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Joann Sfar : "Pourquoi je ne parviens pas à me réjouir de l’annonce d’un « nouveau plan de lutte contre l’antisémitisme » ?

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Pourquoi je ne parviens pas à me réjouir de l’annonce d’un « nouveau plan de lutte contre l’antisémitisme » ?
 
Parce que nos gouvernants font chaque jour de petites caresses à chacune des minorités qui subit de plein fouet le retour du fanatisme religieux. Un jour on va faire un câlin aux femmes agressées, un autre aux juifs, comme si ça allait changer quoi que ce soit.
 
Nos gouvernants refusent depuis des années de s’attaquer au soft power qui encourage de tous les côtés la partition du pays et le retour de catégories religieuses qui tiendraient lieu d’identité principale des citoyens. On me demande depuis son élection pourquoi je ne parviens pas à m’enthousiasmer pour Macron ou son équipe ; ça tient à cette lâcheté, dont l’histoire le tiendra comptable : il refuse absolument de se déterminer face à l’entrisme des fanatiques. Il copie l’attitude de Trudeau et considère que critiquer ce repli sur soi n’est pas la mission d’un gouvernement. La France n’est ni l’Angleterre ni le Canada. On ne peut pas regarder ailleurs lorsque des citoyens s’extraient de notre pacte social.
 
En France, on attend d’une équipe gouvernementale qu’elle ait un projet de société. L’angle mort du projet Macron, c’est le religieux. Les représentants de ce gouvernement me semblent agir comme jadis le Cadi pour nos ancêtres colonisés : on va faire des compliments à chaque petite communauté pour acheter un ersatz de paix civile. C’est lâche. C’est humiliant. Et ça ne satisfait que ceux qui regardent ailleurs que dans le vrai monde.
 
Les grands opérateurs de télévision continuent de faire la retape pour des chaînes du câble qui diffusent la parole de Tariq Ramadan et de ses copains. Les dictatures du Golfe inondent depuis plusieurs décennies nos chaînes de télés, nos compétitions sportives, et notre espace public d’une vision du monde incompatible avec une démocratie. À ma connaissance, aucun des trois gouvernants qui se sont succédé depuis une dizaine d’années n’a fait un seul geste face à ces tentatives de convertir notre jeunesse au fanatisme.
 
La jeunesse française a été abandonnée. Je parle des représentants les plus vulnérables de notre corps social. Un jeune a besoin qu’on lui propose des choses. Des rêves. Des motifs de fierté. Qu’on lui dise simplement « viens, on va trouver une place pour toi ». En Algérie au temps du GIA, les islamistes étaient très forts pour proposer un repas ou de l’aide, ou des soins aux déshérités. En Algérie, au début, on se moquait des barbus et ensuite il y a eu trois cent mille morts.
 
Comme beaucoup, je suis convaincu que le rejet de la partition religieuse est une mission de la gauche. Je suis également certain qu’abandonner la jeunesse soit à un vide culturel, soit à une influence totalitaire, puisqu’il n’est question de rien d’autre, je suis convaincu que c’est une faute politique et historique. La noblesse et la mission d’un gouvernement se situe avant tout dans cet endroit : la jeunesse, les faibles. Et oui, l’État a pour mission de proposer un projet de vie.
 
Notre jeunesse a été abandonnée. Puis, dans les prisons, dans les clubs de sports, sur les chaînes de télés et dans les quartiers, on a acheté la paix en laissant des fanatiques s’occuper des jeunes à la place des pouvoirs publics. C’est trop tard, bien entendu. Mais je ne parviens pas à feindre l’enthousiasme lorsque nos dirigeants font semblant de s’attaquer au problème.
 
Quand Merah a tué, on n’a pas montré les victimes. On s’est laissés hypnotiser par le tueur. On a montré ses photos sur lesquelles il souriait au volant de sa bagnole. On a provoqué une identification immédiate entre le tueur et notre jeunesse.
 
Rien ne va changer. Le système du sport de haut niveau et de la télévision par câble va continuer d’accepter les pétrodollars. Nos journaux vont persister à faire passer pour de la ferveur religieuse ce qui relève depuis longtemps de l’envie de partition. Et Macron va continuer de dire sa détermination sans que quiconque comprenne ce qu’elle signifie.
 
Je crois qu’aujourd’hui j’aurais presque plus d’enthousiasme pour un président qui oserait dire : « nous sommes inutiles et nous le savons. Oui il y a un retour de la haine et du fanatisme et de la pensée tribale. C’est un phénomène mondial et notre pays, comme les autres, est marqué par cette résurgence de la Guerre du Feu. »
 
Ou bien je crois que je pourrais m’enthousiasmer pour un vrai homme de gauche, qui se rappellerait que notre pays a été unifié par l’école, et par la séparation inflexible de l’Église et de l’État. Quelle honte de voir que les organismes d’État censés veiller à la laïcité passent leur temps à défendre les bigots. Lorsque Macron a laissé en place les dirigeants de l’Observatoire de la laïcité, il a eu un geste politique d’une lâcheté rare. On mesure sur le terrain la compromission constante de cette officine avec les défenseurs du fanatisme. Puisqu’ils sont encore en place, nous avons le droit de penser qu’ils représentent l’idée que se fait notre gouvernement de la façon d’agir face aux extrémistes. Ou bien ils considèrent comme modérés ou acceptables les promoteurs d’un mode de vie semblable à celui des saoudiens, ce qui est très inquiétant.
 
Oui, les tueries de Mohamed Merah ont marqué le début d’un bain de sang dont on ne voit pas la fin. Et à l’époque, la réprobation n’avait pas eu la force qu’elle aurait dû. Des années avant, quand on avait profané une tombe juive à Carpentras, il y avait eu un million de français dans les rues. Pour Merah, on n’a pas vu les victimes. Il y a deux jours, deux jeunes femmes ont été égorgées au nom de guerres préhistoriques à la gare de Marseille. C’était il y a deux jours et on n’en parle déjà presque plus.
 
On a compris. Ça va être comme ça. Pour longtemps. La gauche est si bas en ce moment. Et caresser les fanatiques dans le sens de la barbe n’a jamais apporté de victoire électorale. Je ne suis pas con au point de terminer cette lettre en disant que je rêve que quelqu’un à gauche se rappelle de la force qu’on peut avoir quand on ne se trompe pas de combat. Je sais que personne ne viendra et que ça n’arrivera pas.
 
Comme beaucoup je n’attends rien. Bien entendu qu’un politique ne peut pas faire le discours que j’évoquais, en proclamant la certitude de son inutilité. Mais pour ma part, la force d’applaudir m’a quitté pour longtemps.
 
Bien entendu c’est un calcul économique qui a amené nos dirigeants à accepter les pétrodollars. Évidemment, c’est un calcul électoral qui encourage cette tolérance indigne face aux promoteurs du fanatisme et de la partition. Dans les deux cas c’est indigne. Dans un climat où le danger des politiques extrêmes est si fort, Sarkozy, Hollande puis à présent Macron ont failli à leur mission. Ils font le lit de tous ceux à l’extrême-droite comme à l’extrême-gauche, qui diraient « nous avons des méthodes expéditives, nous allons faire quelque chose ». Quel dommage ! Je crois que ça serait la noblesse d’un gouvernement modéré et responsable, comme prétend l’être l’équipe actuelle, que d’initier un changement total d’attitude.
 
Notre pays n’est respirable que par son refus de la partition. Notre espace public n’a rien à faire des superstitions des uns et des autres. Notre pays est très atypique, par son goût rageur de la démocratie, mais aussi par sa tradition d’union nationale, de ferveur révolutionnaire, d’envie d’unité et souvent de promiscuité parmi les citoyens. Nous sommes un des seuls pays au monde dans lequel un président pourrait sans risquer d’être ridicule dire « c’est ainsi qu’on doit vivre en France ». Car nos musées, nos théâtres et nos universités ont été construits dans une envie d’universel, et dans le projet de voler le sacré au religieux pour le donner…pardon, j’allais dire pour le donner à Rome.
 
Pardon, je me suis juste fait plaisir en écrivant quelques lignes. Je sais qu’il ne va rien se passer et que chaque massacre donnera lieu à davantage de haine et de partition. Bonne journée à tous. Je ne suis pas très provocateur, je n’ose pas dire bonne nuit.

 
Joann Sfar
 
Ndlr : texte publié sur la page Facebook de Joann Sfar le 3 octobre 2017, reproduit avec l’aimable autorisation de son auteur.

 
© photo : DR

Article publié le 3 octobre 2017. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2017 Jewpop

1 Comment

  1. On reconnaît bien là, dans ce texte, un homme dit « de gauche », un « bien-pensant » que j’appelle moi un « Tartuffe » qui prône le « vivre ensemble », « l’union entre les peuples », etc. Non, Monsieur, les « Français n’aiment pas la promiscuité ». Oui, Monsieur, les Français ont la nostalgie de leur France d’il y a soixante ans, entre deux périodes de collaboration, celle du nazisme et celle de l’islamisme. J’en connais des gens de gôôôôche qui vendaient « Force Ouvrière » à la sortie des métros tout en éprouvant un profond mépris pour ceux, les « sans-dents » qui les achetaient. Les gouvernements successifs, avec un De Gaulle qui a ouvert cette voie, sont tous, sans exception, des vendus, des traîtres, soumis au Qatar et à l’Arabie saoudite auxquels ils vendent la France, ses valeurs, son identité. En 40, ces gens-là auraient été passés par les armes ou pendus. La Gauche et son Extrême me donnent envie de vomir.

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