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Serge Klarsfeld : « Tous ceux qui évoquent les “camps polonais” insultent la Pologne »

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Dans la crypte du Mémorial de la Shoah, qui présente l’exposition Beate et Serge Klarsfeld, les combats de la mémoire (1968-1978) du 7 décembre au 29 avril 2018, Serge Klarsfeld fait lire chaque année les noms des déportés des convois qui partirent pour les camps de la mort. Il a accepté de répondre à quelques questions d’actualité pour Jewpop.
 
Alexandre Gilbert : Pour le 40ème anniversaire de la défaite allemande, vous avez publié The Struthof album avec Jean Claude Pressac, comportant des photographies de restes humains retrouvés dans les caves de la Reichsuniversitat à Strasbourg. Quelle est alors la réaction du public à cette information encore largement méconnue aujourd’hui ?
 
Serge Klarsfeld : Très peu de réaction à cette publication à la diffusion très limitée. Ce n’était pas une révélation. L’épisode était connu. Notre commentaire et explication historique du contexte n’intéressait que peu d’historiens.
 
A.G. : Le négationniste Robert Faurisson, qui fut l’élève de Jean Beaufret, lui même l’assistant de Martin Heidegger, a nié l’existence de la chambre à gaz du Struthof jusque devant les tribunaux. Comment s’organisa alors la défense des parties civiles ?
 
S.K. : Face à Faurisson, c’était surtout la communauté historique qu’il fallait convaincre. Cela a été accompli grâce à la documentation que nous avons produite dans notre ouvrage.
 
A.G. : Dans le documentaire diffusé sur Arte en 2017, Le nom des 86, Hans-Joachim Lang, Raphaël Toledano et Emmanuel Heyd, retracent l’identification des martyrs d’August Hirt. Comment réagissez vous à ce moment là ?
 
S.K. : J’étais heureux que les noms des victimes soient identifiés, qu’elles ne restent pas anonymes et que l’on puisse retracer ce que fut leur vie et leur mort.
 
A.G. : Suite aux déclarations du président polonais Andrejs Duda, Michel Cymes déclare qu’ « il y a eu des camps de la mort polonais et un camp de la mort français » tandis qu’Eric Zemmour dit que « nous élaborons des lois mémorielles pour nous flageller et que les Polonais font la même chose, mais pour se glorifier. » Lequel des deux a raison ?
 
S. K. : Il n’y a eu ni camp de la mort polonais ni français. Il y a eu des camps d’extermination allemands en Pologne et un camp allemand en Alsace annexée. Les lois mémorielles ré-avancent des faits avérés et en tirent des leçons.
 
A.G. : Le 10 février 2018, pendant l’hommage aux victimes de la catastrophe aérienne de Smolensk de 2010, qui a couté la vie au président Lech Kaczynski, son frère jumeau a évoqué la loi en refusant de donner raison « à ceux, qu’ils soient Juifs ou Polonais, qui insultent la Pologne. » Les juifs ont-ils insulté la Pologne ?
 
S.K. : Tous ceux qui évoquent les “camps polonais” insultent la Pologne. Les Polonais dans leur ensemble ont eu un comportement hostile aux juifs ; les Polonais ont perpétré des pogroms dès l’entrée des Allemands en Pologne et même après la libération du pays. Par contre, il ne faut pas oublier que la Pologne a perdu 3 millions de polonais chrétiens, qu’il n’y avait plus d’État polonais, que le gouvernement polonais en exil à Londres a été très engagé aux cotés des juifs, qu’il y avait une forte armée polonaise en exil engagée aux cotés des Alliés, que les nombreux aviateurs polonais de la R.A.F. ont participé à la victoire, et qu’il y a plus de Justes polonais que d’autres nations.
 
Entretien réalisé par Alexandre Gilbert pour Jewpop
 
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© photo : DR

Article publié le 15 février 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © Michel Kichka
 
 

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