Dimanche 10 novembre s’est tenue la “marche contre l’islamophobie” à Paris. Un rassemblement controversé dont on ne retiendra finalement que des images et paroles polémiques, amplifiées par des “mises au point” alambiquées et pathétiques.
La petite fille à l’étoile jaune
Il suffit parfois d’une seule photo pour réduire à néant un discours, aussi légitime et sincère soit-il. Le cliché pris par l’historien et philosophe du judaïsme Jean-Christophe Attias de son épouse, la sénatrice EELV Esther Benbassa, aux côtés d’une famille de manifestants portant un sticker figurant un croissant et une étoile jaune au sein de laquelle est inscrite le mot “Muslim”, a fait le tour des réseaux sociaux, provoquant à juste titre une série de réactions indignées. La sénatrice, tout comme son époux, se sont justifiés en expliquant avoir d’abord refusé cet autocollant : «Un monsieur âgé, sur un trottoir, nous a bien proposé ce désormais fameux autocollant. Une étoile à cinq branches, un croissant, le mot « Muslim » (je rappelle que l’étoile jaune portée par les juifs pendant les années noires comptait six branches). Nous avons décliné l’offre. Outre que nous ne sommes pas musulmans, l’idée de cet autocollant ne nous a pas paru très bonne, indépendamment de l’intention qui avait présidé à sa confection qui, elle, l’était peut-être. Et nous n’y avons plus prêté attention. Lorsque cette famille s’est avancée, elle nous a touchés, et ce que nous avons seulement vu, ce sont les drapeaux tricolores. Le reste, les insignes, sur la veste de la petite fille comme sur celle de tous les autres (ce que personne ne semble avoir noté, d’autant que dans plus d’un média la photo a été coupée et recadrée), nous ne l’avons pas remarqué.» écrit Jean-Christophe Attias sur sa page Facebook.
Nous n’insisterons pas sur le fait qu’il est difficile de ne pas remarquer ces “autocollants” portés par cette famille mais soit, présumons d’une certaine bonne foi de la part de l’auteur de la photo et de la sénatrice, plutôt que l’adage “il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir”. Là où ces justifications deviennent grotesques, c’est lorsque l’argument du nombre de branches de l’étoile est invoqué pour vider de son sens une telle représentation. Ce détournement de symbole, comme le note dans Le Monde l’historien Emmanuel Debono, spécialiste des racismes et antiracismes dans la France contemporaine, relève tout simplement d’une imposture. «L’objection selon laquelle l’étoile arborée par des participants à la manifestation du 10 novembre « contre l’islamophobie » n’aurait que cinq branches fait le jeu du relativisme en choisissant l’interprétation littérale : pour que le symbole soit critiquable, il eut fallu une reproduction graphique à l’identique de la mesure infâme imposée aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale… Certains codes graphiques ont pourtant acquis avec l’Histoire un statut qui interdit les usages et mésusages. Que des politiques et des universitaires puissent cautionner l’amalgame sans rougir doit faire réfléchir : l’ère de post-vérité dans laquelle nous paraissons si souvent flotter est propice aux manipulations les plus éhontées de l’Histoire et à des procédés qui, eux, font effectivement le lit des dictatures. Les étoiles fantaisistes de 1942 témoignaient d’une solidarité forte et courageuse. Celles de 2019 relèvent de l’imposture et d’une volonté de substitution et de surenchère dans la souffrance qu’il faut refuser.» écrit l’historien.
Les très nombreuses personnes choquées par ce dévoiement de l’Histoire, qui plus est subi involontairement par une enfant dont la photo circule désormais sur les réseaux sociaux, témoignent de la violence qu’une telle image produit, mais surtout de l’indignité que véhicule un tel symbole.
Palestine, mère de toutes les luttes contre la haine des Musulmans en France
Les drapeaux palestiniens sont-ils inévitables au sein d’une manifestation censée lutter contre la haine envers les Musulmans de France ? La réponse est oui. Si tu as la haine envers les Musulmans de France, c’est que tu détestes aussi les Palestiniens, cela va de soi. Les importateurs de conflit ont toujours le vent en poupe, pas question de laisser le business décliner, surtout quand les clients sont nombreux le dimanche. Vous nous rétorquerez “mais c’est quoi le rapport entre les Palestiniens et le racisme anti-musulmans de France ?”. On cherche encore… Le drapeau a bien servi un moment à cacher les seins qu’on ne saurait voir d’une militante Femen. Un autre symbole fort…
Les Musulmans d’aujourd’hui sont les Juifs d’hier, CQFD
C’est l’antienne déclamée avec force sanglots dans la voix par ceux qui craignent une future politique d’extermination des Musulmans d’Europe. Vous avez dit concurrence victimaire ? On y ajoutera une bonne dose d’inculture crasse.
Ces militants de l’islam politique qui prêchent la bonne parole
L’ineffable ex-directeur du CCIF Marwan Muhammad a eu la bonne idée de faire entonner “Allahu Akbar” à la foule de manifestants. Les images ont tourné en boucle, le RN en rêvait, Marwan l’a fait. Expliquant ensuite en avoir « marre que des médias fassent passer cette expression religieuse pour une déclaration de guerre». On voit venir avec délectation l’argument des “médias” source de tous les maux des Musulmans de France, notre ex-directeur du CCIF omettant de préciser que ce sont les terroristes islamistes qui ont dévoyé « Allahu akbar» en scandant leurs meurtres de ces mots. Vous avez dit mauvaise foi (sans jeu de mot) ?
Autre figure de l’islam politique et l’une des “chevilles ouvrières” de cette manifestation, Madjid “Falastine” Messaoudene, élu au conseil municipal de Saint-Denis et “délégué à l’égalité des droits et à la lutte contre les discriminations”, qui s’était illustré en 2012 sur les réseaux sociaux en publiant une longue série de tweets ironisant sur l’assassinat des enfants juifs de l’école Ozar Hatorah de Toulouse par le terroriste islamiste Mohammed Merah. « Le présumé tueur n’est pas resté casher très longtemps », écrivait-il quelques heures après le massacre, entre autres « blagues » que n’auraient pas reniées Dieudonné. Bonne pioche.
Réussir l’exploit de faire pire qu’une manif de soutien à Israël
13 500 participants pour cette “marche contre l’islamophobie”, c’est le décompte du cabinet de comptage indépendant Occurrence, mandaté par un collectif de médias dont France Info. Soit, si l’on se rapporte aux chiffres officieux de la population française de confession musulmane, environ moins d’1% de personnes de confession musulmane résidant à Paris et en périphérie auxquelles on ajoutera des sympathisants de toutes obédiences ( un sondage réalisé par l’Ifop pour l’Institut Montaigne évaluant le nombre de Français de confession musulmane entre 3 et 4 millions, tous âges confondus, dont seulement 5% iraient à la mosquée tous les jours, plus de 31% d’entre eux ayant déclaré ne jamais y aller).
En gros, pire encore, proportionnellement – comme quoi tout est possible – que les quelque 1000 à 2000 personnes que l’on retrouvait aux dernières manifestations de soutien à Israël à Paris… Pas de quoi se taper le ventre de satisfaction côté organisateurs. Le CCIF est en fait aussi performant que le CRIF pour ce type d’exercice, ce qui finalement est plutôt une nouvelle réjouissante au regard de l’influence réelle de l’organisation proche des Frères musulmans, et de ses capacités à mobiliser.
Enfin, félicitons la sénatrice EELV Esther Benbassa et ses camarades proches du CCIF, qui ont réussi ce coup de maître de torpiller – à l’insu de leur plein gré – cette manifestation. La “fachosphère” et autres “laïcards radicaux” n’auraient pu imaginer meilleurs alliés. Même Meyer Habib ne peut rivaliser avec leur génie de la communication.
Alain Granat
Directeur de la publication de Jewpop
© photos : copies d’écran Twitter / DR
Article publié le 11 novembre 2019. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop
Je pense que l’étoile jaune est entrée dans le plan symbolique. Je fais partie de la génération qui a vécu le basculement du déni officiel à la reconnaissance tardive de la responsabilité de l’Etat français dans la Shoa.
20 ans plus tard, ce symbole dit une certaine forme de domination tout autant que le destin d’une communauté. Si le cynisme réducteur de l’agit-prop doit condamner la cause qu’elle sert, toutes les causes, dont celle de la Shoa, sont mortes. La moindre chroniqueuse télé qui sert la soupe a son service d’agit-prop, qui la mettra en scène en causette larmoyante « se battant pour manger parce qu’elle allait chez Lidl quand elle était étudiante ».
Un historien de l’armée ayant apparemment désormais son rond de serviette sur les plateaux a entrepris de relativiser la responsabilité française dans la déportation des Juifs d’Europe en biaisant l’approche comptable des recensements par pays. Silence radio, ça passe comme une lettre de dénonciation à la poste de la rue Lauriston.
En revanche, grands cris d’orfraie quand une partie d’une autre communauté s’empare d’un symbole symbolique totalement lessivé par les intérêts des uns et des autres, le cirque mémoriel, les bonnes fortunes culturelles et la logorrhée audiovisuelle en général.
Pour mémoire : le seul opposant à l’actuel pouvoir en place n’est-il pas ce parti historiquement fondé sur le jugement et le rejet particulièrement radical des musulmans arabo-maghrébins ?
C’est important la mémoire.