En moins de 80 pages, Olivier Benyahya réussit, avec son premier roman « Zimmer » (Editions Allia), un véritable tour de force littéraire et politique. Par la voix de son héros Bernard Zimmer, juif parisien de 84 ans rescapé d’Auschwitz, devenu serial-killer d’Arabes, de Noirs et de Juifs (de gauche !), Benyahya nous entraîne dans un monologue terrifiant et drôle à la fois, dont on ne sort pas indemne.
Dans un style concis et brillant, avec férocité et un humour grinçant, l’auteur se joue de tous les poncifs sur le racisme, l’antisionisme, l’immigration, la Shoah, les violences sociales et communautaires, les Palestiniens et les Israéliens, Dieudonné… délivrant un message d’un pessimisme absolu.
« Zimmer », écrit au moment des émeutes urbaines de 2005, alors que des synagogues brûlent en banlieue et que l’on entend hurler « Mort aux Juifs ! » lors de manifestations contre l’intervention américaine en Irak, met à nu avec acuité le phénomène récent de libéralisation de la parole raciste et de la banalisation de l’Histoire.
Jewpop a demandé à Olivier Benyahya (photo) s’il ne craignait pas de violentes réactions à la lecture de son texte : « Pour ce qui est des différentes réceptions possibles du livre, je dois vous avouer qu’il m’est difficile de répondre. Peut-être parce que j’ai le sentiment d’être très clair dans mon rapport à ce texte: je souhaitais écrire un livre triste parce que c’était, et c’est encore la merde, et que les mots ont été vidés de leur sens par les gens qui construisent le regard des masses (juives ou pas) » déclare l’auteur.
Il ajoute : « La figure du narrateur, l’agressivité, les références, la construction, tout cela s’est presque imposé. C’était à mes yeux la seule manière, à la fois nécessaire et décente, d’être fidèle à la colère. Je ne me serai jamais autorisé une simple provocation littéraire. Et je crois que ma préoccupation la plus sérieuse était de sortir le texte de toute temporalité trop marquée, en dépit de son ancrage dans une période donnée. Je voulais que le livre, dans cinq ou trente ans, conserve une étrangeté qui ne soit pas de surface. Et, tout en écrivant un livre résolument français, y introduire une liberté de ton plus propre à une certaine culture juive américaine« . Pari réussi pour Benyahya, qui signe avec ce premier roman une oeuvre empreinte de modernité, puissante et dérangeante, digne de celles d’un Edgar Hilsenrath.
Parmi les quelques 700 ouvrages qui débarquent sur les tables de libraires en cette rentrée littéraire, plutôt que de porter votre choix sur la dernière daube d’Abécassine, jewpop vous conseille de lire (et relire plusieurs fois) « Zimmer » de toute urgence ! Le plaisir de découvrir un auteur de ce (gros) calibre est rare.
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Lire la chronique de « Zimmer » publiée dans Le Monde
Lire la chronique de « Zimmer » publiée dans Télérama
L’immense comédien Maurice Garrel a joué « Zimmer » pour quelques lectures au Petit Théâtre des Mathurins, en mai 2009. On peut trouver sur YouTube un court extrait de son travail sur le texte :
Acheté après avoir lu la critique dans Telerama : énorme claque !!!! Excellente, votre chronique, c'est un livre qui va effectivement choquer beaucoup de monde et qui pose de vraies questions.
Pas mal, pour un jeune auteur, d'avoir pour son 1er livre les honneurs de Telerama, du Monde et de… Jewpop 😉 je suis de près tous vos conseils littéraires, je ne manquerai pas celui-là! Et vous m'avez bien fait rire avec "abecassine" lol Marre de lire dans Elle de bonnes critiques de ses bouquins minables, bravo et chana tova !
Je ne savais pas que le texte avait été joué sur scène, mais en le lisant cela me semblait une évidence. Je viens de lire ce livre d'une traite (OK ce n'est pas difficile)et je crois n'avoir jamais rien éprouvé de tel.