Moi ? Je boycotte

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Amis boycotteurs, amies boycotteuses, je tiens à vous remercier du fond du cœur. Car non seulement grâce à vous (et à mon tout nouveau t-shirt Free Gaza made in Bangladesh), j’ai réussi à pécho à la dernière fête de l’Huma. Mais surtout, vous et tous les copains du BDS, donnez un sens à ma vie. En agissant à vos côtés, je sais que j’adhère à une cause juste, bien plus grande, plus vaste que moi. Seulement voilà, étant de nature exigeante, je n’ai pas l’intention d’en rester au trop facile boycott d’Israël et de ses pomelos. J’ai officiellement décidé de pousser l’exercice un peu plus loin. Et, vu l’état du monde et de ses injustices, ce n’est pas vous qui m’en dissuaderez. Alors tant pis pour les sacrifices, moi, face à l’injustice, je n’hésite pas, je fonce ! Voici donc un petit tour du monde de mes indignations.
 
Prenons par exemple le Luxembourg. Que diriez-vous d’un bon boycott du Grand-duché ? Ça claquerait, non ? D’autant que c’est plutôt facile : aucun grand vin, aucun délicieux fromage n’est à éliminer de mes achats. Et en attendant, je fais la nique aux pratiques financières douteuses. Boycott du Luxembourg ? Check. Je poursuis et j’envisage, déjà un cran plus compliqué, de boycotter la Suisse. Son non moins scandaleux secret bancaire et sa neutralité nauséabonde. Là, je l’avoue, j’ai une petite pensée pour le Toblerone et le gruyère, mais je tiens bon. On est militant engagé ou on ne l’est pas.
Histoire de poursuivre du côté des pays francophones, je me dis que j’aurais bien envie de boycotter la Belgique. Comme ça, juste pour le plaisir. Et si on me pose la question, je répondrai que je n’ai pas l’intention de sponsoriser des pédophiles et des dépressifs élevés aux frites et à la bière. Voilà, c’est comme ça, on a bien le droit d’avoir des opinions, non ?
 
Dans la famille boycotts « faciles », je propose aussi l’Arabie Saoudite, dont la manne pétrolière finance le terrorisme international. Et là, à part le dernier tchador en soie orné de diamants à 80000 dollars, je ne vois pas trop ce qui pourrait me manquer de « made in Saoudia Arabia ». Ah si, c’est vrai, il y aurait bien le pétrole. Mais là, ça m’embête un peu, rapport à ma camionnette diesel que j’ai besoin de faire tourner pour distribuer mes tracts BDS. Alors je balance mon premier joker. Désolée mais je ne boycotterai pas l’Arabie Saoudite. Si je reste dans le Golfe Persique, je propose le Qatar, lui aussi grand pourvoyeur de fonds du terrorisme islamiste mondial. Boycotter le Qatar ? Ben là encore ça m’embête un peu. Même si je n’aime pas particulièrement le PSG, la chaîne Be In Sport, les cinq étoiles parisiens, la coupe du monde de 2022, voire Paris tout entier, je ne voudrais pas passer pour islamophobe. Alors je balance mon deuxième joker. Et j’annonce officiellement que je ne boycotterai pas le Qatar.
 
Si je monte encore d’un cran, et envisage les boycotts nécessitant un peu d’effort et d’abnégation, me vient aussitôt à l’esprit la Chine. La Chine, bien sûr. La Chine qui, non seulement a le toupet d’occuper le Tibet depuis les années 50, mais qui muselle sa presse et son opposition, porte régulièrement atteinte aux droits de l’homme et pratique quotidiennement l’esclavage au travail. Et je ne parle même pas de la pollution qu’elle génère. Alors là, indéniablement, le challenge commence à devenir intéressant : iPhone, jouets, vêtements, grandes marques de sport, gadgets en tous genres… Et je commence à sentir monter la frustration. Comment vivre sans mes baskets Nike ? Et sans ma casquette Hello Kitty ? Mais surtout, expliquez-moi comment je vais organiser ma prochaine manif BDS sans mon iPhone ? Désolée, je suis obligée de balancer mon troisième joker. N’insistez pas, c’est non. Je ne boycotterai pas la Chine.
 

 
En réfléchissant bien, je me dis qu’il me reste quand même encore pas mal d’options. Par exemple, je pourrais boycotter le Danemark, qui colonise le Groenland depuis des siècles, la Thaïlande et son laxisme sur la prostitution des mineurs, le Mexique et la Colombie, vérolés par les cartels de la drogue, l’Espagne, sa remise en cause de l’avortement et son traitement scandaleux d’ouvriers saisonniers marocains, l’Italie gangrénée par la mafia, les États-Unis, leur permis de port d’arme et leur peine de mort, et puis aussi le Vietnam parce que je n’aime pas le napalm, le Portugal et ses moustachus, la France et tous ses cons, et puis tiens, là, juste pour le geste, je boycotterais bien l’Islande, parce que Björk, franchement, c’est totalement dépassé, non ?
 
Sauf que voilà. Je dois bien me rendre à l’évidence. Si j’allais au bout de mes convictions, je me retrouverais rapidement sous-alimentée, vêtue de guenilles, vivant dans une grotte sans électricité quelque part au fin fond du Pôle Sud, totalement déconnectée du monde, atteinte du scorbut, et sans aucun traitement médicamenteux (mais sans doute encore branchée sur Be In Sport – ils sont forts, ces Qataris). Et ça m’embêterait quand même un peu, rapport aux copains et aux réunions BDS.
 
Alors oui, je l’avoue, à ce prix-là, mon exigence et ma vertu sont un peu trop chères payées. Du coup, je décide de me concentrer sur le plus facile et le plus payant : je m’en tiens au boycott d’Israël. Ce minuscule pays qui a le toupet de tirer son épingle du jeu dans les échanges commerciaux internationaux, alors qu’il ne fait même pas la taille de la Bretagne. C’est vrai, boycotter Israël, ça reste une valeur sûre qui a fait ses preuves depuis des siècles, sous d’autres formes tout aussi sophistiquées, et c’est en tout cas le positionnement marketing le plus impactant du moment, dans la grande foire aux pseudo-causes justes de ce début de vingt-et-unième siècle.
Ceci dit, et puisqu’on en est aux confidences, si je devais aller jusqu’au bout de mes idées, je dirais qu’il est urgent de boycotter les cons. Tous les cons du monde, sans exception. À commencer par moi-même et tous les copains du BDS.
 
Carine Hazan
 
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Article publié le 16 juin 2015. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2015 Jewpop

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