Photo du rabbin David Yossed coronavirus haine anti-haredite Jewpop

Coronavirus et haine anti-harédite

8 minutes de lecture

J’évite volontairement en ce moment d’écrire sur des sujets clivants. Mais je vais faire une entorse, pour parler de la haine anti-harédite qui se banalise bien trop vite ces jours-ci.

Disclaimer : je pense être mieux informé que la moyenne des gens sur le sujet, pour la simple et bonne raison que j’y travaille depuis le début de la crise. J’ai donc pu lire et écouter la majorité des prises de position rabbiniques, leur évolution etc… surtout en Israël, mais aussi aux États-Unis.

1. Certes, une partie des dirigeants n’ont pas été à la hauteur

Il ne faut pas le minimiser et je pense qu’une partie grandissante du public harédi en est consciente. On a pu voir de jeunes rabbins imbus de pouvoir faire dire ceci ou cela à des dirigeants bien trop âgés pour réellement réaliser la situation. Peut être que pour la première fois depuis la Shoah, l’infaillibilité de ces talmudistes coupés du monde est remise en question.

Ces dirigeants perdront probablement leur aura de sainteté au profit d’autres dirigeants (tout autant haredim que les premiers), qui ont agi avec responsabilité dès le début de la pandémie. En Israël, par exemple, le Rav David Yossef et son frère, le Grand Rabbin Ytshaq Yossef, ont appelé à obéir strictement aux directives et se sont mêmes montrés encore plus stricts que ce que la loi obligeait. En Israël toujours, l’Admour de Karline a été l’une des voix sages et mesurées, tout comme le Rav Rubin.

Aux États-Unis, on peut citer le Rav Dovid Cohen (Brooklyn) qui écrivait le 17 mars déjà :  “ Tout celui qui n’applique pas les règles de confinement transforme la mitsva [de minyan etc…] en aveira (péché) totale, il agit en suivant son mauvais penchant, qui souvent se présente comme une mitsva, alors que c’est une aveira complète ” (voir photo ci-dessous).

Copie d'une lettre du rabbin Dovod Cohen Jewpop

2. Même les rabbins ayant pris du temps avant d’agir de façon responsable, l’ont surtout fait par manque d’informations et de compréhension de la situation

Les institutions israéliennes ont pris du temps avant de réaliser que le public harédi n’avait pas les mêmes sources d’informations que le reste de la population. Lorsque le message a été intériorisé, la quasi-totalité du monde harédi a changé de comportement (aux alentours du 26 mars).

3. Le monde haredi est l’un des moins homogènes

Une infime minorité est extrémiste et anarchiste. Ce sont ceux que vous voyez en boucle dans des vidéos violentes, où la police affronte ces groupes. Ces groupes là sont critiqués par 95% de la population harédite et mettent cette population en danger immédiat. Les haredim sont les premières victimes de ces personnes.

Un sujet de la télé publique israélienne sur la fermeture des synagogues et yeshivot (hébreu non sous-titré)

4. Aujourd’hui, en Israël, les haredim respectent les directives

Et il faut tout même réaliser qu’ils le font alors que le prix à payer est bien plus lourd pour eux. La situation économique est mauvaise, les logements sont étroits, la vie communautaire s’est arrêtée, le socle de ce monde (l’étude de la Torah) est perturbé et l’accès à Internet reste très limité. Et malgré tout, les directives sont aujourd’hui respectées.

5. Je dois dire que je lis bien plus d’absurdités allant des fake news au messianisme à deux sous, chez des « rabbins » francophones ayant une certaine aura, mais parlant généralement en leurs noms uniquement, que chez leurs homologues israéliens.

Plutôt que de s’attaquer aux haredim, prenons le temps de faire le ménage chez nous. Faisons en sorte que les rabbins responsables soient entendus au sein du judaïsme francophone d’après la crise (je pense au rabbin  Michaël Szmerla de Strasbourg, premier rabbin en Europe a avoir fermé les mikvaot, au rabbin Nissim Sultan de Grenoble qui lui a emboité le pas, et à d’autres).

N’oublions pas que ceux qui ont diffusé de fausses nouvelles, minimisant le danger ou appelant à ne pas respecter les règles suite à des lectures insipides de la halakha, soient recalés dans les dédales de l’histoire.

6. En Israël, en France et ailleurs il existe des individus ayant des comportements inconscients, touchant au domaine de la vie juive

Ces personnes méritent d’être condamnées et peut-être dénoncées. Mais que les dérives ponctuelles ne soient pas un prétexte à une haine incontrôlée et sans-fondement des juifs et juives orthodoxes.

Hag Sameah.

Gabriel Abensour

Gabriel Abensour est originaire de Strasbourg. Il émigre en Israël à 18 ans et rejoint la Yeshivat Hakotel pour cinq années d’études religieuses, à la suite desquelles il entame ses études universitaires à l’Université hébraïque de Jérusalem. Après un B.A. de philosophie, économie et sciences politiques, Gabriel rejoint le département d’études juives, où il se concentre depuis sur la pensée rabbinique nord-africaine. Doctorant, sa thèse porte sur la littérature rabbinique algérienne à l’époque coloniale. Il étudie également à l’institut Shalom Hartman (Jérusalem), enseigne et écrit sur différentes plateformes juives, en hébreu et en français. Il a cofondé le centre d’études Ta Shma à Jérusalem.

Copyright photos : photo de une : Rav David Yossef / DR

Article publié le 7 avril 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop

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