Café Society de Woody Allen : « Boy meets girl », et bien plus encore

7 minutes de lecture

 
 
Le dernier film de Woody Allen, qui a « fait » l’ouverture du 69ème Festival de Cannes, est indéniablement l’un des meilleurs qu’il nous ait donnés depuis quelques années. L’argument en est simple, et c’est là tout le talent de Woody Allen, que de partir de ce qui pourrait apparaître comme une bluette en technicolor, pour réaliser un chef d’œuvre d’émotion, de tendresse et de réflexion.  Et d’humour, bien entendu.
 
Dans les années 30, « Boy » Bobby (qu’interprète Jesse Einsenberg) quitte sa ville natale, New-York, et sa famille juive, plus vraie que nature : une mère qui régente et sait tout (forcément) ; un père bijoutier en marcel, enrobé de questions auxquelles seules sa femme peut répondre (forcément) ; une sœur désarmante de bonne volonté, affublée d’un époux aux idéaux difficilement vivables sur le terrain ; un autre frère gangster, Ben, qui n’hésite pas à avoir recours aux grands moyens pour résoudre les petits soucis qui gênent son ascension sociale ou les problèmes de voisinage de sa famille. Voilà le tableau, et le point de départ qui, au passage, rappellent furieusement le contexte personnel et créatif du réalisateur. New-York Stories, Manhattan et Radio Days sont là, en filigrane, et dans les dialogues – quel plaisir !
 

WoodyAllen

 
Pour illustrer la célèbre injonction : « Go West Young Man ! », Bobby, désireux de découvrir un autre univers, part pour Hollywood, où son oncle Phil, le frère de sa mère, vit dans l’opulence grâce au succès de son agence de stars. Le film s’ouvre sur une scène de cocktail au bord d’une piscine de rêve, où gravite le tout Hollywood. Bobby, embauché par l’oncle bienveillant, fera vite partie de ce décor luxueux. Homme à tout faire, efficace et discret, il découvre cet univers sous la houlette bienveillante de Vonnie (interprétée par la lumineuse Kristen Stewart) et ne tarde pas à s’y faire une place.
 
« Girl » entre donc en scène. Jeune et jolie, elle est mandatée par Phil, son patron, pour guider le jeune homme, qui ne tarde pas à s’en éprendre. Pire, fou amoureux, il souhaite l’épouser et la ramener à New-York, ville dont il se languit déjà. Hélas, la belle est sous le charme d’un autre, dont Bobby ne devine l’identité qu’au tiers du film. Elle hésite… S’ensuit un imbroglio romanesque qui pourrait être benêt, s’il n’était servi par le charme des interprètes, la qualité des dialogues – et celle de la photographie, que l’on doit à l’exceptionnel talent de Vittorio Storaro.
 

kristen-stewart-jesse-eisenberg-film-woody-allen-cafe-society-32916-25-compressed

 
La suite, on ne la dévoilera pas davantage ici, sauf pour dire qu’après ce voyage initiatique notre jeune héros deviendra plus mûr, plus sûr de lui, tout en restant innocent, et drôle : de sa bouche sortent les mots de son père spirituel, son alter ego, que l’on croit entendre, tant les intonations sont fidèles à celles de l’original. Loin d’être une gêne, c’est plutôt un clin d’œil bienvenu de celui dont la voix off commente l’histoire, à la manière d’un conteur. Et, de fait, cette histoire est autant un conte qu’une délicate évocation du rêve amoureux. De celui que nombre d’entre nous gardent en mémoire : la rencontre d’un être supposé parfait dont on pense qu’il ou elle aurait été sa moitié d’orange, mais que les circonstances ont empêché de prendre cette place. La vie a continué, inexorable, d’autres amours l’ont envahie, mais le souvenir originel n’a jamais été effacé, ni la question taraudante : que se serait-il passé si … ?
 
Et que dire de la scène finale qui évoque l’ironie dramatique inhérente à une situation dont le spectateur connaît le déroulement prochain, et l’issue, sinon qu’elle révèle le talent consommé de son maître d’œuvre ? Woody Allen semble avoir acquis avec les années une lucidité et un recul qui, alliés à une étonnante fraîcheur d’âme, ne peuvent que toucher les plus coriaces d’entre nous. Son regard sur la jeunesse est sans âge, et authentique. Avec ou sans happy end, mais sur fond de jazz (forcément), on l’entend nous dire, en beauté, qu’il faut savoir assumer ses choix.
 
« Touché ! » – et sorry pour le franglais, inspiré par le titre du film, of course.
 
Cathie Fidler
Cathie Fidler est écrivain, auteur de plusieurs romans parmi lesquels Histoires floues, La Retricoteuse… et du livre d’art Hareng, une histoire d’amour, co-écrit avec Daniel Rozensztroch
Gratitude, le blog de Cathie Fidler
Retrouvez toutes les chroniques de Cathie Fidler sur Jewpop
 
Voir la bande-annonce de Café Society

 
 
© photos : DR

Article publié le 15 mai 2016. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2016 Jewpop

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

S'abonner à la jewsletter

Jewpop a besoin de vous !

Les mendiants de l'humour

#FaisPasTonJuif