Dreams are my reality II

8 minutes de lecture

 

Depuis une semaine, j’enchaîne les cauchemars. Résultat : mes nuits sont aussi agitées qu’une équipe technique de Koh Lanta qui doit livrer les rushs à un juge d’instruction. Mon dernier mauvais rêve en date m’a laissée sonnée comme un survivant de la Shoah ruiné, coincé dans un ascenseur avec Aribert Heim et Bernard Madoff.

 

Comme à chacun de mes cauchemars, ça commence doucement avec une situation crédible. Là, c’est ma mère qui me  demande de l’accompagner quelque part. Dans mes cauchemars, l’entrée en scène de ma mère, c’est un postulat.

Moi : tu veux aller où ?

Ma mère : à la manif pour tous

Moi : quoi ? Toi tu vas marcher plus de 10 minutes sans qu’on ait profané un cimetière juif ? Ça m’étonne.

On a fini par faire un deal : je la dépose au début du cortège contre deux jokers «shabbat et jours de fête», qui me permettent de sécher les repas familiaux sans être obligée de justifier par un «je dîne avec Lara Fabian et Daft Punk, ils préparent un album de reprises de C. Jérôme».  Quand j’ai voulu sécher le deuxième seder de Pessah, j’ai tenté : «je crois que j’ai la maladie de Creutzfeldt-Jakob». Ce à quoi elle a répondu : «ben c’est pas grave si tu fréquentes un ashkénaze, t’es divorcée, tu sais on va pas faire la fine bouche».

Dans la voiture, ma mère me demande de faire un détour pour aller voir un ami. Nous voilà plantés dans le salon de Gilles Bernheim. Avachi sur son canapé en jogging trois bandes Adidas, une bière à la main, le Grand Rabbin ressemble à un mec amoureux largué après l’infidélité de trop.

Ma mère : Gilles, faut sortir un peu. Je vais à la manif pour tous. J’ai rendez-vous avec des catholiques. Viens avec moi, je les connais pas bien. Toi, tu sais leur parler.

Gilles Bernheim : pas envie…

Ma mère : t’as fait quoi aujourd’hui ?

Gilles Bernheim : j’ai déchiré des livres.

Ma mère : les tiens ?

Gilles Bernheim : non, ceux de Jean-François Lyotard. Enfin, c’est pareil…

Ma mère : tu as écrit un peu ?

Moi : si je peux me permettre, ça me paraît un peu prématuré.

Pendant que ma mère m’a fusillé du regard, Jérôme Cahuzac est entré dans la pièce. Lui aussi en jogging trois bandes, portant un tee-shirt «Désir d’avenir» troué, l’ancien ministre du Budget a roté en s’excusant : «c’est ma part d’ombre. Désolé». Pendant que Gilles Bernheim est parti se resservir une bière,  Cahuzac nous a coincé. «Vous pourriez pas me dépanner de 500 euros ? Chuis un peu juste en ce moment, mais je vous rembourse, je vous le jure les yeux dans les yeux».

Moi : pardon ?

Ma mère : le fait pas répéter. C’est déjà assez humiliant. Faut pas se moquer des malheureux, ça peut arriver à n’importe qui d’être dans le besoin.

Moi : faut arrêter de regarder «Scènes de ménage» pendant le 20h, tu reconnais pas Monsieur ?

Ma mère : tu aides Monsieur !

Moi : Nan !

Jérôme Cahuzac : Venant de vous les Juifs, ça ne m’étonne pas…

Moi : Pardon ?

Ma mère : faut passer chez Audika. Il a dit que les Juifs sont radins. Il a raison. Vous savez combien il a donné, mon cousin Camus, au petit pour la bar-mitsva, dites un chiffre ? 52 euros. 52, c’est péché ! Dépanne Monsieur, toi ! Ça t’apprendras. Hein, en 2005, dans ton entrée, j’ai mis une tsédaka pour aider une école juive à faire des travaux. Elle est restée vide, désésperément vide ! Comme l’école, d’ailleurs. Elle a fermé depuis.

Jérôme Cahuzac : c’est moche…

A ce moment là, Gilles Bernheim nous a demandé de le laisser : «je dois réviser mon agrégation». Avant de partir, ma mère lui a souhaité « bonne chance ». En le serrant dans ses bras, elle a cru bon de préciser : «vous savez ce qu’on dit de la philosophie… C’est comme la Pologne, marécageux et très souvent envahi par l’Allemagne. Passez l’agrégation d’Hébreu».

Gilles Bernheim : ça n’existe pas.

Ma mère : dites donc, je vous ai connu moins pointilleux. Allez mon fils,  beaucoup de courage ! J’ai demandé une berakha pour vous au rav Pinto. Je lui ai dit, c’est pour un très très très Grand Rabbin qui s’est fait pincer pour mensonge et qui a perdu son travail. J’ai pas donné ton nom mais il a trouvé tout de suite. Il est très fort ce Pinto. Très très fort.

 
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

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© photos : « Psycho », Janet Leigh, Alfred Hitchcock / DR
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4 Comments

  1. Comme d’hab, j’adore ta chronique, dis, étant fan de Lara Fabian, tu me gardes un exemplaire du futur CD de reprises hein?!

  2. Quand j’ai voulu sécher le deuxième seder de Pessah, j’ai tenté : «je crois que j’ai la maladie de Creutzfeldt-Jakob». Ce à quoi elle a répondu : «ben c’est pas grave si tu fréquentes un ashkénaze, t’es divorcée, tu sais on va pas faire la fine bouche».
    …excellente celle là

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