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Operation Finale, la capture d'Adolf Eichmann sous le prisme hollywoodien

7 minutes de lecture

Diffusé mondialement depuis mercredi sur Netflix, le film Operation Finale de Chris Weitz vaut surtout pour la confrontation entre Ben Kingsley, impressionnant en Adolf Eichmann, et Oscar Isaac, habité par son rôle d’agent du Mossad.

Eichamnna Ben Kingsley Jewpop

Adolf Eichmann- Ben Kingsley dans Operation Finale

« Basé sur une histoire vraie », comme il est d’usage de le rappeler à Hollywood, Operation Finale retrace la capture à Buenos Aires et l’exfiltration vers Israël d’Adolf Eichmann en 1960 par une équipe du Mossad et du Shin Beth. L’épisode est connu, le sujet déjà traité plusieurs fois au cinéma, mais ici, tous les ingrédients d’un futur blockbuster étaient a priori réunis. Du réalisateur Chris Weitz (passé des films pour ados – American Pie, Twilight II – au scénario de Rogue One) au jeune et prometteur scénariste britannique Matthew Orton, qui signe ici son premier script pour la MGM avant de livrer celui de La Bataille d’Angleterre que réalise Ridley Scott cette année, en passant par un casting international (outre Ben Kingsley et Oscar Isaac, Mélanie Laurent, Nick Kroll, Lior Raz de la série Fauda…), l’ensemble aiguise la curiosité.

Isser Harel Lior Raz Jewpop

Isser Harel- Lior Raz dans Operation Finale

Reconstitution soignée jusque dans les cols de chemise des membres du Mossad, Operation Finale aura le mérite de faire connaître au très nombreux – et jeune – public de Netflix l’histoire de la traque et de la capture de celui qu’on a surnommé « l’architecte de la Solution Finale », jusqu’à son procès à Jérusalem. Le cadre historique, dans lequel est très brièvement évoqué le rôle majeur qu’a tenu le procureur allemand d’origine juive Fritz Bauer dans la traque d’Eichmann, est posé d’entrée : la chasse aux criminels nazis n’est pas la priorité des services secrets israéliens à la fin des années cinquante, ces derniers étant plus préoccupés par la surveillance du voisin égyptien… La donne va changer lorsque des preuves manifestes de la présence d’Eichmann à Buenos Aires sont fournies par Fritz Bauer à Isser Harel (Lior Raz) directeur du Mossad, qui avec l’aval de Ben Gourion, alors Premier ministre de l’État d’Israël, donne son accord pour l’Operation Finale.

Adolf Eichmann

Adolf Eichmann, photos prises par la police israélienne à son arrivée à Jérusalem

Le scénario fait un sans-faute sur le contexte politique et historique de l’époque, soulignant bien les motivations de Ben Gourion et des agents du Mossad chargés de la capture. Lors d’une exposition consacrée à l’événement au musée Beit Hatfutsot de Tel-Aviv en 2012, les curateurs rappelaient que 70% des membres de l’équipe qui ont participé à la capture d’Eichmann étaient des survivants de la Shoah, ou comptaient des membres de leurs familles exterminés par les nazis. Parmi eux, seul Rafi Eitan (joué par Nick Kroll) était un sabra né en Israël. Tous les policiers et gardiens de prison qui furent chargés de surveiller Eichmann durant son procès avaient été délibérément choisis pour leurs origines mizrahi (ndlr : Juifs du Moyen-Orient), afin d’éviter tout risque de le voir assassiné entretemps.

Mossad Eichmann Jewpop

C’est ce dilemme entre vengeance et justice, qu’incarne l’excellent Oscar Isaac (révélé par les frères Coen dans Inside Llewyn Davis, extraordinaire dans A Most Violent Year de J.C. Chandor) face au monstre sacré Ben Kingsley, magistral dans le rôle d’Eichmann. Le scénariste Matthew Orton n’avait pas besoin d’aller bien loin pour imaginer le duel qui forge l’ossature de son script : l’agent du Mossad Peter Malkin (Oscar Isaac), chargé d’aborder Eichmann et de le capturer, avait perdu une grande partie de sa famille en Pologne durant la Shoah, dont sa sœur aînée Fruma et ses trois enfants. C’est ce duel, basé sur des faits réels (Peter Malkin racontera dans un livre et un documentaire l’histoire de la capture et les conversations qu’il eut avec Eichmann alors qu’il était sous sa garde), qui fait tout l’intérêt du film, Ben Kingsley évitant tout effet dramatique, excepté une scène grotesque, surjouée et totalement inutile où il se montre sous le jour d’un psychopathe. Tout le contraire de ce que que décrivait Malkin de ses échanges avec le criminel, en écho à la « banalité du mal » qu’Hannah Harendt érigera en concept lors de ses célèbres compte-rendus du procès de Jérusalem.

Procès Eichmann Operation finale Jewpop

Operation Finale, malgré ses défauts – la faute aux producteurs, réalisateur, scénariste ? qui ne peuvent s’empêcher de coller des rebondissements (totalement inventés) et une love affair (pauvre Mélanie Laurent, perdue dans ce monde de machos du Mossad) sans intérêt au regard d’un sujet qui n’avait (#navet) nul besoin de ce type d’artifices – mérite d’être vu (si vous êtes abonné à Netflix, ou expert en téléchargement illégal). En attendant de découvrir « Sobibor » réalisé par l’acteur russe Konstantin Khabenskiy, immense succès au box-office local, qui représentera le pays aux Oscar dans la catégorie « meilleur film étranger ». La bande-annonce présage du pire, entre scènes de gazage de déportés et Christophe Lambert en Karl Frenzel, commandant du camp. Claude Lanzmann aurait sûrement adoré.

Alain Granat

La bande-annonce de Operation Finale

© photos : DR

Article publié le 15 octobre 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2018 Jewpop

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