« Liberté égalité judéité » vraiment ? En réalité, c’est un peu plus compliqué que cela. Si jusqu’à preuve du contraire, chacun est libre de pratiquer sa religion comme il le souhaite, en France, les orthodoxes font la loi et ont encore le pouvoir de reconnaître qui est juif et qui ne l’est pas.
“Renouveau et dynamisme”
Au cas où vous auriez raté cette information, comme beaucoup d’ailleurs, Michel Gugenheim a été réélu grand rabbin de Paris lundi 8 avril et veut placer son nouveau mandat sous le signe du « renouveau et du dynamisme ». Mais « renouveau » et « courant orthodoxe » font-ils bon ménage ? Pourquoi, aujourd’hui, de plus en plus de juifs ne se retrouvent plus dans les instances communautaires ? Rappelons que seuls 1,5% des juifs parisiens se sont rendus aux urnes pour élire les représentants du Consistoire de Paris lors de la dernière élection.
Monsieur le grand rabbin Gugenheim, si vous voulez dynamiser la communauté, il va falloir commencer à voir et écouter les juifs « invisibles » : les libéraux
J’ai longtemps essayé de comprendre d’où me venait mon intérêt pour Delphine Horvilleur. Une femme qui brise des barrières dans un monde si masculin force évidemment mon admiration mais en réalité, j’ai compris que ce n’est pas tant son genre qui doit être mis en avant que le vent de libéralisme qu’elle insuffle au judaïsme français.
Je vous vois venir de loin et je tiens à préciser : ceci n’est pas un plaidoyer pour le prosélytisme et l’ouverture au judaïsme pour tous, mais une réflexion sur les conséquences que peuvent avoir le communautarisme à outrance et la non reconnaissance du judaïsme libéral en France.
Je suis juive, une « vraie » de mes deux parents, je dispose même de la ketouba de mes parents, document si important qu’il détermine le lieu et les conditions de votre futur mariage. Une sorte de visa ou de pass VIP pour synagogue orthodoxe.
Pourtant, d’aussi longtemps que je me souvienne, je me suis toujours sentie différente dans l’expression de ma foi. Trop marginale pour les orthodoxes et peut-être, c’est en tout cas ce que je croyais, trop « juive » pour les libéraux.
J’avais l’impression d’être la seule à me demander comment, dans une synagogue, les femmes pouvaient être parfois à l’étage, tenues à l’écart des prières, victimes des remontrances du rabbin à chaque bavardage.
J’avais aussi l’impression d’être la seule à ne pas comprendre le si peu d’espace laissé aux juifs libéraux dans nos représentations. Comment peut-on expliquer qu’un juif converti à la synagogue de Copernic, par exemple, ne soit reconnu juif que dans un espace réduit en France mais étendu aux États-Unis ou en Israël ? Comment expliquer qu’un enfant de père juif et de mère non juive puisse être considéré, peu importe sa pratique personnelle, comme non-juif à vie ?
On m’a toujours dit « les règles (du Consistoire) sont les règles » et sans m’en rendre compte, je me suis éloignée, non pas de mon identité juive, mais de ma spiritualité. Condamnée à me sentir fièrement juive dans les moments de lutte contre l’antisémitisme et à me sentir mise de côté à la synagogue.
Pour résumer : pas dans le moule du Consistoire, pas assez sioniste acharnée pour le CRIF, et pas assez à droite pour certains polémistes (juifs) français.
Lasse de mes lamentations, je me suis naturellement tournée vers Delphine Horvilleur, le MJLF (Mouvement Libéral Juif de France) et des lectures comme Tenou’a, lecture bien plus apaisée que Dreuz.info, vous en conviendrez.
Plus d’inclusivité dans la pensée juive et l’application de la religion, c’est une manière de libéraliser les esprits et d’ouvrir la communauté à de nouvelles voi(es/x).
L’inclusivité, c’est aussi briser des tabous que l’on s’impose à soi-même. On peut être juif, libéral, de gauche (au grand malheur mon père) et rester fidèle à ses traditions.
Tal Journo
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Article publié le 15 avril 2019. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop
Mécaniquement, dans les élections au sein des institutions religieuses quelles qu’elles soient, ce sont forcément les plus extrémistes (disons les plus religieux) qui l’emportent.
On l’a vu au Consistoire mais aussi pour l’UOIF.
Pourquoi ? tout simplement parce que les membres libéraux de la communauté, et a fortiori ceux qui ne pratiquent pas, ne se sentent pas concernés et ne vont jamais aller voter.
CQFD
Michel
Très jolie réflexion dans laquelle je me retrouve à certains égards… Pour moi, la question est aussi de savoir pourquoi il faut à tout prix une instance sensée représenter la « communauté », si tant est que ce terme ait un sens.
j’aurai bien partagé cet article intéressant et juste
Le judaisme français a besoin d air et le consistoire c est l opposé de cela
mais le » de gauche » à la fin est rédhibitoire (et même pas drôle, juste incompréhensible; à moins que ce soit de gauche en israel? parce qu’en france, cela me semble impossible)
Je me reconnais beaucoup dans cet article : j’ai mes papiers mais je ne suis pas assez ceci ou cela. Et même, selon le rabbin, je ne suis pas assez sépharade ou pas assez ashkénaze… Un rabbin qui a son bureau au Consistoire m’a dit un jour (de grande inspiration) que mon mariage avec un juif libéral revenait à « [être] allée avec un animal ! » C’est désespérant. Dès lors, pourquoi rester au Consistoire ??? Il va falloir nous convaincre toutes.s.
Le judaïsme de Delphine Horvilleur est inclusif, y compris avec les femmes – la moitié de l’humanité – et c’est finalement fondamental.
Dreuz a au moins le mérite d’exister même si certaines vérités ne sont pas toujours bonnes à dire. Quant à Delphine Horvilleur si j’apprécie son combat libéral, il faut savoir que dans une autre vie elle fut aussi journaliste pour France 2, chaîne bien connue pour son amour d’Israël et ses reportages très nuancés et objectifs !