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10 bonnes façons de (ne pas) demander pardon

16 minutes de lecture

 

Kippour approche, et parce qu’on ne veut pas faire ça à la va-vite, on commence dès maintenant. Parce que le pardon, c’est comme l’amour. Quand c’est mal fait, c’est nul.

J’ai toujours été fascinée de voir comment, à Kippour, nous sommes capables de nous marteler la poitrine pendant littéralement des heures pour se faire pardonner des fautes que souvent nous n’avons pas commises – et dont souvent, nous ne savons même pas ce qu’elles veulent dire – et comment en même temps, dans la plupart des cas, on dirait que ça nous arrache la gueule de demander pardon quand on a fait une connerie. Et c’est ancré profond : ça commence avec Adam et sa femme… La plus vieille phrase de l’humanité, c’est quand même : « c’est pas moi ! ». Tout se passe comme s’il y avait, dans l’aveu d’une faute, le risque insupportable de celui de notre faillibilité humaine. Une honte dont on ne saurait se relever. Et pourtant, le pardon, c’est ça qui guérit ; c’est ça qui apaise ; c’est ça qui répare. (Non, ce n’est pas une pub de crème solaire). C’est ça qui nous rend humbles et qui nous grandit. Mais c’est un art. Alors pour ne pas rater ton grand pardon, voici 10 bonnes façons de (ne pas) demander pardon.

<Johnny Cash

1 – Ne pas toujours demander pardon pour tout

Je sais, je viens juste de dire le contraire. Mais le truc, c’est qu’il faut comprendre le pardon : on demande pardon pour soulager l’autre, pas pour se soulager la conscience. Donc exploser en pleurs et dire « chéri(e), je voulais te demander pardon, parce qu’en 98, j’ai fricoté avec le DJ de l’île de Ré », pas une bonne idée. Ça va juste foutre les boules à votre conjoint(e), qui n’avait rien à vous pardonner parce qu’il-elle ne savait pas. Et ça risque de briser la confiance à long terme. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Demander pardon, ce n’est pas vomir sa culpabilité pour que l’autre la porte un peu. Des fois, il vaut mieux l’assumer, fermer sa gueule, et aller de l’avant #FermeTaG…

Pardon

2 – Ne pas demander pardon trop vite

Essaie un peu d’aller demander pardon à quelqu’un qui est encore blessé. ça m’est arrivé il y a pas si longtemps avec une copine. Maman, ce que j’ai pas fait. Elle s’en est donné à cœur joie de me défoncer. Du coup je me suis vexée. Du coup c’était moyen productif. Fausse bonne idée. Moralité, c’est pas moi qui le dit, c’est le Talmud : Demander pardon à quelqu’un en colère, c’est venir s’offrir aux coups, et donner l’occasion à l’autre de mal se comporter, et après il faudra qu’il demande pardon aussi. Donc ça ne sert à rien. Le courage, parfois, c’est d’attendre un peu #FTGn°2.

3 – Ne pas demander pardon

Si. Parce que les trucs comme : « Je voulais te demander pardon parce que je sais que maman (ou papa) m’a toujours préféré », ou « parce que j’ai eu cette promotion et pas toi » ou « parce que je t’ai quitté », en général, ça fera moyen plaisir. Déjà on vous a rien demandé. Ensuite, peut-être que ce serait pas mal d’examiner votre propres intentions : culpabilité ? Sentiment de supériorité déguisée ? Encore une fois, le but du pardon étant de faire que l’autre se sente mieux, mieux vaut bien réfléchir. Et, pour la troisième fois, savoir fermer sa gueule si ça semble plus indiqué (ma grande leçon de l’année, perso) #FTGmaisgrave.

Le batard

4 – Demander pardon

« J’ai été con(ne) ». Mais sans demander pardon. Ça, ce n’est pas demander pardon, c’est se juger soi-même. Et c’est souvent utilisé comme une super feinte, pour, en fait, ne pas demander pardon. Je le sais, j’ai une copine qui m’a fait ça y a pas longtemps. Sauf que l’autre n’a pas besoin que tu t’assoies dans la chaise du juge à sa place. Ce qui répare, c’est pas que tu te fouettes. C’est que tu me montre que tu as pensé à moi, et que pour de vrai, tu es désolé de ce que j’ai pu ressentir. Comme diraient mes cousins américains: forgiveness, it’s not about you and your guilt ; it’s about the other and their pain. (j’ai pas de cousins américains, je viens de le trouver, mais je trouvais que ça sonnait mieux en anglais) #hearttonprochaincommetoimême.

5 – Demander pardon inconditionnellement

« Je voulais te demander pardon, mais … » Alors là, on va s’arrêter tout de suite : dès qu’il y a un « mais », on n’est pas en train de demander pardon. On est encore en train de feinter, voire de tenter de mettre la faute sur l’autre (esquive n°2). Bien sûr, dans un conflit, chacun a son truc. Mais justement, c’est la responsabilité de chacun de demander pardon pour sa part. « C’est pas ma faute », ça marche quand c’est Alizée qui le chante en mini-jupe. Sinon, ça fait pitié #pasd’excuses.

Ouille

6 – Réparer

Les préjudices, c’est pas juste « oups ! désolé ! ». Ça se répare. Et quand je dis ça se répare, c’est pas seulement que tu vas racheter à Tata Rose un nouveau cygne en cristal. C’est que tu lui montres, comme on dit en anglais, that you care. C’est voir comment tu peux faire en sorte que l’autre se sente mieux. Et ça demande pas toujours de l’argent (si). La réparation, dans la réparation, c’est aussi symbolique que matériel. Un pardon sans proposition de réparation, c’est que de la gueule #loidutalion #ancêtredelaresponsabilitécivile #torahrocks

Mère juive

7 – Toujours demander pardon à ses parents

Non, ma mère ne m’a pas payée pour que j’inclue ce point. Mais c’est vrai. Eux, ils ne changeront pas. Nous, on a plus de marge. Et on leur doit la vie – et souvent les couches, l’école, et souvent, le couscous du vendredi (trop, de couscous). Ils sont chiants ? Big news. À nous d’apprendre à mettre nos limites. Mais nous, on leur doit le respect. Donc si nous on se comporte mal, on doit leur demander pardon. Juste pour qu’ils aient les boules parce qu’on est irréprochables #Respect.

8 – Se pardonner soi-même

Parce que sinon, qui d’autre ? Même si l’autre ne nous pardonne pas. On n’est pas dieu. On est faillibles. Donc en vrai, se pardonner, c’est montrer de l’humilité. De toutes façons la culpabilité n’a jamais aidé à changer. Mais attention, faut faire tshouva, hein ! (traduction : faire tshouva ça ne veut pas dire devenir Loubavitch ; ça veut dire ne plus refaire la même erreur. Donc oui tu peux faire tshouva et continuer à porter des jeans moulants). Bref : l’important, (là encore c’est le Talmud qui le dit), c’est d’avoir demandé pardon sincèrement (trois fois même) et d’avoir proposé de réparer. Après, la décision de l’autre n’est pas entre tes mains… #loveyourfellowasyourselfstartswithselflove.

Pardon Jesus Juif

9 – Pardonner

Parce que sinon, c’est comme vivre avec un goût de vomi en permanence dans la bouche, et c’est moyen. Ça pue. Et ça n’aide pas à avancer. Demandez à Eva Moses Korr, une survivante d’Auschwitz, un des enfants soumis aux expérimentations de Joseph Mengele. Un documentaire sur sa vie est intitulé « Je pardonne au docteur Mengele ». Pas parce qu’elle est sous LSD. Mais parce qu’elle a compris que là est la clé de sa libération. Même si lui, ne demandera jamais pardon. Sa libération du statut de victime n’est pas en lui. Elle est en elle #freeeeeeeedom.

10 – Donner la possibilité à l’autre de nous demander pardon

En lui disant qu’on a été heurté. Parce que parfois, on se vexe à mort pour quelque chose, et l’autre n’a aucune idée de quoi il s’agit. Et (encore une fois c’est pas moi qui le dit, c’est le Talmud)  la vraie procédure de la tshouva et du pardon est la suivante : ce n’est pas celui qui pense avoir fauté qui va voir l’autre (notamment à cause des points 1 à 3 susmentionnés), c’est celui qui se sent heurté qui va donner l’opportunité à l’autre de demander pardon. Mais attention, hein, pas de vomi de rancœur non plus. Chacun est responsable de ce qu’il ressent, indépendamment de l’autre. Donc en donnant à l’autre la possibilité de nous demander pardon, on lui donne une chance de s’alléger #deal.

Le grand pardon carte postale Jewpop

Bref. Ben oui j’avais dit 10, mais c’est 11. Je suis Ahské : on en ressert toujours. Donc tu vois, le pardon, c’est délicat. C’est comme l’amour. Il faut trouver le moment propice. Il faut viser juste. Si tu hésites, suis mon conseil : en général, le bon choix, c’est toujours l’option qui te fait le plus chier (genre te taire quand tu as envie de parler, et parler quand tu as envie de te taire). C’est devenu ma règle d’or. Mais le pardon, c’est important parce que c’est ça qui fait de toi un vrai Mentsch. Parce qu’il faut arrêter avec la religion de Tartuffe. Si tu gardes shabbat et que tu manges casher et que tu touches pas ta femme pendant niddah, mais que tu en est encore à dire « c’est pas moi ! » quand tu as fait une connerie, quand tu traites mal tes employés, quand tu parles mal à ta famille, quand tu magouilles, quand tu trahis ta parole… Alors tu es complètement passé à côté de la tshouva. Et là encore, c’est pas moi qui le dit, c’est Levinas : le judaïsme comme « religion éthique1 », où la relation verticale (à dieu) s’incarne dans la relation horizontale (de l’homme à l’homme).

Le pardon, en quelque sorte, c’est la liberté « par » le « don » : la parole par laquelle on se donne à soi, en donnant à l’autre, le soulagement, le don de la rédemption. Qu’on se le dise.

Mira Neshama

1 Difficile liberté.

© photos et visuels : DR 
Article publié le 14 septembre 2018, tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
 
 

3 Comments

  1. Sans en avoir au sens consistorial, c’est de cette manière que je vis une forme de judéité depuis 15 ans. Bel article !

  2. J’en connais deux ou trois comme ça. Ils doivent faire yom kippour comme on va chez le dentiste se faire un blanchiment. Pour recommencer exactement les même saloperies à la seconde où ils quittent la synagogue. « J’ai beaucoup à me faire pardonner » : tu m’étonnes, on ne devrait en toute logique pas te revoir avant quelques semaines, alors qu’est-ce que tu fais là ? Et tu crois vraiment t’en sortir en te défaussant sur ton ami imaginaire ?

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