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Coco Chanel, la vérité est tailleur

10 minutes de lecture

Alors que se tient à Paris une rétrospective Coco Chanel au palais Galliera, musée de la Mode, le passé pro-nazi et antisémite de la créatrice qui révolutionna la mode féminine reste soigneusement rangé dans les placards de la maison Chanel, tels ces secrets de famille honteux que l’on cherche à dissimuler tant bien que mal.

“Férocement antisémite bien avant que cela soit un moyen de plaire à l’occupant allemand”

Coco Chanel Hal Vaughn Jewpop

«Férocement antisémite bien avant que cela soit un moyen de plaire à l’occupant allemand, elle devint riche en se faisant apprécier des très riches et partageait leur détestation des juifs, des syndicats, des francs-maçons, des socialistes et du communisme. Elle estimait après 1933 que Hitler était un grand européen». Cette description acerbe de Gabrielle Chanel sous la plume du journaliste et auteur américain Hal Vaughan, qui publia en 2011 une nouvelle biographie de Coco Chanel (57 biographies de la créatrice avaient déjà été écrites auparavant !), Dans le lit avec l’ennemi. Coco Chanel sous l’Occupation (Albin Michel 2012), écornait sérieusement le mythe de l’icône française de la mode.

Fruit de trois ans et demi de recherches dans des archives américaines, françaises, allemandes et britanniques, l’ouvrage du journaliste retraçait pour la première fois les missions confiées à Coco Chanel par l’Abwehr, les services de renseignements de l’état-major allemand, dès 1941. Hal Vaughan y brosse aussi le portrait d’une collaboratrice bien plus motivée par des considérations idéologiques et financières, que celui d’une “collaboratrice horizontale”, surnom péjoratif donné aux femmes qui eurent des liaisons avec des soldats allemands.

Pierre Wertheimer Jewpop

Pierre Wertheimer, 1924

Les frères Wertheimer au jus

L’antisémitisme viscéral de Gabrielle Chanel ne datait pas de la guerre… Il se nourrira à plusieurs sources. De son animosité envers les frères Wertheimer, propriétaires de la maison Bourjois, qu’elle contacte en 1921 pour produire et distribuer son premier jus, le futur N°5, avec le concours du fondateur des Galeries Lafayette, Théophile Bader. La bande des trois industriels juifs possèdera 90% du capital des parfums Chanel, Gabrielle Chanel acceptant, en échange de l’utilisation de son nom, 10% du capital. Dès le fulgurant succès mondial de N°5, la créatrice s’estime flouée et “entre dans un délire que fortifie son antisémitisme d’époque”, comme le rapporte Xavier de Jarcy dans Télérama, qui consacre cette semaine sa Une aux “années troubles“ de l’icône. Elle engage alors un jeune avocat pour défendre ses intérêts, René de Chambrun, qui deviendra en 1935 le gendre de Pierre Laval.

Son antisémitisme se nourrit aussi de ses amours. La liste des compagnons de Chanel est un who’s who du genre, du Duc de Westminster, célèbre pour ses saillies antijuives, à Paul Iribe, grande figure de l’Art déco qui pendant ses heures de loisirs publie une feuille d’extrême-droite, Le Témoin, tandis que le couple adhère aux Croix de feu. Iribe décède en 1935, et l’arrivée au pouvoir du Front populaire (celui de Blum, pas celui d’Onfray) ne fait qu’accroître son ressentiment envers les juifs, et en particulier envers le gouvernement SFIO de Léon Blum et ceux qu’elle nomme «les politiciens juifs de gauche», responsables selon elle de la grève lancée par ses salariées au printemps 36, qui durera plusieurs mois. Chanel prendra sa revanche sur elles en septembre 1939, licenciant allègrement ses 3000 employés et ouvrières dès la guerre déclarée.

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Coco Chanel et Hans Günther von Dincklage à Lausanne, après la guerre

Coco Chanel, trop spolie pour être honnête

Pour conclure en beauté, Gabrielle Chanel tombe amoureuse, en 1941, de l’un de ses vieux amis, le baron Hans Günther von Dincklage, espion et officier de l’Abwehr, proche de Goebbels, qui a déjà parmi ses titres de gloire un séjour en Afrique du Nord pour organiser des pogroms contre les juifs dans les années 30, ainsi que le rapporte Xavier de Jarcy dans Télérama. Dincklage, grâce à son réseau parmi les hauts dignitaires nazis, va permettre à Chanel de continuer à habiter au Ritz, où elle résidait, et où logent désormais les officiels nazis et les collaborateurs de marque. Il va aussi utiliser son amante, devenue agent “Westminster” de l’Abwehr, pour nouer des contacts avec des Anglais germanophiles, puis pour approcher son vieil ami Churchill l’hiver 1943, en vue d’une négociation de paix séparée entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne. L’opération, baptisée “Chapeau de couture”, fera un flop. Coco ne traversera pas le channel…

Entretemps, La créatrice s’active pour spolier les frères Wertheimer, réfugiés aux États-Unis. Mais la fratrie a anticipé le coup et, avant son départ, a cédé les parfums Chanel à un prête-nom, l’avionneur Félix Amiot, qui avait bénéficié de l’aide financière de Pierre Wertheimer pour créer sa première entreprise. Pour le plus grand malheur de Chanel, Amiot, qui a fourni une grande partie de la flotte aérienne de l’armée française avant le début de la guerre, collabore aussi avec l’occupant en fabriquant 370 bombardiers pour la Luftwaffe (tout en finançant un réseau résistant et en soustrayant des ouvriers de ses usines au STO, ce qui lui vaudra de ne pas être inquiété après la guerre). L’aryanisation se présente donc mal, les nazis privilégiant les carlingues d’Amiot aux flacons de Coco.

Coco Chanel Jewpop

Coco Chanel, 1958

Paris libéré, Coco aussi

Le 25 août 1944, Paris est libéré. Coco Chanel est arrêtée par les FFI, puis relâchée quelques heures plus tard, selon toute vraisemblance après une intervention de Churchill en personne. Elle rejoint Dincklage à Lausanne, où elle résidera 9 ans, et ne sera jamais inquiétée. 

Pierre Wertheimer, à son retour après la Libération, récupère sa société, tandis que Coco tente malgré tout via son avocat Chambrun de l’en empêcher. Mais ce dernier est déjà fort occupé à tenter de sauver la tête de son beau-père, Pierre Laval.

Pas rancunier pour deux sous, Pierre Wertheimer négociera un accord amiable avec Gabrielle Chanel en 1947, lui octroyant 9 millions de dollars (une somme colossale à l’époque) pour les ventes de N°5 pendant la guerre. Il sera même à ses côtés, en 1954, lorsqu’elle relancera sa maison de couture, âgée de plus de 70 ans. Un succès à nouveau ébouriffant, du célèbre sac matelassé à l’égérie Marylin pour N°5, en passant par Jacky Kennedy côté tailleurs. Chanel est aujourd’hui géré par Gérard et Alain, petits-fils de Pierre et fils de Jacques Wertheimer.

Simone Veil Jewpop

Celle que l’on surnommait “Mademoiselle” s’éteint le 10 janvier 1971 au Ritz. Elle n’aura pas eu le temps, heureusement pour elle, de découvrir l’incarnation française de l’élégance Chanel lors des décennies qui vont suivre. Une juive, rescapée d’Auschwitz et de Bergen-Belsen, qui deviendra ministre de la Santé en 1974. Simone Veil, qui demandera à Karl Lagerfeld d’imaginer son habit d’académicienne. Un joli pied de nez à Gabrielle Chanel, et une élégante façon de distinguer la créatrice de l’antisémite.

Alain Granat

© phots :  /DR
Article publié le 23 septembre 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 202& Jewpop


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1 Comment

  1. Article très intéressant ;
    Les wetheimer( juifs ) ont contribué à sa notoriété en investissant dans son entreprise dès le début.
    Cette anti juive compulsive rongée par sa jalousie haineuse doit le payer Au prix fort en enfer…
    Lagerfeld
    Le couturier était judeophile et avait conscience de la rage Infondée et incontrôlée des nazis telle celle de la cocotte Chanel .
    Lagerfeld était 1 sage extrêmement talentueux et humain que D…. repose son âme…

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