans les médias. Si on le retrouve dans quelques grands procès qui font l’actualité, il cultive une image d’ami des « hautes sphères » qui lui ferait presque croire un jour à un destin politique. Plus de place à droite ? Qu’à cela ne tienne, il sera à gauche en dépit de son propre bon sens, l’essentiel étant d’être quelque part, au milieu de quelque chose. Et pour y être, il s’y est mis les deux pieds dedans, quand touché par la grâce il prit la décision d’endosser les babouches des tyrans autocrates du Qatar. Ce banc de sable arrogant et prétentieux prétendant influer sur le monde avec le fruit de son racket aux hydrocarbures, méritait pour défendre son honneur sali une figure comme tonton Fanfan.
 
Il faut dire que maintenir propre l’honneur de ce potentat local n’est pas une mince affaire, lui qui oscille entre corruption active des institutions internationales et financement du terrorisme le plus vil. Alors à part Tonton Fanfan, quelques opportunistes et autres avocats vénaux, on ne se bousculait pas au portillon pour nettoyer les écuries d’Augias. Afin qu’il puisse conserver une once de dignité, j’éviterai d’essayer de comprendre les motivations de Tonton Fanfan dans cette sombre compromission, mais chacun pourra se faire son idée sur la question, surtout quand on connaît les notes d’honoraires particulièrement extravagantes que l’illustre client laisse chez deux honorables confrères de Tonton Fanfan, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy.
 
L’oncle Gilou, lui, a choisi l’autre camp, non pas celui des gentils, y en a pas dans cette histoire, mais celui des méchants. Méchants certes, mais français Môssieu ! L’oncle Gilou du passé a fait table rase, et a gommé avec les plumes de son ambition 1000 ans d’antisémitisme national, pour allouer de son propre chef un blanc-seing aux héritiers fédérateurs de toutes les obédiences antisémites que compte la droite française. Peu lui importe, à Tonton Gilou, que l’on retrouve au sein du FN des intégristes catholiques, des maurrassiens, des vichystes et même des miliciens, puisqu’il nous affirme que M. Philippot, son client, est un homme honorable, tout aussi honorable que le parti qu’il administre. Oui,  honorable, comme Déroulède, Laval ou Soral, ou comme les Jeunesses identitaires qui y adhèrent tous et qui il y a moins d’un an criaient « Mort aux juifs ! » dans les rues de Paris en plein jour.
 
Honorable, nous dit Tonton Gilou, qui nous explique que Florian Philippot n’approuve pas ces gens là, mais qui n’explique pas pourquoi on ne trouve toujours aucune trace d’une réaction les condamnant… Honorable le FN, dit tonton Gilou, même s’il est clairement raciste, antisémite et xénophobe, même s’il s’associe au Parlement européen avec des partis flamands nostalgiques du nazisme, même s’il est en pointe de tous les combats rétrogrades et réactionnaires sur les problèmes de société, et si l’homophobie et le sexisme y sont élevés au rang de religion, et qu’il faudra bien qu’un jour des psychanalystes se penchent sur ce comportement outrancier.
 
Alors bien sûr, chacun est libre de faire ce qu’il entend et de gérer sa carrière… Et son compte en banque comme il le souhaite, mais il serait judicieux que nos oncles arrêtent de prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages, ou en deux mots et en moins imagé : de nous prendre pour des cons. Non Tonton Gilou et Tonton Fanfan, un avocat n’est pas un médecin, et si le second a l’impériosité morale de soigner sans distinction de couleur, de religion ou d’idée, l’avocat, lui, a le droit et le devoir de choisir ses causes guidé par sa seule moralité. Non Tonton Gilou et Tonton Fanfan, confondre le principe qui énonce que tout un chacun a le droit à un avocat, avec l’obligation de défendre une cause à laquelle on n’adhère pas, n’est pas de la grandeur d’âme mais de l’escroquerie intellectuelle. Non Tonton Gilou et Tonton Fanfan, vos actions ne sont pas neutres, et vous qui avez su faire rappeler, à des occasions choisies, qui vous étiez et d’où vous veniez, ne pouvez aujourd’hui vous dédouaner de votre responsabilité vis-à-vis de la collectivité à laquelle vous vous êtes si souvent identifiée au gré de vos intérêts.
 
Enfin, chers oncles, rappelez-vous que les ennemis de mes ennemis ne sont pas obligatoirement mes amis, et que le principe de les laisser s’entredéchirer est tout aussi valable que l’argument fallacieux de hiérarchiser le danger qu’ils représentent pour les juifs, et de s’engager pour l’un ou l’autre. À vous voir persister dans la voie que vous avez choisie, j’ai bien peur que ce n’est pas seulement une grande part de votre crédibilité que vous abandonnerez, mais certainement aussi de ce qui fait l’homme : votre dignité.
« Chacun pour ses amis, tous les deux ils sont morts. Moi qui n’aimait personne, eh bien je vis encore »
 
Serge Salfati
Copyright photos :  DR

Article publié le 19 juin 2015. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2015 Jewpop

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