(Presque) Tout fout le camp

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La mort du Minitel, l’A.V.C de Sylvia Krystel, l’interprète d’Emmanuelle, la rupture entre Johnny Depp et Vanessa Paradis : la semaine écoulée n’a été qu’une succession de mauvaises nouvelles, qui ne sont que les symptômes d’un même et unique phénomène : tout fout le camp.

 

Je ne sais pas vous, mais moi, les choses qui durent me rassurent.  Dimanche soir, je passe en coup de vent chez mes parents avec Solal. Ma mère tente de convaincre mon père de partir 6 semaines en Israël alors qu’en fait, elle a acheté les billets avant Pessah. Elle se tient les reins avec ses mains et essaie de me faire culpabiliser sur le mode « je suis très fatiguée. Si je ne vais pas mieux, chacun fera les fêtes chez soi. Moi je peux plus, c’est trop de travail ». Je la regarde me débiter sa tirade comme chaque année, avec le même entrain que Vanessa Demouy à la 634ème représentation de « Boire, fumer et conduire vite ». Je souris en ouvrant le frigo pour me servir un verre de Coca light.

 

Elle : Rigole, rigole. Vous verrez bien.

Moi : On ne verra rien du tout. L’année dernière, quand je t’ai annoncé que je ne serai pas là pour Kippour, t’as été au commissariat pour ouvrir une enquête au service des « Recherches dans l’intérêt des familles ». Tous les ans, c’est le même sketch. On dirait Karine Sarfati, La pétasse qui était avec moi en Terminale B. A la fin de chaque contrôle, elle sanglotait dans le couloir en disant qu’elle avait tout raté, et le jour où le prof rendait les copies, elle avait 14. Ça sert à rien tout ça, puisqu’on sait toi et moi que tu vas y arriver et que ton invitation à Rosh Hashana, c’est comme feu les « trois jours » de l’armée, c’est une réquisition. Mais je te fais pas de reproches, au contraire, j’aime l’idée que les années passent et que rien ne change. Woody Allen dit « la tradition c’est l’illusion de la permanence ». Et ben moi ça me plait de me dire que Papa récite la même prière au même moment et de la même façon que son père, son arrière-grand-père et son arrière-arrière-grand-père. Enfin sauf que là on est assis à table et pas par terre.
 

Elle : Ben moi je voudrais que certaines choses changent. J’ai quelqu’un pour toi.

« Me caser », c’est un peu le Point Godwin de ma mère. Tu peux parler de n’importe quoi, elle finira toujours par revenir à ce même et unique sujet.

Moi : Bon allez, j’y vais.

Elle : Vous irez très bien ensemble.

Moi : Ah bon, alors attend, je sais ce que tu vas me dire, il est très gentil, travailleur. Il est serveur à la pizzeria. Non, il s’occupe des livraisons chez Cash Casher.

Elle : Il est professeur.

Moi : … de Kodech (ndlr : équivalent du catéchisme chez les juifs)

Elle : Et alors, il est professeur.

Moi : Ouais, il est apprenti-rabbin….

Elle : Pense au petit, il a besoin d’un père !

Moi : Mais il en a un. Je ne suis pas veuve, je suis divorcée.

Elle : …

Moi : Tu  ne lui as pas dit que j’étais veuve quand même ?

Elle : Peu importe. Le mendiant en bas de la rue, sur sa pancarte, il raconte pas sa vie, il explique pas qu’on lui a offert un croissant ce matin et qu’il dort dans sa voiture. Il écrit juste « j’ai faim ». J’ai juste été à l’essentiel.

Moi : Bon là je vais vraiment y aller.

 

Sur le chemin du retour, bloquée dans les bouchons, je regarde Solal dans le rétro. Je me demande bien ce qui se passe dans sa tête de petit garçon de 6 ans. Moi enfant, je voulais kidnapper les nazis réfugiés en Amérique du Sud pour les amener en Israël. Après, comme Sophie Marceau dans Pour Sacha, je voulais m’installer dans un kibboutz. Je me demandais où étaient passés mes rêves d’enfant.

Sur mon portable, la petite enveloppe « texto » clignote. C’est ma mère : « il s’appelle Mordechaï. 06 11 .. .. .. C’est celui qui a le plus besoin qui appelle. Il attend donc ton coup de fil ».

Alors voilà, tout peut foutre le camp :

  • DSK et Anne Sinclair peuvent officiellement divorcer

  • Patrick Bruel peut décrocher le César du meilleur acteur

  • Jean-François Copé et François Fillon peuvent devenir les meilleurs copains du monde

  • Les israéliens et les palestiniens peuvent signer un nouvel accord de paix

Je sais aujourd’hui que rien ne changera vraiment tant que ma mère ne me verra pas casée. Et comme tous les grands athlètes qui maîtrisent  totalement leur discipline et qui se lancent sans cesse de nouveaux défis, je suis certaine que si un jour je me remarie, sous la houpa, j’aurai à peine le temps de me réjouir et de souffler qu’elle m’arrangera ma robe en me soufflant dans l’oreille « faut faire un enfant vite … à ton âge … y’a pas une minute à perdre… Et puis le petit, il a besoin de frères et soeurs ».

The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

 
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