Pourquoi aller chercher les Juifs jusqu’à Las Vegas alors qu’ils sont partout ? Parce que nos grand-mères disaient « Pas de ça chez nous ! ». Nous sommes allés à la pêche aux Juifs qui feraient honte a votre mamie. Las Vegas, c’est 100 000 juifs, 10 000 israéliens et 19 synagogues, mais pas que… « What happens in Vegas stays in Vegas »… Et sur Jewpop !
Quel est le point commun entre la plus grande ville du Nevada et Tel-Aviv ?
Bugsy Siegel
Outre le fait qu’elles ne dorment jamais, elles ne seraient jamais devenues ce qu’elles sont sans les Juifs. Celui qui est connu comme son fondateur, Bugsy Siegel, appartenait à la « Yiddish Connection » (1). Comme d’autres membres de la mafia (italiens, entre autres), sa famille émigre d’Europe vers le Nouveau Monde dans l’espoir d’une vie meilleure. D’origine juive ukrainienne, il naît sous le nom de Benjamin Siegelbaum en 1906. À l’image du héros du dernier film de Sergio Leone « Il était une fois en Amérique », il a grandi dans le quartier de Brooklyn, à New-York. Son surnom, Bugsy, signifie « le dingue ». Il fallait être probablement fou pour faire d’un village agricole fondé par les mormons au milieu du désert le temple du jeu. Pour résumer, Bugsy Siegel, c’est Al Pacino (alias Tony Montana) dans « Scarface », mais en Juif, qui tombe aussi les gonzesses, et les viole quand elles ne sont pas d’accord.
Las Vegas, terre promise
Si Bugsy Siegel est reconnu comme le fondateur de la ville de Las Vegas telle qu’elle est aujourd’hui, lorsqu’il s’y intéresse en 1945, l’homme d’affaire William Wilkerson a déjà commencé à y investir. Comme quoi avoir du nez n’est pas l’apanage de la « Yiddish Connection ». Il faut dire qu’à cette date, l’État du Nevada vient juste d’adopter une législation qui autorise les jeux d’argent et de hasard. La pègre flaire-là le moyen de blanchir l’argent du crime, mais aussi d’en gagner. Au départ, c’est Wilkerson qui lance le projet du Flamingo (le premier hôtel de Vegas). Siegel et lui s’associent, mais rapidement, les travers paranoïaques du gangster reprennent le dessus, ce qui arrange bien la mafia qui préfère avoir les rennes seule en main. C’est sans difficulté que le meurtrier gagne son bras de fer face au businessman, d’autant plus que Wilkerson n’a pas les fonds nécessaires, alors que la « Yiddish Connection », elle, a de la… Thune. Bugsy Siegel est donc unique maître à bord quand le prestigieux établissement ouvre en 1946, mais seuls quelques joueurs et retraités fréquentent alors le Flamingo.
L’actrice Debra Paget devant le Flamingo en 1954
Ça le change de Hollywood, où le playboy du crime faisait du racket auprès de l’industrie cinématographique et se tapait Jean Harlow. Avec ses costards taillés sur mesure, Bugsy ne fait pas dans le détail, et sa dette finit par dépasser les 6 millions de dollars. Sa compagne, Virginia Hill, lui donne un sacré coup de main pour creuser le déficit, en faisant des allers-retours en Suisse avec des valises chargées de billets. Finalement, Bugsy Siegel est abattu dans sa villa de Hollywood le 20 juin 1947 de 4 balles dans la tête. Le Syndicat ne lui a pas pardonné d’avoir laisser sa « shiksé » (2) vider les caisses. Sa caisse à lui repose dans un cimetière de Hollywood, avec une étoile de David dessus. Le paradis de la « Yiddish Connection » est pavé de fonds de pension, et l’argent de la mafia investi dans le business de la retraite, mais aussi de l’alcool ou du crime à Vegas, passe donc dans de nouvelles mains.
Las Vegasowicz, juive de pègre en vice
Meyer Lansky
A l’instar d’Israël pour Theodore Herzl et son rêve sioniste, ce n’est qu’après la mort de Bugsy Siegel que Las Vegas prend vraiment son essor. C’est un autre juif de la « Yiddish Connection », Meyer Lansky qui « hérite » du Flamingo. Il connaît l’oiseau, puisqu’il a été proche de Siegel. Lui, c’était le cerveau, et Bugsy, les muscles. Le premier était aussi réfléchi que le second était audacieux et séducteur. C’est comme ça qu’ils ont monté la « Murdered Incorporated », une entreprise qui n’a jamais connu la crise, puisque chargée de régler les comptes au sein du crime organisé. Ainsi, en 1934, Siegel a assassiné l’un de ses plus anciens amis, et il a aussi pensé à couler son corps dans l’East River. Bo Weinberg était dans le collimateur de la justice et risquait de témoigner contre son patron. Pourtant, Lansky n’a pas réussi à convaincre le « Syndicat » de ne pas assassiner Siegel, et ironie de l’histoire, il est donc choisi pour lui succéder au Flamingo.
Comme il l’a fait à Cuba, dont il a relevé le standing, il ne lui faut que quelques mois pour faire de l’hôtel-casino un succès commercial. La mafia ouvre alors d’autres établissements prestigieux à Las Vegas. Le processus s’accélère après la prise de pouvoir de Fidel Castro à la Havane en 1959. La « Yiddish Connection » de New-York n’est plus la seule maîtresse à bord, puisque les Italiens se sont engouffrés dans la brèche. Kippa cap’ ! Les hotels-casinos de Vegas sont si gigantesques qu’ils pourraient accueillir tous les réfugiés palestiniens (bande de Gaza inclue). Les signes ostentatoires ne se portent pas sur la tête, mais dans les poches, au sortir de casinos qui débordent de machine à sous, de filles faciles aux balconnets rebondis, et de tables de black jack. Le rêve américain tel que l’ont imaginé les petits yids de Brooklyn est là, et ce sont eux qui l’ont construit, difficile donc de démêler les téfilines qui lient les Juifs à Vegas. Si c’est Tony Cornero, un trafiquant d’alcool qui est le promoteur du fameux « Stardust », c’est finalement encore un Juif, Franck Rosenthal, qui prendra les rennes de cet établissement à la mort du fondateur des lieux.
Sans foi ni loi… du Retour
À étancher sa soif de pouvoir et de flamboyance avec la « chutzpah » de celui qui a gagné parce qu’il n’avait rien à perdre, même le plus malin finit par commettre des imprudences. C’est ce qui arrive au « Cerveau » en 1970. Meyer Lansky, l’ex-comparse de Bugsy, est placé sous surveillance et traqué par le FBI. Comme la plupart des autres membres de la « Yiddish Connection », son esprit communautaire se limite a la famille qu’il s’est choisie, celle du crime. Ses copains d’enfance yid des rues de Brooklyn, la loi halakhique métissée par le fric. La synagogue pour voir et se faire voir, et se faire un bon alibi après avoir descendu le type qui t’as maté de travers l’autre jour. Israël est plus jeune que lui et n’a que 22 ans, quand Meyer Lansky tente de s’y réfugier. Mais Golda Meir, alors Premier ministre, refuse d’accueillir ce dangereux criminel. Poursuivi pour racket, outrage à tribunal et évasion fiscale, il finit quand même par rentrer aux États-Unis, où il échappe à la prison grâce à un vice… de procédure. Reste le mystère de sa fortune personnelle, estimée à 300 millions, qu’il a emporté dans sa tombe. A sa mort en 1983, ses héritiers n’ont découvert dans son testament que quelques milliers de dollars. Il n’y a pas de moralité à l’histoire, pas plus que dans les rues de Vegas.
Jackie Schwartz
© photos : DR
Pour en savoir plus…
Le site du Mob Museum (le musée de la Mafia) à Las Vegas : http://themobmuseum.org/
« Bugsy », le biopic de Bugsy Siegel avec Warren Beatty et Annette Benning (réalisé par Barry Levinson, 1992)
1- Yiddish Connection est un ouvrage de Rich Cohen à propos du « milieu » juif new-yorkais des années 20-30. Le titre de ce livre est devenu le terme générique pour qualifier les groupes mafieux juifs, d’autres les appellent aussi la « Kosher Nostra »
2- En Yiddish, une shiksé est une jeune femme non-juive. Le terme est une déclinaison du terme hébraïque « Sheketz » qui signifie « abomination », la hantise suprême de la mère juive, passé dans le langage courant aux États-Unis et employé au second degré.
Article publié le 27 juillet 2018, tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
[…] Phil, c’est la Yiddish Connection version music. Jeunes, les 2 frangins ont un petit air de Meyer Lansky et de Bugsy Siegel, quand ils vont négocier un prêt à la banque sanglés dans leurs costumes croisés en flanelle. […]
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