La quenelle de Belphégor

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«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», cette formulation en faux alexandrins, nous la devons à Lavoisier (Antoine Laurent de). Sous la Terreur, ces taquins de révolutionnaires, portés sans doute par la curiosité du néophyte, voulurent vérifier cela, et la silhouette élancée de notre grand chimiste en fut quelque peu transformée par une grosse guillotine mal affûtée. Peut-être le temps est-il venu de re-déplier cet aphorisme savant en l’appliquant au monde des idées.
 

 
A titre d’exemple analysons ce qui aujourd’hui se nomme la quenelle. De quoi est-ce donc la transmutation ? Tournons quelques pages des grimoires que les prophètes Josué puis Osée et leurs équipes ont pris soin de nous léguer il y a plus de 2700 ans. Ils commentent un événement lui-même rapporté par Moïse encore 500 ans plus tôt dans le récit biblique.
 
À l’âge de bronze supérieur (le bien nommé – vous allez tout de suite comprendre pourquoi), les hommes pratiquaient déjà leur quenelle anti-système. Érigée en religion d’État s’il vous plaît. Ça s’appelait le culte de Baal Peor – qui occidentalisera plus tard son nom en Belphégor. Rachi, vers l’an 1000, prit sa plus belle plume pour mettre par écrit ce qui se transmettait à mi-voix depuis ce triste dérapage. Il nous raconte le culte de Baal Peor en une leçon : il s’agissait de déféquer sur l’idole. De souiller la divinité. C’était ça, le culte. Plus anti-système, tu meurs. Nos ancêtres qui passaient par là – déjà hyper réceptifs aux modes et tendances nouvelles – se sont laissé tenter. Quoi de plus excitant effectivement que de conchier un système qui n’est pas vraiment le tien. En l’occurrence celui des belliqueux moabites.
 

 
Et bien justement, on a failli y rester. C’est une arnaque. Comme le dit le philosophe, «être anti, c’est être hanté». C’est s’abaisser, se rabaisser. L’idolâtrie, c’est ça, c’est devenir un peu un serpent qui se mord la queue, affalé à même le sol et qui va inévitablement mourir d’inanition le ventre pourtant plein, trop plein de lui-même.
Ce coup-ci bien sûr, c’est plus facile pour nous-autres, les cornus et fourchus juifs errants de service, de ne pas adhérer à cette mascarade rituelle, dans la mesure où l’idole sur laquelle les adulescents quenelliers de tout âge et de tout milieu s’humilient, c’est nous.
 

Quenelle, en yiddish קיין א-ל  « ken E.l », ça veut dire « D.ieu n’est pas »

 
Malgré tout, il y a du positif partout.
1- C’est beau d’être idolâtré
2- C’est beau de voir autant de gens exprimer leur soif de rituels, de culte, de spiritualité en quelque sorte. Même s’il faut faire un gros effort d’imagination pour qualifier Dieudonné de prophète.
3- C’est beau cette psychanalyse express de toute une société qui ne peut plus se cacher de ses antipathies refoulées. Et qui va pouvoir s’en défaire, s’en distancier ou s’en enorgueillir – peu importe d’ailleurs – mais qui en tous les cas va mieux vivre à présent.
4- C’est beau d’être les seuls à détecter un jeu de mot en yiddish qui annonce en fait la couleur depuis le début. Quenelle, en yiddish  קיין א-ל  «ken E.l», ça veut dire « D.ieu n’est pas ».
Quelque chose me dit que cette mode – à présent que le roi est nu – va vite passer. Alors, comme on dit dans la confection, rendez-vous pour la prochaine collection !
 
Mica Halber
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© photos : DR

Article publié le 23 janvier 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop

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