Le trompettiste Steven Bernstein se présente souvent comme « one of the hardest working men in showbusiness ». Au delà de l’expression ironique et de l’allusion à James Brown, rien n’est plus vrai. Steven a créé un véritable classique moderne avec sa série de ‘Diaspora’ (Diaspora Soul, Diaspora Blues, Diaspora Suite et Diaspora Hollywood). Il dirige Sex Mob et le Millennial Territory Orchestra (MTO). Mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg, et l’iceberg est gros comme une planète. Il a arrangé, composé ou joué pour/avec une invraisemblable myriade de musicians et de chanteurs, dans tous les genres possibles, de Carla Bley à Elton John, de Levon Helm à John Lurie, de Medeski, Martin & Wood à Shivaree, de Sting à Hifiklub, d’Antony and The Johnsons à Lee Scratch Perry…
Avec le Millennial Territory Orchestra, un ensemble de neuf musiciens, il recrée l’esprit des big bands régionaux qui sillonnaient l’Amérique dans les années 20, se produisant dans les bars et les bals obscurs et qui ne furent peu ou pas enregistrés sur disque. Le MTO sera à Paris pour un concert exceptionnel le 11 septembre (au Festival Jazz à la Villette) en hommage à Sly and The Family Stone. Un live suivi de près par la sortie de l’album MTO plays Sly sur le label Royal Potato Family.
01. Tu es dans des centaines de projets depuis plus de vingt ans, et tu ne parais pas près de lever le pied. Où trouves-tu l’énergie pour mener tout cela de front?
Voilà ce que je fais. Je suis comme tous ceux qui bossent 5 jours dans la semaine, sauf que je travaille 7 jours dans la semaine… je pratique mes cuivres quotidiennement, je compose la journée (et la nuit aussi). C’est plutôt doux par rapport à un boulot classique. Il est important de bien se reposer, de manger correctement, et de s’assurer que ton taux de caféine est correct. Le café, c’est seulement pour le matin… le reste de la journée, expresso! Et tu sais, je travaille avec mes amis, alors mon environnement professionnel ne présente quasiment aucun stress…
02. Tu sors « MTO plays Sly » (Royal Potato Family). Dans le passé, tu avais repris Sly avec Sex Mob. Pourquoi choisir alors la formule big band pour ce disque?
Tout cela a été conçu comme un projet du Millennial Territory Orchestra. Le producteur qui m’a demandé de faire le concert d’origine (Jay Weismann du festival River to River) est un grand fan du MTO, il a pensé que notre version de « Darling Nikki » (un titre de Prince repris par le MTO sur leur premier album, NDR) ferait un bon point de départ, alors je suis parti de là. Le tout premier concert faisait partie de la célébration du 40ème anniversaire de Woodstock (à ce sujet, j’ai aussi joué avec Levon Helm pour l’occasion).
03. Pourquoi la musique de Sly est si importante pour toi?
Je devrais t’envoyer les textes publiés dans le CD… ils expliquent la longue histoire que j’ai avec la musique de Sly, et l’amour que je lui porte. En version courte: j’ai grandi à Berkeley dans les années 60 et cette musique était toujours présente… j’ai acheté les « Greatest Hits » de Sly quand j’avais 17 ans, je jouais déjà du jazz à l’époque, et cette musique m’a ouvert les oreilles en grand. Puis, en 1979, je suis allé à New York dans le Lower East Side … la scène « punk funk » du début des années 80 était florissante. J’ai acheté « Fresh » et « There’s a Riot Going On« , ces disques prenaient tout leur sens dans cet environnement. Sly n’a cessé de m’inspirer depuis, en permanence. Le Family Stone combinait parfaitement l’individualité et la précision. A sept, ils sonnaient d’une façon énorme. Sur le plan de l’orchestration, sur le plan social et musical, Sly était en avance sur tout le monde. Sa musique est un parfait mélange de mystère et de science.
04. Quel est ton album préféré?
Impossible de te répondre, chaque jour je te ferais une réponse différente… je les aime TOUS!
05. Sly sort son premier disque depuis des années, quelques semaines seulement avant le tien. As-tu écouté ce disque et si tel est le cas, qu’en penses-tu?
Je ne l’ai pas encore écouté. Intéressant de voir qu’il contient pas mal de chansons qui sont sur « MTO plays Sly« . Je sais qu’il a achevé d’autres CD qui ne sont jamais sortis.
06. Parle-moi un peu de la couleur musicale de « MTO plays Sly » et des instruments que tu as choisis pour ce disque. Par exemple, le banjo et le violon…
Eh bien, l’idée c’était d’associer le MTO, qui s’inspire des premiers orchestres régionaux et des orchestres de la Nouvelle-Orléans (cuivres, violons, clarinette, 2 saxophones) avec le Hammond B3… une sort de version rétro-futuriste de Count Basie avec Jimmy McGriff, maiq qui utilise Bernie Worrell et sa magie incomparable. Le banjo était une idée de dernière minute, j’ai juste demandé au guitariste de l’apporter. Je venais de jouer dans pas mal de festivals d’americana avec le Levon Helm Band, ce son était dans ma tête, j’ai décidé de voir ce qui se passerait. Ce banjo donne certains de mes moments préférés sur le disque.
07. Comment as-tu sélectionné les chanteuses et les chanteurs?
C’est venu assez naturellement… Dean et Sandra étaient mon premier choix pour les chanteurs principaux. Ce sont des amis et ils ont une relation forte à Sly et aux racines de Sly, à savoir la musique d’église. J’ai pensé qu’Antony serait parfait pour Family Affair et Martha pour Que Sera. J’avais tout cela en tête dès la première réunion au sujet du concert. Shilpa Ray m’a été présentée pat Jay Weismann. Elle apporte vraiment quelque chose de différent au disque.
08. Inviter Antony Hegarty est une idée brillante. Sa version de Family Affair est géniale.
Je suis d’accord… est-ce que tu as entendu les arrangements que j’ai faits pour lui pour « If It Be Your Will » sur l’hommage à Leonard Cohen [I’m Your Man, NDR]? Nous nous admirons mutuellement. J’ai envie de faire encore beaucoup de choses avec Antony, c’est un artiste incroyable.
09. Tu as joué dans l’orchestre de Walter Thompson. Est-ce que tu utilises le soundpainting pour diriger le MTO?
Tu peux l’appeler soundpainting, direction, peu importe, mais j’ai développé ma propre façon de diriger l’orchestre qui réunit tous ces éléments.
10. Un mot sur ton groupe le plus récent, The Wicked Knee, avec Billy Martin.
Ce n’est pas mon groupe, mais j’ai aidé Billy à faire les arrangements, nous étions tous excités au sujet de ce projet. C’est un vrai brass band de poche moderne. Nous avons joué seulement quelques concerts, la musique a été incroyable et les gens dansaient!
11. Un de mes disques préférés dans ta discographie est « Baby Loves Jazz« . Est-ce que cet album a été un succès?
Pas autant qu’il aurait dû. On l’a fait en indépendant, Verve l’a sorti mais ne savait pas trop comment travailler le marché de la Jeunesse. Je crois qu’un bon disque pour les enfants avec Sharon Jones et John Medeski devrait toujours se vendre!!!
12. Avec Sex Mob, tu as repris la Macarena et bien d’autres tubes du répertoire populaire. Qui sera le prochain sur ta liste? Lady Gaga ou Katy Perry? ou peut-être Miley Cyrus?
On a fait un Lady Gaga récemment.
13. Que peut-on attendre de l’imprévisible Steven Bernstein dans un futur proche?
Je voudrais enregistrer mon nouveau projet « MTO plays the Early Blues » avec Henry Butler, Dean et Sandra (WC Handy, Jelly Roll, Bessie Smith, Fats Waller et Count Basie). Je voudrais aussi faire un disque avec seulement des guitares, et ce serait bien de faire un disque d’instrumentaux avec Levon Helm. Nous avons enregistré le Levon Helm Band à Woodstock avec Mavis Staples (j’ai réalisé 4 arrangements de cuivres). Je voudrais toujours faire « Sex Mob plays Nino Rota », j’ai juste besoin de temps (et d’argent). Ars Nova à Philadelphie parle de sortir un disque réunissant un chouette set de Spanish Fly qui date de plusieurs années. J’ai aussi fait un concert « 1971 » avec Sex Mob, ce serait chouette de faire une série comme ça, consacrée à la musique d’une seule année. Il y a eu aussi de belles collaborations en Italie (Brass Bang avec Paulo Fresu, Gianluca Petrella et Marcus Rojas, en quartet avec Ricardo Fassi et Bitches Brew avec Funky Football). Enfin, on va faire un concert spécial de Sex Mob pour mon 50ème anniversaire.
Interview réalisée par Nicolas Ragonneau pour Paris Djs.com
photo noir & blanc par Ziga Koritnik, photos couleur par Greg Aiello, artwork mix par Nicolas Ragonneau
Links :
Exclusive mix : Paris DJs Soundsystem presents Steven Bernstein – a Trumpet’s Life pt.1
Interview : in English or in French
New album out sept 27th : MTO plays Sly
Live in Paris sept 11th : Sly Stone tribute show
Steven Bernstein’s Millenial Territory Orchestra : official | flickr | myspace | parisdjs | wikipedia | youtube