« Nos mains n’ont point répandu ce sang-là, et nos yeux ne l’ont point vu se répandre. » (Deutéronome/Devarim chap.21, v.7). La Torah nous enjoint, entre autres dans le livre du Lévitique (19:16) et dans le Deutéronome (22:8) de ne pas verser le sang d’autrui.
La Mishna (la Loi orale), à propos du respect de Yom Kippour, le Shabbat des Shabbat, et de la casherout (règles, permissions et prohibitions alimentaires) nous explique que pour sauver une vie, il est permis de les transgresser (Yoma, 8:5-7). Dans ce prolongement, le Talmud (compilation de la Mishna et de la Guemara, commentée et explicitée par nos Sages par la suite) revient sur ce principe fondamentalement supérieur, puisqu’il écrase les autres (Talmud Bavli (T.B.), traité Yoma page 85a) et nous enjoint de vivre pour pratiquer les mitzvoth (commandements divins) et non de mourir pour elles [mitzvah est au féminin]. D’autres textes (T.B. Yoma 35b et 84b, T.B Sanhedrin 37a 13, 74a et 74b) abondent dans ce sens et autorisent à transgresser une » mitzvah lo taaseh » (interdiction). Maïmonide a également abordé cette question dans son Mishneh Torah 11:4.
Il est étrange, alors que se posent des questions de halakha (la Loi juive en application de la Torah) urgentes concernant la maladie et les malades, la vie et la mort, et avec l’approche de Pessah et les questions fondamentales inhérentes à son application face à la terrible situation que nous vivons, que nos rabbins aient choisi de statuer sur le sujet de la femme, et particulièrement leur impureté suite aux menstrues ou à un accouchement.
Mais c’est tout leur mérite de reconnaître, par cette urgente préoccupation qui honore le Consistoire – et partant, notre communauté dans sa globalité – en cette tragique période critique de pandémie, qu’elles sont pour moitié de l’humanité (bien que souvent peu visibles et peu audibles, mais pas de leur fait), et pour ne pas le dire, la centralité de la vie juive, puisqu’aujourd’hui, elle est – plus que jamais – centrée sur le foyer dont l’autel, plus que la table, semblerait être avant tout » la pureté familiale ».
Quand une gynécologue, se targuant d’être examinatrice de la pureté familiale, déclare qu’une femme n’est pas « casher », il y a de quoi s’inquiéter : la viande peut être casher ou « taref » (impropre à la consommation) mais une femme ? A-t-elle été élève du Rav Weinstein de New-York, pour être à même de parler ainsi ? Est-elle atteinte d’un symptôme de gynophobie qui touche tous les genres ?
Nous n’opposerons pas à nos valeurs fondamentales (en nous appuyant sur la règle si chèrement défendue par nos Maîtres : » Dina demalkhouta dina « , la Loi du pays [du royaume dans lequel tu vis] est LA Loi), la mise en danger de la vie d’autrui, selon le Code pénal, article 223-1 : « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ».
Le principe de pikoua’h néfesh est non seulement en accord avec la Loi de notre pays, mais nous serions en droit de penser qu’il est un des éléments qui l’a inspirée.
Notre tradition de commencer la journée par l’ablution des mains (et qui se répète à maintes occasions dans la journée) réfute pour autant le principe » Je m’en lave les mains ». Et c’est parce que nous sommes attachés aux valeurs de la République et de la Torah que nous préférons » qu’un sang impur abreuve nos sillons » plutôt que nos femmes ne cessent de nous insuffler ce souffle de vie, par la faute de dangereux irresponsables, que D-ieu leur pardonne et éclaire leurs voies.
Nahon ben Aminadav
Photo © “Les limaces”, photo tirée de la série The Curse de Marianne Rosensthiel, Les Infirmières Galerie / DR
Article publié le 26 mars 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
J’adore vos articles et votre écriture en général, je la trouve fraiche et légère.
Mais dans un cas comme celui-ci ou il s’agit la de questions hala’hique difficile et complexe, je trouve que ce serai une erreur de la réduire a une decisions arriéré et misogyne. Ce choix résulte sans doute d’une reflexion plus profonde que simplement politique.