Obvious child

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Je n’ai pas écrit ici depuis deux mois et demi.
Je voulais créer le manque et surtout trouver le mec.
J’ai échoué à demi ; aussi me revoilà chers amis.
 
Cet été, je vous le jure, je fus chaque jour à deux doigts de conclure.
J’ai d’abord jeté mon dévolu sur un asexué nihiliste, persuadée qu’un débutant rêverait de figurer sur ma liste.
Mais je m’y suis mal prise avec lui : je l’ai abordé en lui annonçant qu’il était une proie facile pour moi, puis j’ai tenté des jours durant de lui mettre la main au panier en lui disant :
«Je ne veux pas te faire une piqûre, je veux juste te toucher la b***
Pourquoi ? Pour occuper ma bande d’amis qui sans moi, aurait passé ses vacances à lire du Marc Lévy.
Amuser la galerie pour me protéger de mes désirs, l’air de rien, c’est un peu souffrir.
 
Le deuxième garçon que j’ai choisi était beau comme un Ryan Gosling basque, bronzé comme un Magik Mike tropézien et vif comme Booba sous Lexomil : avec lui, je voyais enfin la possibilité d’un Il.
Nous avons flirtouillé, nous sommes complimentés :
«Tu es sexy avec tes muscles»
«Tu es bonne avec tes seins»
Je lui ai même vomi dessus dans un taxi brésilien.
C’est vous dire si tout s’annonçait bien…
Mais le dernier soir des vacances, je me suis endormie sur lui en l’embrassant et il ne m’a pas accepté comme amie Facebook en rentrant.
Au revoir l’ambiance.
 
Dès mon retour dans la vraie vie, il me fallait, au travers la fiction, dédramatiser mon été et m’identifier à un personnage de raté. Le film Obvious child tombait à point nommé.
 
Pitch :
Donna Stern est juive (comme moi), drôle (moins que moi), grossière (encore plus que moi) et fraîchement célibataire.
Elle vit à New-York et voit sa vie partagée entre ses soirées one woman show, où elle aime à parler caca, célibat et fellation, son meilleur ami homo et ses beuveries.
Mais à force de passer son temps à amuser la galerie, elle s’oublie.
Encore un film monologue de la fouffe pompé sur ma petite vie de ouf
 
Obvious child est un film mignon qui ne détrônera peut-être pas la saison 3 de Girls mais il a ce je ne sais quoi de touchant.
Ah si je sais : Moi.
Donna se fait larguer au début du film suite à son one woman show où elle parle de chatte, de judaïsme, de fellation et de prouts : bref, de la vie, la vraie.
«Tu déballes tout sur scène, ça me fait vraiment bizarre.», lui dit son mec avant de se débarrasser d’elle et de lui annoncer qu’il se tape sa meilleure amie.
 
Mon one woman show à moi, c’est les réseaux sociaux.
Limite si je n’ai pas demandé  l’avis de mes mille amis virtuels avant de rouler ma première pelle.
Combien de fois mes mecs m’ont-ils reproché de me livrer à des inconnus en pâture juste avant de me dire no future?
J’aime à donner une image et à collectionner les bons points, vous parlez d’une prouesse : je suis maîtresse.
J’aime faire rire et réagir pour garder le pouvoir.
 
Je suis incapable de lâcher prise car j’ai peur de tout ce qui est courant (prise/courant, c’est dimanche, jour de bricolage ; pardonne-moi feu Lacan).
Ce personnage me garantit de ne jamais être personne, mais dans les deux sens du terme, il est là le problème.
Quand je discute avec un mec pour le séduire, je m’imagine toujours un public mort de rire.
Quand on se retrouve dans un lit, je me dis qu’on est dans un concours et que je dois être la meilleure… question de vit.
Comme moi, Donna boit pour oublier qu’elle n’est pas ivre et pour faire des bêtises, qui l’inspireront pour créer.
Parfois, je suis ivre rien que pour poster des statuts facebook commençant par «Ivre…».
 
L’humour de Donna est plus noir qu’une chanson de Saez, piano-voix :
 «Je ne suis pas l’ange mais le chandelier à sept branches qui le crame».
Elle aime à amuser les autres avec son malheur (célibat, rupture, poids de la religion) mais ne fait au fond que le développer : elle est tellement auto-centrée et plaintive qu’on dirait à elle seule un long film français tourné à Brives.
-Donna, avant tout, est un enfant.
Les adultes acceptent la régularité, les pensum.
Les enfants, eux, attirent les enfants, pas les hommes.
Donna aime faire pipi dans la rue comme j’aime à parler caca, Donna aime se dévaloriser pour séduire («Je pisse dans chacune des piscines que je fréquente»), comme moi qui me vante auprès de chacun de mes amoureux de roter plus fort qu’eux.
 
Bref :
Obvious child est un bon petit film de rentrée.
Il ressemble à un long épisodes de Girls : New-York, acteurs aux physiques très moyens, pyjama à carreaux, gilets de grand-mère et chaussures en plastique, avortement (c’est une première dans un film américain, l’avortement quand-même), gros sourcils, vin rouge, caca-pipi-vomi, homos, sodomie, pas de maquillage.
Et c’est aussi et surtout une comédie romantique qui m’a donné l’espoir, même pour de faux, de rencontrer Le mec qui me mettra à l’amende en concours de rots.
 
Mélanie Klein
Chronique publiée sur le blog Mon Cinéma, reproduite avec l’aimable autorisation de son auteur.
La bande-annonce du film :

 
Obvious Child, de Gillian Robespierre avec Jenny Slate, Jake Lacy, sortie en salles le 3 septembre
© photos : DR

Article publié le 6 juillet 2014

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