Le fils indigne

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Rencontrer les parents de son mec, c’est un peu comme patienter dans le sas d’une banque avant de retirer un million d’euros en liquide. Derrière la porte vitrée, tu vois ce qui se passe, tu trépignes en attendant que le voyant vert s’allume pour pousser la porte, comme te l’indique une étiquette à moitié décollée.

 

Quand j’ai rencontré les parents de mon ex-mari, je voulais plus que bien faire. C’était l’entretien d’embauche de ma vie. Tout mon corps souriant et poli hurlait «acceptez-moi !». Mais bon, ça, c’était avant. Avant que :

  • – Je dise «oui» sous la houpa dans une robe blanche, en dépit du bon sens et de mon teint, car selon ma belle-mère, une mariée «c’est en blanc».

  • – L’ultime séparation après quatre tentatives pour tout recommencer. Au bout de la 5ème, notre couple était aussi usé qu’une VHS des «Aventures de Rabbi Jacob» vue 357 fois.

  • – Nous passions devant trois rabbins pour obtenir le guet. Oui sous la houpa, un rabbin suffit à unir deux personnes. Au Consistoire, pour prononcer un divorce, il en faut trois.

 

Moi : Mais enfin pourquoi 3 rabbins ?

Le rabbin n°1 : le mariage c’est comme un tissu, défaire les liens c’est complexe.

Moi : Mais Monsieur ici présent a largement commencé à détricoter tout ça.

Le rabbin n°2 : C’est ce que vous croyez …

Moi : Il a couché avec ma meilleure amie, sa secrétaire et la voisine du dessus.

Le rabbin n°3, s’adressant à mon futur-ex : Dites-moi qu’il s’agit de la même personne ?

Moi : non.

 

Aujourd’hui, forte de mon casier judiciaire sentimental, je sais que rencontrer les parents de David P. est une connerie. Sur l’échelle de la connerie, on est au même niveau que l’expédition punitive de la LDJ dans une librairie d’extrême-droite. Ça soulage sur le coup mais ça ne sert à rien. Et pourtant, aidée par mon GPS et soutenue moralement par de réguliers textos de David P., «t’es où bordel ? », «30 minutes de retard !!!», j’y vais. À mon arrivée,  l’être aimé me bloque dans le couloir, l’œil noir.

 

David P. : Si tu ne voulais pas venir, fallait le dire.

Moi : Quand tu m’as dit que pour nos 1 an tu voulais me les présenter, je t’ai répondu «offre-moi une montre plutôt». C’était pas une blague.

 

Pendant que sa sœur a tendu ses bras pour récupérer le bouquet de fleurs ou le paquet de chocolat que je n’ai pas acheté, j’ai pris une immense inspiration avant de pénétrer dans un grand séjour où étaient sagement installés Monsieur et Madame P. : un siècle et demi à eux deux. Un peu la même que mes parents, version «blindé de thunes, mais j’ai niqué mon capital soleil depuis que j’habite sur la Côte d’Azur, on ne peut pas tout avoir».

 

Il ne m’a fallu qu’une dizaine de minutes pour mesurer l’insatisfaction de la maman. Son fils peut bien décrocher la lune ou un prix Nobel, tant qu’il ne sera pas marié (plus de 18 mois, le record de David P.) et père de famille pour perpétuer le patronyme de la famille, elle ne sera ni tranquille ni heureuse.

 

Elle : David m’a dit que vous avez été mariée.

Moi : Oui, enfin une fois. Disons que moi, contrairement à votre fils, quand j’ai été malade dans un restaurant, j’y retourne pas.

Le père : C’est drôle ça !

Elle : Vous comptez vous marier quand ?

David P. : Maman !

Moi : Jamais.

Elle : Qu’est ce que vous faites ensemble ?

Moi : Alors ce que je préfère, c’est quand il me…

David P. : Tais-toi !

Le père : Ben non, pourquoi ?

Elle : Vous n’allez pas vous marier alors ?

Moi : Faut être réaliste, un faire-part avec le nom de votre fils dessus, c’est comme la convocation d’une réunion du Quartette pour faire avancer la paix au Proche-Orient. Ça sert à rien. Votre fils, il est pas fait pour le mariage.

Elle : Comment elle parle de mon fils !

Le père : Elle a raison.

 

Avant qu’elle n’éclate en sanglots, je lui ai pris la main : «Votre fils, il est génial. Il est beau, il est drôle, il est intelligent. Il a super bien réussi. Faut juste accepter… sa différence. Ma mère elle le dit, le mariage pour tous, c’est une connerie. Et je vais vous dire, je crois qu’elle a raison. Vous pouvez être fière de lui. Ensemble, on a assisté à deux mariages depuis qu’on se connaît, et ben vous savez quoi, aucune rechute, il est sur le chemin de la guérison.

 

Elle : Trois divorces, c’est la honte quand même.

Moi : Y a pire. René Lévy, le fils de Benny Lévy. Il passe son temps à raconter comment il fêtait Noël à coups d’écrevisses et de terrine de lièvre avant la techouva de son papa. Son père, il doit avoir tellement honte dans sa tombe qu’à l’heure qu’il est, il attaque le noyau externe de la terre.

Le père : Quelle horreur… de la terrine de lièvre.

Moi : Prenez Thomas Fabius : avec un papa plus jeune Premier ministre de France, normalement on collectionne les diplômes, pas les enquêtes préliminaires. Vous croyez que c’est facile pour le ministre le plus riche du gouvernement d’avoir un fils qui paye même pas l’impôt sur le revenu ? Ça c’est un fils indigne, rien à voir avec David ».

Elle, en essuyant ses larmes, soulagée : C’est vrai, vous avez raison. Et puis l’appartement de David, il coûte bien plus que 7 millions d’euros.

 
 
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

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1 Comment

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