French writer Olivier Guez poses during a photo session in Paris on October 19, 2017. / AFP PHOTO / JOEL SAGET
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Le Renaudot 2017 décerné à Olivier Guez pour "La disparition de Josef Mengele"

8 minutes de lecture

 
C’est un « romanquête » passionnant qu’Olivier Guez nous offre avec « La disparition de Josef Mengele » (Grasset), couronné du Renaudot aujourd’hui. Un récit construit après une enquête minutieuse, longue de trois ans. L’histoire d’une exfiltration savamment organisée entre l’Allemagne et l’Amérique latine par ces nostalgiques du troisième Reich qui rêvaient de reconstruire l’Empire nazi.
 
Après avoir erré de cache en cache, Josef Mengele, devenu Helmut Gregor, arrive en 1949 à Buenos Aires où ses soutiens l’attendent et organisent sa nouvelle vie, fêtant l’arrivée du monstre qui sévissait sur la rampe d’Auschwitz. Lui qui triait, en sifflotant des airs d’opéra, les juifs d’Europe à peine descendus des wagons à bestiaux, pour les diriger vers les chambres à gaz, les fours crématoires ou son laboratoire. Mengele, l’ange de la mort, « le postillon du diable », dont les cadences infernales de l’ambition morbide s’obstinaient à corriger le grand échiquier de la nature et ériger le darwinisme dans le plus pur dévouement à la race aryenne. Mengele, infatigable serviteur de la « biopolitique nazie », acharné à œuvrer jours et nuits pour la purification du sang en débarrassant la Grande Allemagne « de ses corps étrangers, microbes et larves à éradiquer ». Mengele, chirurgien de la mort ; quand la froideur du genre humain se gargarise d’expérimenter, torturer et massacrer pour la science et la défense du génome de la race supérieure. Mengele, ingénieur des morts et artisan d’un eugénisme dégénéré, haut-fonctionnaire du génocide des Juifs, entreprise d’État. Il était l’inventeur du cobaye humain créé pour servir le troisième Reich, anéantir le cosmopolitisme, les individualismes et les masses, pour « le bien » de la civilisation rêvée du führer.
 

Guez Mengele

 
Amérique latine, terre d’asile des cadres supérieurs de l’Allemagne nazie, dernier arrêt. Le roman d’Olivier Guez dresse un panorama stupéfiant des appuis logistiques d’une échappée minutieuse, de l’Argentine de Perón, du Paraguay puis du Brésil, où le criminel de guerre a multiplié les fausses identités et bénéficié de bienveillances à foison. Pendant que l’Allemagne se soumet, que la guerre froide sévit et que l’Europe renaît de ses cendres, les réseaux fascistes s’organisent en toute impunité pour organiser des chaînes complexes d’exfiltrations. Fascistes de tous pays, unissez-vous ! On découvre d’incroyables ramifications pour multiplier les évacuations, les transferts de devises et services spéciaux offerts aux dignitaires et élites nazies en fuite. Le roman devient en filigrane un essai sur le système organisé qui accueille, soulage et redore le blason des criminels de guerre tour à tour choyés, amnistiés ou promus conseillers occultes des puissances d’Amérique latine. La nazi society s’est reconstruite outre-Atlantique et se pavane dans le silence complice des consulats qui font mine de rien savoir et sous l’appui protecteur des juntes militaires d’Amérique latine qui prospèrent pendant que les puissances russes et américains s’affrontent. Ce sont de véritables coteries fascistes, de réunion en cercles de réflexions et sessions interminables à se languir du pays et de la toute puissance militaire nazie. Mengele a beau fuir et multiplier les combines et corruptions, les tortionnaires des camps se serrent les coudes et jouissent d’un « quatrième Reich fantôme » qui, à distance, rêve de reconquérir l’Empire germain. Ainsi, Mengele prospère et s’organise, fraîchement naturalisé par la cour suprême paraguayenne…
 
 

Guez Mengele

 
 
L’étau se resserre lorsque les années 60 révèlent les mécanismes macabres de l’extermination finale, qui force l’Occident à agir. On découvre le Journal d’Anne Frank, Alain Resnais bouleverse le septième art avec Nuit et Brouillard, on parle enfin de six millions de Juifs massacrés, assassinés, anéantis. La solution finale est révélée et les chasseurs de nazis, Hermann Langbein, Simon Wiesenthal, Lothar Hermann et tant d’autres, ne vivent que pour traquer les criminels et les mener à l’échafaud. Mengele sait, bénéficiant de moyens de communication et de fuites qui le renseignent régulièrement, qu’il est recherché, que sa course contre la montre sera permanente, quand les demandes d’extradition parviennent enfin à être traitées par les chancelleries et que les services secrets du Mossad sont à ses trousses et prêts à braver la jungle pour retrouver le médecin d’Auschwitz. Il faudra enfin que le Mossad réussisse à enlever Eichmann en 1960, avec l’aide du procureur allemand Fritz Bauer, au terme d’une opération spectaculaire à Buenos Aires, pour que Mengele comprenne que ses jours sont comptés, qu’il ne connaîtra plus jamais le repos.
 
Sans jamais livrer le lecteur à la moindre once d’empathie, Olivier Guez détaille les effrois du criminel, qui ne vit désormais que dans la crainte d’être interpellé quand ses réseaux cèdent les uns après les autres. Ce grand exterminateur des juifs d’Europe, comme tous les nazis en exil, ne connaîtra plus jamais la fuite ni l’eldorado qui le maintenait. Il vivra comme un rat, « errant et fugitif sur la terre » avec la terreur constante d’être arrêté et éliminé. Car, comme le résume Olivier Guez en exergue d’une seconde partie haletante, digne d’un roman policier construit pièce après pièce, « celui qui le rencontrera le tuera ».
 
Jérémie Boulay
 
Lire les chroniques de Jérémie Boulay sur Jewpop
 

Olivier Guez MengeleCommander La disparition de Josef Mengele (Grasset) ici

 
 
 
 
 
 
© photos : photo de une Joel Saget / AFP / DR

Article publié le 6 novembre 2017. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2017 Jewpop
 
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