Photo de deux femmes tenant une banderole camp polonais Varsovie Jewpop

Ces Polonais qui souffrent d'un manque de camps d'extermination

9 minutes de lecture

En Pologne, des groupes d’extrême-droite estiment qu’il faudrait un camp de la mort supplémentaire, réservé aux « Purs Polonais ». Grâce à Dieu, ils en ont découvert un. Disent-ils.

S’il y a bien un pays qui a souffert des massacres et des génocides commis par les nazis, c’est la Pologne. Mais aux yeux de groupuscules ultra-conservateurs (ultra-catholiques, anti-européens, anti-immigrés, anti-homosexuels…), le compte n’y est pas. Pour eux, la Pologne est sans conteste le pays qui a proportionnellement le plus souffert du nazisme. Elle y a perdu 15% de sa population soit 5 millions (chiffre minimum) d’habitants. Le souci, c’est qu’il y avait parmi eux 3 millions de Juifs.

Bien sûr, ces Juifs étaient sans conteste des citoyens polonais. Mais pas de « purs Polonais » qui sont tous catholiques et eux pas. Puisqu’ils sont juifs. Qui plus est, ils ont cette tendance absolument non polonaise de vouloir être les premiers partout. Devant Dieu en tant que « peuple élu ». Mais aussi dans la haute finance. Dans les médias. Dans les gouvernements. Et même dans les génocides. Exemple, le camp d’Auschwitz. D’accord, admettent ces groupuscules, sur les 1.100.000 personnes qui y furent massacrées, 90% étaient juives et les Polonais, 75.000 à peine. Mais ils furent les premiers à y être déportés. Un fait bien trop ignoré.

De même dans les autres camps d’extermination du pays ( Treblinka, Sobibor, Maïdanek…). Partout, les Juifs s’accaparent la première place. Avec, il faut bien le reconnaître, une forte aide des nazis eux mêmes, ce qui ne laisse pas d’être interpellant.

Le miracle de Varsovie

Photo de la juge polonaise Maria Tzzcinska présentant son livre KL Warshaw Jewpop

La juge Maria Trzcińska, auteur de l’ouvrage négationniste “KL Warschau”

Quoi qu’il en soit, il manquait aux Purs Polonais un camp de la mort où ils auraient été majoritaires. Jusqu’à ce qu’ils en découvrent un, et dans leur capitale encore. On savait déjà qu’après avoir détruit le ghetto de Varsovie en mai 1943, les nazis avaient installé un camp de concentration sur ses ruines. Et que l’objectif de ce « Koncentrationslager Warschau » était d’en déblayer les décombres.

C’est alors qu’en 1970 se produisit un véritable miracle. Après des “recherches approfondies”, une juge polonaise, Maria Trzcińska, trouva non loin de là les restes de barbelés entourant une forêt où avaient été construites des baraquements pour prisonniers. Dans la foulée, elle découvrit dans un tunnel proche du camp de concentration, les ruines d’une chambre à gaz. Et le système de ventilation qui allait avec. Le camp de concentration de Varsovie était donc en réalité un camp d’extermination.

Où, toujours selon la juge, pas moins de 200.000 Purs Polonais avaient été immolés. 200.000 ! De quoi rabattre leur caquet aux Juifs, non ? Sauf qu’en examinant ces découvertes, des historiens sérieux découvrirent qu’il s’agissait d’un mythe, d’une « infox » comme on dit aujourd’hui : des Varsoviens ont flâné dans la soi-disant forêt interdite durant toute la guerre. Les baraques ont été construites avant 1939 pour des employés de la compagnie des trams.

Photo du camp de Varsovie Jewpop

Photo du KL de Varsovie, USHMM Archive © Holocaust Historical Society 2014

Le tunnel où se serait trouvé la chambre à gaz n’a cessé d’être utilisé par des voitures et des charrettes. Quant au système de ventilation, il a été installé dans les années 1970… On n’a au demeurant trouvé aucune trace de l’utilisation du gaz « Zyklon B » dans ce passage. Les Vrais Polonais ont rejeté avec mépris toutes ces rectifications venues d’évidence de gens manipulés ou achetés par les Juifs (et/ou les Allemands, peu soucieux de payer de nouveaux dommages de guerre).

Reste les 200.000 morts. D’où venaient-ils ? Combien de femmes ou d’enfants parmi eux ? Sur ce point aussi, la réponse est lapidaire : les Purs Polonais n’ont pas la mentalité procédurière des Juifs qui comptabilisent tout, jusqu’au dernier bébé… En réalité, les détenus du camp étaient 300 prisonniers allemands, pour la plupart opposants politiques, transférés de Buchenwald, un millier de déportés juifs transférés du camp d’Auschwitz, et entre 4 et 5000 déportés juifs hongrois.

De l’Holocauste au « Polocauste »

Photo d'un monument aux victimes polonaises du camp de Varsovie Jewpop

Monument aux victimes polonaises du KL Warshau, place Alojzy Pawelek, à Varsovie

Mais pourquoi s’intéresser aux délires d’un groupuscule d’illuminés ? Parce que ce n’est pas du tout un groupuscule d’illuminés. Ces gens sont membres de partis d’extrême-droite (« Pologne solidaire », « Camp national-radical » , « Jeunesse polonaise » ..) dont l’influence ne cesse de croître en Pologne. Qui plus est, certains de ces partis (sous d’autres noms) sont membres de la coalition au pouvoir actuellement (« gouvernement Morawiecki II ») dominée par le parti ultra-catholique et ultra-conservateur « Droit et Justice » «(PIS).

Lequel ne déborde pas non plus d’affection pour les Juifs : une vidéo de 2014 montre Moriawicki tenant des propos antisémites. En janvier 2018, le gouvernement a fait voter une loi interdisant d’évoquer toute participation de Polonais aux massacres de Juifs. Et, lorsqu’en octobre 1997, une manifestation a eu lieu pour l’inauguration d’une plaque commémorant « la mémoire des 200 000 Polonais assassinés dans le camp d’extermination allemand KL Warschau », un prêtre a aspergé la plaque d’eau bénite et des soldats ont rendu les honneurs.

De même, le 27 janvier 2019, à côté de la cérémonie officielle pour le 75ème anniversaire de la libération d’Auschwitz, une centaine de membres de l’extrême-droite ont été autorisés à rendre hommage aux seules victimes polonaises du camp, en accusant la « la nation juive et Israël de modifier l’histoire de la nation polonaise ».

Par ailleurs, depuis les années 1980, la puissante Église catholique installe des croix, des couvents ou des lieux de culte dans ou aux abords de tous les camps de la mort situés en Pologne. Difficile de ne pas voir dans tout cela une volonté soutenue de passer de « l’Holocauste » à un « Polocauste ».

C’est à dire d’arracher aux Juifs le titre – que ces gens semblent considérer comme enviable – de principales victimes du génocide commis par les nazis. Sans doute parce que la Pologne Pure le vaut bien…

Ouri Wesoly

© photos : photo de une : commémoration des “victimes polonaises du KL Warshau” le 1er septembre 2015 © Jake / Flickr / DR
Article publié le 19 février 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop

1 Comment

  1. « Où je me suis réfugié ? Où voulez-vous qu’un juif se réfugie en Pologne ? Dans la forêt évidemment. Je me méfiais des Polonais, ils étaient encore plus antisémites que les nazis. »
    Le Nazi et le Barbier (1974) de Edgar Hilsenrath

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