Comme un JewErrant

Comme un JewErrant, il n’avait pas de précédent.

 
Il n’avait pas d’équivalent.
Il n’avait pas d’âge, ni de saison.
Il n’était ni Séfarade, ni Ashkénaze.
Il n’était personne et tout le monde en même temps.
Il était notre pays. Notre refuge. Notre âme. Notre cœur.
Celui où nous pouvions critiquer nos institu-sions (le boss adorait qu’on remplace les terminaisons en [tion] par « sion »), ou nous moquer des demandes URGENTES sur Facebook de coiffeuses pour perruques pendant le premier confinement.
Celui où on pouvait parler de Bagneux autant que des Jew-Milf.
Celui des concours de pulls de Hanouca. Celui de la meilleure photo du sosie de Jésus.
Il avait une place unique. Celle où on peut tout dire, tout lire. Plus il nous divisait, plus il nous rassemblait.
Il formait ce 1+1+1+1+1+1… Ce tout. Ce d’où nous venons. Ce que nous sommes. Le Peuple juif, avec un grand P.
Nous voilà chassés d’un endroit où nous nous sentions chez nous. Libres en pensée. Libres de nous exprimer.
Nous voilà privés d’une richesse, d’une diversité, de l’humour et des photos coquines d’actrices juives en petite tenue.
J’ai l’impression de quitter la France, la Pologne, la Russie, la Tunisie, l’Algérie et Israël en même temps (on a jamais parlé du fait qu’Israël s’écrivait sans article défini, hein).
J’ai l’impression de ne pas savoir où aller. De devenir orpheline.
Les égarés finiront chez Thora-Box. Les érudits (mais ils sont peu), chez Tenou’a.
Mais beaucoup, comme moi, continueront à errer… Car sans Jewpop, nous devenons tous un peu des JewErrants.
 
Ella Klein
 
© visuel : DR

Article publié le 7 janvier 2021. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2021 Jewpop