Rabbinique ta mère

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Il y a des semaines comme ça où l’actualité s’impose à vous avec la force et la violence d’un tsunami sur les côtes indonésiennes le 24 décembre 2004. Elle bride toutes vos tentatives de faire diversion, elle emporte tout sur son passage, saccage votre quotidien et s’insinue dans toutes les conversations. Bref, elle détruit tout. Et le pire, c’est que Patrick Bruel ne pourra même pas en faire une chanson.
 
Comme toi, en ce début de semaine, je découvre avec effarement et stupéfaction l’histoire de cette femme venue au Consistoire avec un chèque de 90 000 euros pour obtenir après une trop longue attente son guet (divorce religieux). 90 000 euros, ouais 90 000 euros. Les rabbins auraient pu faire un effort. Ben quoi, il paraît que le client est roi. Et à ce prix-là… C’est comme l’adoption d’un enfant malien par Madonna, ça rentre dans la catégorie «achat».  À ce train, le guet va devenir le dernier accessoire des it-girls.
 
En attendant, ça fait parler dans les chaumières, et surtout, cette histoire nous rappelle le dicton trop mal connu «il ne faut jamais réveiller un rabbin qui dort». Mercredi soir, mes parents l’ont appris à leurs dépens. Dans le salon, ma mère et mon père, d’ambiance taquine, ont invité le rabbin à dîner. Je ne suis que de passage.
 
Ma mère : Il paraît que la famille a filmé toute la scène au téléphone portable.
Mon père : Ben attends quand tu lâches 90 000 euros, t’as plus d’argent pour payer le caméraman. Les divorces coûtent de plus en plus cher.  Moi je connais une femme, elle voulait divorcer cet été, elle a pas les moyens, elle va devoir attendre l’année prochaine.
Ma mère, pleurant de rire : Cette histoire quand même, c’est la honte pour nous !
Mon père : Pour nous ? Nous qui ? Pour les rabbins oui !
Le rabbin : Comment ça LES rabbins. Moi j’ai rien fait ! Ça commence à bien faire de payer pour les brebis galeuses ! Déjà qu’on ne fait pas un métier facile…
Moi : Enfin ça va. C’est le GIPN non plus…
Le rabbin : C’est pire que ça !
Moi : Vous êtes quand même payés pour faire un truc que vous auriez fait de toute façon.
Mon père : Elle a raison, moi j’aimerais bien être payé pour aller à la synagogue…
Le rabbin : Sauf que moi je n’ai pas pris de vacances depuis 1986.  Et vous oubliez tout le travail de préparation. Les dvar thora
Ma mère : La paracha de la semaine, c’est comme les programmes scolaires, ça change pas d’une année sur l’autre.
Moi : Vous faites comme la prof de mon fils. Vous recyclez.
Le rabbin : Ah c’est comme ça que vous voyez mon travail ? Et ben ça fait plaisir.  Qui c’est qui se creuse la tête pour trouver des choses gentilles à dire sur un défunt marié à une non-juive, et dont tous les enfants sont baptisés et mariés à l’église, hein ? Qui c’est qui ramène le calme quand en plein moussaf de chabbath, deux fidèles se battent pour la place devant la Teba ? Qui c’est qui après un cours de guemara très pointu, demande si quelqu’un a des questions, qui attend 10 minutes pour voir enfin un doigt se lever et demander très sérieusement «est-ce que le Nutella est encore casher ?». Qui c’est qui doit aller récupérer les dons promis par les fidèles ? Non, parce que pour faire les kakous et jouer à qui a le plus gros compte en banque, y a du monde, mais pour passer faire un chèque au bureau, y a plus personne. Et puis tant qu’on est dans le sujet de l’affluence, qui c’est qui prie tous les soirs pour que le lendemain matin on ait minyan ?
Ma mère : Pourquoi vous vous énervez ?
Le rabbin : Parce que vous m’emmerdez. Vous m’emmerdez tous. J’en ai marre de vous tous et de vos questions à la con. Moi je travaille des heures pour répondre à la question «où était dieu pendant la Shoah ?», et quand j’arrive à la synagogue on me demande «où sont cachées les bouteilles de boukha ?».
Mon père : Faut pas vous fâcher, on rigolait
Ma mère : C’était maladroit, mais pas méchant.
Le rabbin, se dirigeant vers la porte : Je préfère m’en aller.
Mon père : Mais non restez.
Le rabbin : J’ai du travail à la maison. À cette heure-ci, ma boîte aux lettres doit être remplie de lettres, de demandes de berakhoth, sans compter les petites culottes à examiner pour savoir si telle ou telle femme doit aller au mikvé…
Mon père, courant derrière lui dans le couloir : Des petites culottes ?
Le rabbin : Qu’est ce que tu crois, je suis un beau gosse. Et ouais, ça te la coupe.
 
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

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Article publié le 9 mai 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop

 

 

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