Marc Zermati, parrain du punk né à Alger, fondateur du label Skydog et du magasin de vinyls l’Open Market, s’est mis en retrait le 13 juin 2020. Un jour, il croise Daniel Cohn-Bendit dans la rue : « tu vois, je t’avais dit que la seule révolution c’était le rock » Dany lui répond : « t’avais raison Marc ».
Marc Zermati, 1964
Zermatt commence comme stagiaire dans la galerie qui expose Max Ernst à Paris. Les accrochages, il connait. Pour son exposition perso à la galerie Chappe, il arrive courbé, fourbu comme un vieux cheval resté trop longtemps au box. En découvrant les photos que Charles Peterson a fait de Kurt Cobain, il entre dans une colère noire. Il faut que Dinah Dynamite le retienne pour qu’il ne me casse pas la gueule. C’était comme ça. Le papy cool devenait en 5 minutes une énorme caillera, dont l’héro aurait durablement brouillé les sens.
Alice, petite-fille de Marc Zermati, à l’exposition Rock is My Life consacrée à son grand-père à la galerie Chappe en 2008
Dans sa valise, des trésors de culture punk, les maquettes originales des Clash, des Sex Pistols, de Dr Feelgood, des New York Dolls, d’Asphalt Jungle, des Bazookas, les affiches des festivals de Mont de Marsan 76 et 77, de Metallic KO, l’album d’Iggy Pop, le Sky High de Jimi Hendrix et Jim Morrison…
Ulcéré par l’écrasante majorité des baby rockeurs et des faux punks nationalistes, il s’embrouille encore avec tout le monde malgré ses 75 ans et ses 30% de capacités respiratoires. Un jour, il croise Bono en backstage et lui dit : « c’est U2, qui devrait faire la première partie de Big Audio Dynamite et pas l’inverse ». Coté punks du terroir, il s’engueule avec Eli Meideiros qui soutient le boycott des produits israéliens, Patrick Eudeline qui rejoint le très maréchaliste journal L’Incorrect et Virginie Despentes s’inspirant de sa vie de disquaire des années 70, dans son roman Vernon Subutex. Marc a vendu de la drogue, il l’a payé le prix fort en passant par la case prison. Fasciné par les gangsters, il me recommande la bio d’Arnold Rothstein, parrain de la mafia juive des années 1920, le même qui apparait sous les traits de Michael Stuhlbarg dans la série Boardwalk Empire.
Pour distinguer le vrai du faux punk, il suffit de lui demander s’il était au festival de Mont-de Marsan en 1976. Impossible ! Il n’y avait quasiment personne, et on y jouait plutôt du pub rock, c’est pendant la deuxième édition de 1977 où ont démarré Sting et The Clash que tout a commencé. Marc servit de coordinateur pour les Daft Punk au Japon, prêta sa cave aux Stooges et aux Rolling Stones pour dormir à Paris, choisit le nom des Pistols avec Malcolm McLaren et Nick Kent, qui lui a rendu un vibrant hommage. Comme Orphée aux enfers, sa fille avait retrouvé ce père dantesque avant de succomber à une maladie foudroyante. Le cœur brisé de Marc Z s’est arrêté le dernier jour d’une pandémie de Covid-19, qui s’annonçait pourtant très No Future. RIP Amigo.
Alexandre Gilbert
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© photos : galerie Chappe / DR
Article publié le 18 juin 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop