Toute la vie

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Toute la semaine dernière, c’est la polémique  qui a agité le petit monde médiatique hexagonal – qui en dépit du bon sens avait fini par statuer que cette putain de robe était à rayures bleues et noires  – j’ai nommé la dernière chanson des Enfoirés. Une mélodie bien entêtante, des paroles poussives, un clip aussi réaliste qu’une vidéo de prévention contre le harcèlement en milieu scolaire. Anti-jeunes, réac’ : tous les commentateurs y sont allés de leurs petites vacheries. Alors que moi cette chanson, je la trouve très bien.
 
Comme je te le disais, cette chanson je la trouve super. Non, je déconne c’est juste que j’ai du mal à critiquer Jean-Jacques Goldman. Attends, Goldman quoi ! C’est une partie de moi. Et pourtant quand je suis tombée la première fois sur Toute la vie, ça m’a fait bizarre. Un peu comme la dernière fois que j’ai vu la grande tante de ma mère. Quand j’étais petite, elle faisait les meilleurs gâteaux de la terre. Aujourd’hui, elle confond le sucre et le sel, et comme elle n’avait plus de pépites de chocolat, elle dit toute contente « J’ai coupé des bouts de Zan dans la pâte à cookies. ». Tu la regarde perplexe, tout en passant ta langue sur le bridge du fond que t’as pas fini de payer, tu souris en réprimant un réflexe vomitif, mais tu vas rien lui dire. Jean-Jacques Goldman. Le Grand Jean-Jacques Goldman ! C’est vrai quoi, un peu de respect. Depuis qu’il a pris sa retraite, comme toutes les fans, je me meurs.
 
Comme j’ai rien pour tuer ma nostalgie, je suis obligée  de me taper  en boucle les anciens albums avec Michael Jones. On en parle du Michael deux secondes ? Quand j’entends des mecs me dire «mais c’est un immense guitariste, t’y connais rien !», je hurlerais bien : «ok mais pourquoi il chante alors ?» D’accord, Je te donne c’était super, mais maintenant Michael faut arrêter. On a déjà Jane Birkin qui chante plus avec son accent qu’avec sa voix, alors  à moins qu’on crée aux Victoires la catégorie «Ils chantent et on y entrave que dalle», je pense qu’il faut y aller… La France terre d’accueil des chanteurs du monde entier, ça va bien… On a réussi à se débarrasser de Lara Fabian, que les Belges ont bien voulu reprendre, et puis la place du ricain qui fait carrière en France est déjà prise par Jane Manson. Désolé Michael.
 
En plus, Jean-Jacques ne fait rien pour apaiser ma peine. J’avoue, je vis assez mal l’affront de voir mon idole ne revenir qu’une fois par an pour faire le kakou déguisé en flibustier (au mieux) ou en choriste en costume imprimé «forêt tropicale» pour Mimie Mathy (au pire).
 
Pour finir, alors que moi et quelques autres restons inconsolables du deuil du prochain album qui ne sortira jamais, Monsieur Goldman écrit des chansons pour les autres. Et quels autres ? Je te le en donne en mille. Liane Foly, Patrick Fiori, Lorie, Émile et Images, Laam. Jean-Jacques, Laam quoi !
 
Ma mère qui te défend becs et ongles depuis que le fils du cousin de sa «voisine par alliance» (sic) lui a expliqué que Là-bas et Puisque tu pars parlaient de l’alyah et d’Israël, n’a pas tardé avant de réagir.
Ma mère : Il a raison Jean-Jacques, les jeunes il faut qu’ils se bougent, ça va pas leur tomber tout cuit dans la main.
Moi : C’est pas facile d’être jeune aujourd’hui.
Ma mère : Moi de mon temps, c’était très dur. On vivait à 8 dans un 2 pièces.
Moi : Le mois dernier c’était 11.
Ma mère : Et on s’est  jamais plaint de quoi que ce soit !
Moi : Toi, ne pas te plaindre ?
Ma mère : M’acheter une robe pour aller danser le dimanche après-midi avec mes cousins, c’était 4 mois chez un oncle à la plonge pour me la payer. Alors qu’aujourd’hui, chez H&M, tu t’habilles pour 4 €99… Vous avez tout !
Moi : Tu sais maman que parfois tes raisonnements me sidèrent…
Ma mère : Moi ce qui me sidère, c’est comment on critique une chanson qui va permettre à des millions de gens de manger tout l’hiver prochain.
 
J’avais envie de lui répondre plein de choses et puis je me suis dit : « il va me falloir combien de temps pour convaincre ma mère, une femme capable dans un gala d’acheter 4000 euros un tableau de Jérusalem avec la tête du Rabbi incrustée en paillettes dans le soleil,  pour sauver  sauver une école juive hors-contrat de la fermeture ?» Toute la vie sans doute.
 

The SefWoman

 
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

 
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Article publié le 4 mars 2015. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2015 Jewpop

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